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son attrait lui en inspiroit le désir, ou si les circonstances lui en faisoient sentir l'utilité. L'abbé Fleury, dont nous aimons toujours à réclamer le témoignage, parce que jamais ni l'intérêt, ni la flatterie n'ont altéré la vérité dans sa bouche ni dans ses écrits, disoit de M. le duc de Bourgogne, qu'il eût été difficile de trouver dans le royaume, » non pas un gentilhomme, mais quelque homme » que ce fût, de son âge, plus instruit que lui ».

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Ce prince eut même dès sa première jeunesse un talent qu'ont très-rarement les jeunes gens les mieux élevés et les plus instruits, parce qu'il semble exiger une grande habitude et un grand usage du monde. Il n'avoit que dix-huit ans, et ses lettres étoient déjà citées pour le naturel et le bon goût qui s'y faisoient remarquer. C'est le témoignage que lui rend madame de Maintenon (1), la femme de son siècle qui écrivoit avec le plus de goût, comme madame de Sévigné écrivoit avec le plus de grâce.

Nous nous sommes attachés à retracer avec une attention particulière le tableau de l'éducation de M. le duc de Bourgogne; elle fut le chef-d'œuvre

(1) « M. le duc de Bourgogne écrit avec goût, le roi d'Espagne » de fort bon sens, M. le duc de Berry fort mal. Il est ici grand >> bruit des belles, bonnes et tendres lettres de M. le duc de » Bourgogne ». (Lettre de madame de Maintenon au due dș Noailles, 11 et 19 décembre 1700).

XLII.

du duc d'An

jou.

de la vertu et du génie; sa mémoire est encore chère à tous ceux qui ramènent leurs pensées sur ces temps déjà si loin de nous. Fénelon avoit placé sur ce jeune prince tous les vœux et toutes les espérances de la patrie.

Mais ce seroit bien méconnoître le caractère et les vertus de Fénelon, que de supposer qu'il n'ait pas apporté des soins aussi assidus à l'éducation des deux jeunes princes, frères de M. le duc de Bourgogne,

On doit seulement observer que Fénelon fut éloigné de la Cour très-peu de temps après que M. le duc de Berry fut confié à ses soins; ce court intervalle fut même rempli par de fréquens voyages à Cambrai.

Qant à M. le duc d'Anjou (depuis Philippe V), Education il est facile de reconnoître un élève de Fénelon dans les parties les plus estimables de son caractère. La nature lui avoit sans doute refusé cette imagination heureuse, cette conception prompte et pénétrante, cette ardeur démesurée pour tout apprendre et sout savoir, qui se montroient avec tant d'éclat dans M. le duc de Bourgogne. Mais elle lui avoit donné une ame honnête et vertueuse, une grande rectitude dans le jugement, et une grande fermeté dans le caractère.

Fénelon sut profiter de ces précieux avantages

pour lui donner toutes les qualités dont son caractère le rendoit susceptible. Philippe V aima, respecta et protégea la religion; une piété sincère et invariable fut la sauve-garde de la pureté de ses mœurs. Il étonna les généraux et les soldats par une valeur calme, intrépide et portée au plus haut degré. Sa délicatesse sur l'honneur fut digne de sa naissance et de son rang; sa parole fut toujours sacrée; et au milieu des plus grands revers, il ne se crut jamais permis de manquer à ses engagemens. Il renonça à l'expectative de la couronne de France, pour vivre et mourir avec ses fidèles Espagnols qui s'étoient sacrifiés pour lui; il fut sur le trône d'Espagne, aussi respectueux, aussi soumis à son auguste aïeul, qu'il l'eût été à Versailles; il chérissoit avec tendresse son frère, et il fut inconsolable de sa mort. Il aima sa première patrie jusqu'au dernier soupir, et il n'eut d'autre systême politique que celui qui pouvoit se concilier avec la prospérité de la France et de l'Espagne.

Nous aurons occasion de rapporter quelques lettres de Fénelon, qui montrent la sagacité avec laquelle il avoit saisi dans le jeune duc d'Anjou ce mélange de foiblesse et de qualités estimables que Philippe V porta depuis sur le trône d'Espagne. Mais sa foiblesse même venoit de ses bonnes qualités; elle tenoit à une extrême mo

destie, et à une trop grande méfiance de lui

même.

Le respect et l'attachement que Philippe V conserva toujours pour la mémoire de Fénelon, attestent la reconnoissance du duc d'Anjou, pour l'éducation qu'il en avoit reçue. Après la mort de l'archevêque de Cambrai, il donna à l'abbé de Beaumont, son neveu, des témoignages éclatans de sa protection. Lorsque le marquis de Fénelon publia en 1734, sa magnifique édition de Télémaque, ce fut à Philippe V qu'il se proposa de la dédier, et ce prince, quoique sa santé fût déjà très-altérée, parut sortir de l'état de langueur où il étoit tombé, pour applaudir avec toute l'Europe à ce beau monument élevé à la gloire de son ancien instituteur.

Nos lecteurs doivent sans doute supposer que des soins si assidus et des succès si brillans avoient déjà assuré à l'instituteur de l'héritier du trône, des honneurs et des récompenses proportionnés à l'utilité de ses services et à l'éclat de ses fonctions. Mais en parcourant les lettres particulières de Fénelon, nous avons observé avec surprise un contraste bien remarquable entre la magnificence dont il étoit environné, et les embarras trop réels de sa situation personnelle.

Nous craignons d'autant moins de faire con

noître ces détails de la vie intérieure de Fénelon, qu'ils font ressortir avec plus d'éclat son désintéressement, celui de ses vertueux amis, et des hommes estimables qui partageoient ses travaux.

Fénelon, en entrant à la Cour, s'étoit imposé deux lois, auxquelles il ne s'est jamais permis de déroger la première, de ne demander aucune grâce pour lui; la seconde, bien plus pénible pour son cœur, de n'en jamais demander pour ses parens, ni pour ses amis.

XLIII. Désintéres

sement et mo

Fénelon.

Il est assez curieux d'apprendre jusqu'à quel point la situation de Fénelon fut long-temps gênée et embarrassée dans une place si brillante et dération de si enviée. Madame de Maintenon ne s'est peutêtre jamais montrée plus grande et plus noble que dans les leçons d'économie qu'elle donnoit à sa belle-sœur. Il n'est pas moins intéressant d'entendre Fénelon parler des détails de son ménage. Il écrivoit le 6 octobre 1689 (sept semaines après avoir été nommé précepteur des petits-fils de Louis XIV), à madame de Montmorenci-Laval, sa cousine germaine (1) : « J'at» tends toujours les comptes qui m'apprendront » l'état de mes affaires. De ce côté-ci, elles ne » sont pas trop bonnes; car nous voici en un » temps où l'on ne peut éviter de faire des pro

(1) Manuscrits.

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