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bien Fénelon, encore rempli de la lecture d'Homère, avoit été frappé de bonne heure du caractère que ce grand poète donne à Ulysse :

Des Grecs je vois le plus sage,
Jouet d'un indigne sort,
Tranquille dans son naufrage,
Et circonspect dans le port;
Vainqueur des vents en furie,
Pour sa sauvage patrie,
Bravant les flots nuit et jour.
Oh! combien de mon bocage,
Le calme, le frais, l'ombrage
Méritent mieux mon amour!

espèce de tableau prophétique de la destinée qui étoit réservée dans la suite à Fénelon lui-même, et dont le pressentiment semble se retrouver encore dans ces vers de la même ode:

Loin, loin trompeuse fortune,

Et toi, faveur importune,

Le monde entier ne m'est rien.

Ce fut sans doute l'impression qui lui étoit restée dès sa jeunesse, du caractère d'Ulysse, tel qu'Homère nous l'a dépeint dans l'Odyssée, qui invita Fénelon, long-temps après, à adapter si heureusement ce même sujet à l'instruction de M. le duc de Bourgogne, en lui proposant pour modèle Télémaque, fils d'Ulysse. On sait d'ailleurs que Fénelon préféroit l'Odyssée à l'Iliade;

il y retrouvoit une peinture plus fidèle et plus attachante des vicissitudes de la vie humaine, et des leçons plus sensibles pour apprendre aux hommes à supporter avec courage l'injustice et le malheur.

Après une courte absence, Fénelon reprit ses premières fonctions auprès des Nouvelles-Catholiques, et il consacra dix années entières de sa vie à la simple direction d'une communauté de femmes. Si le nom de Fénelon ne commandoit pas toujours l'amour et le respect; si tous ses ouvrages, toutes ses pensées, sa conduite publique et privée, ne portoient pas un caractère de grandeur qui ne permet pas à l'envie et à la satire de hasarder le plus foible trait contre un si beau génie, on ne manqueroit pas de dire et de croire qu'un pareil emploi de son temps, dans la maturité de l'âge et de la raison, a contribué à rétrécir son esprit, en le concentrant dans des soins minutieux, dans des détails obscurs, dans des études inutiles.

XXII.

Traité de

l'Education

Ce fut alors cependant que Fénelon écrivit son premier ouvrage; ouvrage qui a commencé sa réputation, et qui, dans un seul petit volume, réunit des Filles. plus d'idées justes et utiles, plus d'observations

fines et profondes, plus de vérités pratiques et de

saine morale, que tant d'ouvrages volumineux

écrits depuis sur le même sujet. Il est facile en effet de s'apercevoir que tout ce que des auteurs plus récens ont proposé d'utile et de raisonnable sur l'éducation, a été emprunté du traité De l'éducation des filles. Fénelon avoit dit avec précision et simplicité ce qu'on a répété avec emphase et prétention.

Fénelon n'avoit pas même composé cet ouvrage pour le public: c'étoit un simple hommage de l'amitié; il ne l'avoit écrit que pour répondre aux pieuses intentions d'une mère vertueuse. Madame la duchesse de Beauvilliers partageoit tous les sentimens de confiance et d'estime de son mari pour l'abbé de Fénelon. Occupée avec le plus respectable intérêt de l'éducation de sa nombreuse famille, elle le pria de la diriger dans l'accomplissement des devoirs prescrits à sa sollicitude maternelle. Outre plusieurs garçons, elle eut huit filles qui, grâce aux exemples domestiques qu'elles eurent sous leurs yeux pendant leur jeunesse, et aux principes qu'elles puisèrent dans les instructions de Fénelon, furent des modèles de toutes les vertus que la charité inspire et que la religion ennoblit.

Comme elles étoient encore trop jeunes pour que Fénelon pût indiquer, par rapport à chacune d'elles, les modifications que tout instituteur

éclairé doit employer, selon la différence des caractères, des penchans et des dispositions, il généralisa toutes ses vues et toutes ses maximes; mais il saisit avec tant d'art et de profondeur tous les traits uniformes dont la nature a marqué ce premier âge de la vie, et toutes les variétés qui donnent à chaque caractère comme à chaque figure, une physionomie différente, qu'il n'est aucune mère de famille qui ne doive retrouver dans ce tableau l'image de son enfant, et l'expression fidèle des défauts qu'elle doit s'efforcer.de prévenir, des penchans qu'elle doit chercher à reetifier, et des qualités qu'elle doit désirer de développer.

C'est ainsi qu'un ouvrage destiné à une seule famille, est devenu un livre élémentaire qui convient à toutes les familles, à tous les temps et à tous les lieux.

Cet ouvrage est si connu et si généralement répandu que nous nous croyons dispensés de le faire connoître dans tous ses détails; nous ne craignons pas même d'avouer que nous nous étions d'abord proposé d'insérer dans une espèce d'analyse, tout ce qui nous avoit paru avoir un caractère plus marqué d'agrément ou d'utilité. C'étoit dans cet esprit que nous en avions commencé l'extrait; peu à peu, et sans nous en apercevoir

nous-mêmes, notre extrait étoit devenu l'ouvrage tout entier : ce qui nous a averti qu'il est du petit nombre de ces livres parfaits auxquels on ne peut rien ajouter, et dont on ne peut rien retrancher sans en altérer l'esprit et la régularité.

Fénelon commence son traité de l'Education des Filles dès les premiers jours de la vie, dès cette époque où un seul et même nom, celui d'enfant, convient également aux deux sexes. En lisant cette première partie de son ouvrage, on ne peut s'empêcher de s'étonner de la modestie avec laquelle il nous présente plusieurs observations de détail aussi fines que justes et profondes; l'étonnement augmente encore en comparant cette simplicité avec le faste des auteurs plus récens, qui nous ont reproduit ces mêmes observations comme des découvertes qui sembloient leur appartenir.

« Je ne donne pas ces petites choses pour gran» des», écrit Fénelon. Mais que Fénelon paroît grand, lorsqu'il ne donne que comme de petites choses ces observations fines et délicates qui tenoient à une attention si suivie, à des réflexions si profondes et si variées; qui supposoient tant de goût et de tact, et qui étoient l'expression du cœur le plus sensible et le plus vertueux!

Dans la première partie de son ouvrage, Féne

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