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» de vrais personnages qui ressemblent à ces » héros. »

On voit que Fénelon veut parler de ce genre de romans dont le goût dominoit dans le siècle où il a vécu; de ces romans qui représentoient le plus souvent des personnages ornés de toutes les perfections imaginaires de beauté, de grâces, de courage, d'honneur, de délicatesse et de vertu, et dont il étoit en effet difficile de retrouver les modèles dans le monde et dans l'habitude de la vie. Il est vraisemblable qu'il se seroit montré bien plus sévère encore pour les romans de notre siècle, qui sont une image trop fidèle de nos mœurs actuelles, et qui familiarisent ainsi les imaginations jeunes et faciles avec des impressions et des sentimens qui ne sont malheureusement que l'histoire trop sincère des désordres de la société.

Fénelon ne dit qu'un seul mot de la dissimulation qu'on reproche aux femmes, et ce mot renferme un grand sens. « Cette dissimulation. » est d'autant plus inutile, que si le monde est » quelquefois trompé sur quelqu'action parti» culière, il ne l'est jamais sur l'ensemble d'une >> vie entière. »

Il n'y a pas jusqu'à des leçons de grâces et de bon goût sur la parure, qu'il n'ait trouvé le moyen

d'amener dans cet intéressant ouvrage. Il ne dissimule pas «< que la vanité est naturelle aux jeunes » personnes, parce qu'elles naissent avec un désir » violent de plaire. De là cet empressement pour » tout ce qui paroît devoir les distinguer et fa>> voriser l'empire de leurs agrémens et de la grâce » extérieure. De là ce faste qui ruine les familles. »

Il fait voir combien elles s'égarent souvent dans les combinaisons de leur vanité, en adoptant inconsidérément des modes qui leur font perdre la plus grande partie de leurs avantages. Il voudroit qu'on leur fît remarquer la noble simplicité qui

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paroît dans les statues et les autres figures qui »> nous restent des femmes grecques et romaines. » Elles y verroient combien des cheveux noués négligemment par derrière, et des draperies pleines et flottantes à longs plis, sont agréables » et majestueuses. »>

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Mais par une espèce de pressentiment de l'exagération qu'une nation mobile et légère apporte toujours dans ses goûts et dans ses modes, Fénelon ajoute: «<< Il ne faut pas souhaiter qu'elles » prennent l'extérieur antique; il y auroit de l'extravagance à le vouloir : il faut seulement qu'elles prennent le goût de cette simplicité d'habits, si noble, si gracieuse, et d'ailleurs si » convenable aux mœurs chrétiennes...; les vé

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» ritables graces suivent la nature, et ne la gé» nent jamais. »

Après avoir indiqué les défauts que l'on doit éviter, Fénelon expose les devoirs que les femmes ont à remplir. Rien ne lui échappe dans la vie intérieure des familles, ni dans le tableau du monde où elles sont destinées à vivre. Il finit par cet éloge si touchant, que l'Ecriture fait dans le livre des Proverbes, de la femme vraiment admirable, que ses enfans ont dit heureuse, que son mari a louée, et qui a été louée par ses propres œuvres dans l'assemblée des sages, et par les regrets et les pleurs de tous ceux qui l'ont connue, aimée et respectée.

Nous nous sommes un peu étendu sur ce Traité d'éducation, non-seulement parce qu'il fut le premier ouvrage de Fénelon, et qu'il réunit tous les genres de mérite qui peuvent appartenir à un pareil sujet, mais encore parce qu'il indiqua, pour ainsi dire, d'avance, à M. de Beauvilliers, le précepteur des petits-fils de Louis XIV.

Il y a loin, sans doute, du gouvernement domestique des familles au gouvernement d'un grand empire. Mais la différence des objets ne change rien au caractère du génie, qui les considère chacun sous son véritable point de vue. Le même esprit d'observation et de sagesse qui sait donner

à chaque sujet toute la profondeur et toute l'étendue dont il est susceptible, sans jamais sortir des bornes où il doit se renfermer, suppose toujours cette surabondance de génie et de talent, qui ne demande qu'un libre essor et des circonstances propices pour embrasser un plus vaste espace, et atteindre les points les plus élevés.

Lorsqu'on a lu le traité de l'Éducation des Filles, on est disposé à croire que Fénelon n'avoit pu acquérir un sentiment si juste et si délicat des usages, des convenances et des travers de la société, que par un commerce habituel avec le monde. Cependant, à l'époque où il composa cet ouvrage, il étoit dans la retraite, uniquement occupé de ses devoirs ecclésiastiques. Il logeoit à la vérité chez le marquis de Fénelon, son oncle, qui avoit autrefois beaucoup vécu à la Cour et dans le monde. Mais cet oncle vivoit alors lui-même fort retiré, livré tout entier à la méditation des grandes vérités de la religion, et n'ayant conservé de toutes ses anciennes relations, qu'un petit nombre d'amis qui partageoient ses principes et ses sentimens. Il est vrai que ces amis étoient des hommes du premier mérite par leur vertu et leur caractère; prévenus favorablement pour le neveu, par leur amitié pour l'oncle, ils éprouvoient déjà pour Fénelon cette espèce d'attrait, qui lui tint si étroitement unis pen

dant toute sa vie, tous ceux qui avoient une fois commencé à l'aimer. Ce fut dans la société de ces hommes distingués, déjà désabusés du monde, ou qui avoient eu la sagesse d'y conserver l'indépendance de leur caractère, en se retirant souvent dans la solitude de leurs pensées, qué Fénelon apprit à connoître le monde beaucoup mieux qu'il ne l'auroit connu, en s'abandonnant inconsidérément au tourbillon des sociétés. D'ailleurs, ce seroit une illusion de croire qu'on ne connoît bien le monde, qu'en se livrant au tumulte insensé de ses plaisirs si bruyans, à ses joies si vaines, à son oisive activité. Il reste bien peu de temps et de moyens pour l'observation, lorsqu'on est soi-même entraîné par le mouvement rapide qui précipite les jours et les années de la vie dans ce vide immense de soins inutiles, de distractions pénibles, de vains projets, d'espérances trompeuses. C'est de la solitude qu'il faut voir le monde, ses passions, ses ennuis, ses vicissitudes; la connoissance des hommes n'est point attachée à l'observation superficielle des formes et des usages de la société. L'habitude de la politesse et des égards contribue sans doute à répandre plus de douceur dans les mœurs et plus d'élégance dans les manières; mais il n'est pas nécessaire de consumer sa vie entière dans ces soins frivoles, pour

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