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pouvoit assurément choisir un plus grand maître dans cette science que Bossuet, qui étoit parvenu à ne pouvoir plus s'énoncer dans sa propre langue, sans y transporter involontairement toute la magnificence des prophètes, et toute la hauteur de ce style sublime, qui porte avec lui le sceau de l'inspiration.

Un grand avantage pour Fénelon, comme l'une de ses distractions les plus douces, étoit la Jiberté d'accompagner Bossuet à sa maison de Germigny (1). C'étoit là que Bossuet alloit chercher quelquefois le repos de la solitude, pour échapper au tourbillon des devoirs et des affaires, qui remplissoient tous ses momens à Paris et à la Cour: retraite sacrée, qui pouvoit seule soustraire ce grand homme à l'empressement indiscret de tant de personnes de tous les rangs et de toutes les professions, qui venoient sans cesse interroger l'oracle de l'Eglise gallicane. Là, Fénelon, son fidèle ami l'abbé de Langeron, et le célèbre abbé Fleury, étoient assurés de jouir de Bossuet tout entier. Les repas, la promenade, et les intervalles nécessaires qui séparent les momens consacrés à l'étude, devenoient des occasions et des moyens d'instruction sous la forme d'une simple conversation.

(1) Maison de campagne des évêques de Meaux.

Nous ne pouvons douter qu'à cette époque si heureuse pour l'un et pour l'autre, Fénelon ne se fît un devoir de soumettre à Bossuet, avec un respect religieux, tous ses travaux et tous ses essais.

XXIII.

Sur un ma

nuscrit

de

me de Male

Nous avons entre les mains la copie d'une réfutation très-étendue que Fénelon a faite du Traité de la nature et de la gráce, du père Ma- Fénelon conlebranche. Cette copie est entièrement conforme tre le systè à l'original écrit de la main de Fénelon, et elle branche. étoit vraisemblablement destinée pour l'imprimeur. L'original se trouvoit encore il y a quelques années parmi les manuscrits dont le dépôt nous a été ensuite confié. Nous n'avons pu découvrir par quel accident ce manuscrit de la main de Fénelon en a été soustrait au milieu du désordre que le malheur des temps a introduit dans une multitude de dépôts précieux. Nous avons d'autant plus de sujet de déplorer ce malheur, qu'indépendamment de ce que le manuscrit original est entièrement écrit de la main de Fénelon, il porte à la marge des notes intéressantes, également écrites de la main de Bossuet, à qui Fénelon avoit soumis son travail.

Au reste, la copie que nous en avons, peut facilement suppléer à l'original. On y distingue au simple coup-d'œil, les corrections, les chan

gemens et les observations que Bossuet avoit ajoutés au travail de Fénelon. On sait que le Traité de la nature et de la gráce, du père Malebranche, produisit dans le temps entre ce célèbre métaphysicien et Arnauld, des discussions très-longues et très-animées, qui ne finirent qu'à la mort d'Arnauld. Il étoit déjà honorable pour Fénelon, jeune encore, de pouvoir lutter avec un philosophe tel que Malebranche, dont l'imagination éblouissante savoit donner à des illusions sublimes toutes les couleurs de la vérité. Mais ce qui étoit encore plus glorieux pour Fénelon, c'étoit de savoir déjà s'exprimer sur les questions les plus importantes de la théologie et de la métaphysique, de manière à mériter l'approbation de Bossuet, et de penser sur Malebranche comme Arnauld, juge si profond et si éclairé dans ces matières.

Au reste, on sait que Bossuet se montra encore plus sévère que Fénelon. On lit dans le recueil de ses ouvrages (1) une lettre très-curieuse qu'il écrivit à un jeune homme, admirateur passionné des systêmes de Malebranche. Bossuet, qui n'étoit point accoutumé à transiger avec la vérité, se joue avec un mélange de plaisanterie et de gravité, du ridicule enthousiasme de ce jeune méta(1) Tom. 1x, pag. 55o.

physicien.

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physicien. C'est dans cette lettre vraiment intéressante, que l'on peut observer comment le génie pénétrant de Bossuet alloit au devant de l'avenir : Un grand nombre de jeunes gens se laissent flatter à vos nouveautés. En un mot, ou je me trompe bien fort, ou je vois un grand parti se former contre l'Eglise, et il éclatera en son temps, si, de bonne heure, on ne cherche à s'entendre avant de s'engager tout-à-fait. Croyez-moi, pour savoir de la physique et de l'algèbre, et pour avoir même entendu quelques vérités générales de la métaphysique, il ne s'ensuit pas pour cela qu'on soit fort capable de prendre parti en matière de théologie.

Il faut rendre justice à Malebranche; si son imagination l'égara quelquefois, jamais son cœur ne fut complice des écarts de son esprit; jamais philosophe ne fut plus religieux, plus paisible, plus ennemi de tout esprit de contention et de parti. Il unissoit toute l'élévation d'un génie supérieur à cette modeste simplicité qui en forme le véritable caractère. Livré tout entier à des méditations métaphysiques, il avoit plus que de l'indifférence pour tout ce qui tenoit à l'érudition et à des connoissances positives; indifférence qui est certainement un tort, lorsqu'on 'enveloppe FENELON. Tome 1.

6

XXIV.
Traité du

dans le même mépris ce qu'il est bon et ce qu'il est utile de savoir. Entraîné par son imagination à se livrer à de brillantes illusions, il élevoit toujours l'édifice de ses systêmes sur des idées abstraites, auxquelles il ne donnoit aucun point d'appui. Aussi lui reprochoit-on de bátir en l'air. Mais ses intentions étoient aussi pures, que ses conceptions étoient nobles et élevées. Il vouloit toujours lier la religion à la philosophie, alliance sans doute désirable, lorsqu'on consent à respecter les limites des deux empires. Son génie trop systématique, se sentant continuellement arrêté par ces bornes immuables que la religion et la théologie opposent aux imaginations indiscrètes, se trouvoit dans un élément plus favorable, en parcourant ces vastes espaces où la métaphysique se plaît à s'égarer. Au reste, ces jeux de son imagination ne corrompirent jamais la sincérité de sa soumission aux décisions de l'Eglise.

Fénelon s'occupoit dans le même temps d'un ouvrage qui avoit un rapport plus direct aux foncdes Pasteurs. tions dont il étoit chargé, que les systêmes méta

Ministère

physiques de Malebranche; nous voulons parler de son Traité du Ministère des Pasteurs. Il pensoit avec raison que toute la controverse entre les Catholiques et les Protestans pouvoit se réduire à

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