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doit cependant remarquer tous les ménagemens qu'il continua à observer, et dont on retrouve les traces dans une longue lettre qu'il écrivit à madame Guyon (1).

Bossuet, dans cette lettre, lui rappeloit les étranges assertions qu'il avoit extraites de ses propres écrits. On ne sait de quoi l'on doit s'étonner davantage, des excès où une imagination déréglée peut quelquefois conduire une ame réellement vertueuse, ou de la touchante bonté avec laquelle un évêque, évêque, tel que Bossuet, daigne compatir à sa foiblesse, de la modération avec laquelle il réprime ses écarts, et de la raison saine et calme qu'il oppose à toutes ses illusions. On doit également observer la réserve obligeante avec laquelle il s'exprime sur Fénelon et sur les autres amis de madame Guyon.

Il paroît que cette lettre fit d'abord sur elle une utile impression; elle cherchoit, à la vérité, à excuser ou à interpréter quelques-unes de ses expressions, mais uniquement pour justifier ses intentions.

On devoit espérer qu'avec des dispositions aussi édifiantes, elle resteroit tranquille et heureuse dans la retraite qu'elle s'étoit choisie; mais la so

(1) Tom. XIII des OEuvres de Bossuet, lettre du.... mars 1694. (Edit. de D. Déforis.)

XVII.

litude ne lui fut pas favorable; son imagination s'aigrit par des rapports infidèles, qui lui firent croire que sa réputation étoit attaquée et ses mœurs soupçonnées. Tout-à coup elle écrivit à madame de Maintenon « pour lui demander des » commissaires moitié ecclésiastiques, moitié laïdes » ques, pour juger sa doctrine et ses mœurs. Elle >> offroit de se rendre dans telle prison qu'il plai » roit au Roi de lui indiquer ».

Madame Guyon demande

commissai

res.

Madame de Maintenon fit passer sa réponse par le duc de Chevreuse, et le ton de sa lettre laissoit apercevoir combien elle étoit déjà prévenue contre madame Guyon. « Vous pouvez dire à madame Guyon que j'ai encore parlé au Roi, et qu'il a » fort approuvé un nouvel examen de ses écrits. » On emploiera pour cela des personnes d'une

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grande vertu et d'un grand savoir : c'est de quoi » vous pouvez l'assurer. Je souhaite bien sincère» ment qu'elle ne soit pas dans l'erreur ».

Madame Guy on insistoit toujours pour qu'on lui nommât des commissaires moitié ecclésiastiques et moitié laïques; elle fondoit sa demande sur ce qu'étant accusée dans ses mœurs, et des commissaires ecclésiastiques se faisant toujours une peine de prononcer sur des délits de cette nature, elle avoit besoin pour son entière justification, d'un jugement prononcé par des juges laïques.

Cette

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Cette demande fut écartée, et madame de Maintenon en expose la raison dans une lettre au duc de Beauvilliers : « Je n'ai jamais rien cru des » bruits que l'on faisoit courir sur les mœurs de » madame Guyon; je les crois très-bonnes et très» pures; mais c'est sa doctrine qui est mauvaise, » du moins par les suites. En justifiant ses mœurs, » il seroit à craindre qu'on ne donnât cours à ses » sentimens, et que les personnes déjà séduites ne » crussent que c'est les autoriser. Il vaut mieux » approfondir une bonne fois ce qui a rapport à » la doctrine, après quoi tout le reste tombera de >> lui-même. Je m'y emploierai fortement. Quant » à M. de Châlons et à M. le supérieur de SaintSulpice qu'elle veut associer à M. de Meaux, » je ne crois pas que cette demande lui soit re» fusée ».

Dès que l'on avoit pris le parti de soumettre la doctrine de madame Guyon à un examen régůlier, Bossuet avoit dû.nécessairement être placé à la tête des commissaires. Ce grand homme étoit devenu en France, si l'on peut s'exprimer ainsi, le juge naturel de toutes les questions de doctrine. Il étoit déjà instruit, comme on l'a vu, de tout ce qui intéressoit madame Guyon, et elle ne pouvoit récuser un juge dont elle avoit invoqué ellemême les lumières et l'autorité.

FENELON. Tom. 1.

20

XVIII.

Mais Bossuet s'étoit si franchemen avec madame Guyon elle-même sur to têmes de spiritualité et ses prétentions extraordinaires, qu'elle prévoyoit bien prélat étoit seul chargé d'un nouvel ex qu'on lui adjoignît des commissaires au elle n'auroit rien de favorable à en atte ce qui la porta à demander pour co On nomme avec l'évêque de Meaux, M. de Noaill de Châlons, et M. Tronson. Elle comp suct, M. de ses prosélytes les plus zélés la comtesse nièce de l'évêque de Châlons, et elle assez mal, pour croire qu'une pareille o tion pourroit influer sur son opinion. M. Tronson, elle savoit combien il é tionné à Fénelon; mais elle ignoroit ment que M. Tronson étoit incapable de la vérité à l'amitié.

pour com

missaires Bos

Chalons

et

M. Tronson.

Au milieu de toutes ces discussions, noient chaque jour un caractère plus telle étoit l'estime générale que les pers plus prévenues contre madame Guyon voient à Fénelon, qu'elles s'occupoient à le détacher de cette cause presque dé Madame de Maintenon ne pouvoit re l'intérêt qu'il lui avoit inspiré, et on en encore les expressions les plus touchar

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une lettre de confiance qu'elle écrit à madame de Saint-Géran. « Encore une lettre de madame » Guyon! cette femme est bien importune; il » est vrai qu'elle est bien malheureuse; elle me prie aujourd'hui de faire associer à l'évêque de » Meaux, l'évêque de Châlons et le supérieur de Saint-Sulpice, pour juger définitivement des points sur lesquels on accuse sa foi : elle me » promet une obéissance aveugle. Je ne sais si le >> Roi voudra donner encore cette nouvelle mor» tification à M. de Paris; car enfin cette hérésie » est née dans son diocèse, et c'est à lui à en dé» cider le premier. Comptez qu'il ne laissera pas perdre ses droits. M. l'abbé de Fénelon a trop » de piété pour ne pas croire qu'on peut aimer >> Dieu uniquement pour lui-même, et trop d'es» prit pour croire qu'on peut l'aimer au milieu » des vices les plus honteux. Il m'a protesté qu'il » ne se mêloit de cette affaire que pour empêcher » qu'on ne condamnât par inattention les senti» mens des vrais dévots. Il n'est point l'avocat de >> madame Guyon, quoiqu'il en soit l'ami. Il est >> le défenseur de la piété et de la perfection. » chrétienne; je me repose sur sa parole, parce » que j'ai connu peu d'hommes aussi francs que » lui, et vous pouvez le dire ».

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Les trois commissaires (1) nommés pour l'exa(1) Voyez les Pièces justificatives du livre deuxième, n^ IV.

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