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» le rend un modèle bien plus agréable que saint

» Louis ».

Au reste, on voit qu'en écrivant cette vie de Charlemagne, Fénelon avoit fait l'expérience de toutes les difficultés qui arrêtent sans cesse l'historien qui se propose de réunir sous un point de vue utile, instructif et agréable cette partie de l'histoire, qui n'appartient ni à l'histoire ancienne ni à l'histoire moderne. La disette ou la rareté de monumens authentiques, la barbarie ou le mauvais goût des écrivains qui en ont conservé quelques foibles vestiges, l'absence totale de cet esprit observateur qui saisit les mœurs, les coutumes, la législation d'un peuple à travers tant d'institutions sauvages aussi éloignées de l'état de civilisation que de l'état de nature; cet état continuel de guerre où les chefs et les nations n'ont les armes à la main que pour la fureur de détruire, et non pour la gloire de commander et de gouverner; tant de confusion au milieu de cette uniformité de récits de guerres qui ne finissent par une bataille sanglante que pour renaître par une bataille plus sanglante encore, rendent l'histoire du moyen âge encore plus pénible pour l'historien, que rebutante pour le lecteur. C'est ce que Fénelon paroissoit avoir éprouvé en écrivant cette vie de Charlemagne. «< Pour les défauts de cette histoire,

Lettre de

de Beauvilliers.

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Fénelon à M. » ils sont grands, sans parler de ceux que j'y a mis. Les historiens originaux de cette vie ne >> savent ni raconter, ni choisir les faits, ni les lie >> ensemble, ni montrer l'enchaînement des affai>> res; de façon qu'ils ne nous ont laissé que des » faits vagues dépouillés de toutes les circons» tances qui peuvent frapper et intéresser le >> lecteur; enfin entrecoupés et pleins d'une en» nuyeuse uniformité. C'est toujours la même » chose; toujours une campagne contre les Saxons, >> qui sont vaincus comme ils l'avoient été les au>> tres années; puis des fêtes solennisées, avec un parlement tenu. Ce qu'on seroit le plus curieux » de savoir, c'est ce que les historiens ne manquent » jamais de taire. Point de fil d'histoire; presque » jamais d'affaires qui s'engagent les unes dans les » autres, et qui se fassent lire par l'envie de voir » le dénouement. A cela quel remède? On ne peut

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point suppléer ce qui manque, et il vaut mieux » laisser une histoire dans toute sa sécheresse, » que de l'égayer aux dépens de la vérité ».

On voit par cette dernière réflexion et par quelques autres jetées avec négligence dans cette lettre, jusqu'à quel point Fénelon étoit pénétré du premier devoir imposé à tout historien, celui de dire exactement la vérité, sans chercher à altérer les faits, ni à dissimuler les fautes ou les

foiblesses, dont il doit le récit fidèle. C'est en effet du mélange même des imperfections, des vertus ou des talens, que résultent les seules leçons utiles qu'on peut puiser dans l'étude de l'histoire; c'est de ce mélange, si conforme à la nature de l'homme, que résulte cet intérêt si attachant pour le lecteur, parce qu'il lui inspire úne entière confiance en la véracité de l'historien; telle devroit être l'ambition de tous les historiens; et telle seroit leur gloire, s'ils ne paroissoient pas y renoncer volontairement, en s'obstinant à peindre de grands personnages, «< comme des héros » de romans, qui, à force d'être parfaits, de» viennent chimériques ».

Nous devons donc sincèrement regretter qu'un tableau, où nous aurions trouvé Charlemagne peint par Fénelon, manque à la collection des monumens de son goût et de son génie. Tout porte à croire que cet ouvrage étoit digne du héros et de l'historien. Il est vraisemblable qu'il aura péri avec beaucoup d'autres écrits de Fénelon, dans l'incendie qui consuma la plus grande partie de son palais au mois de février 1697.

XLI. Dialogue des Morts,

Lorsque Fénelon crut remarquer que le duc de Bourgogne avoit fait des progrès assez rapides dans l'étude de l'histoire ancienne et moderne, de Fénelon. il conçut le projet de lui faire passer successive

ment en revue les principaux personnages qui ont marqué sur la scène du monde. Non-seulement il y trouvoit l'avantage de lui retracer la mémoire des événemens auxquels ces personnages avoient pris part, mais il se proposoit surtout de fixer l'opinion du jeune prince sur leur mérite réel. Il vouloit empêcher que son jugement se laissât trop facilement surprendre par cette espèce d'éclat, qu'une grande célébrité répand sur la mémoire des hommes fameux. Cette illusion est assez commune à la jeunesse ; elle est natu ́rellement portée à admirer sans mesure tous ceux que la fortune a favorisés par de grands succès, ou dont les noms ont retenti d'âge en âge, et laissé un long souvenir dans la mémoire des hommes. Il avoit déjà essayé avec succès cette méthode dans les fables qu'il avoit composées, pour corriger les défauts de caractère de son élève, et pour nourrir sa jeune imagination de toutes les riantes fictions de la mythologie.

Mais il embrassa dans ses Dialogues des Morts un projet plus vaste et d'un plus grand intérêt pour un prince. Il voulut apprendre au duc de Bourgogne à juger et à réduire à leur juste valeur tant de réputations usurpées. C'est à l'histoire que Fénelon demande tous les interlocuteurs dont il a besoin pour faire entendre d'utiles vérités.

Il choisit presque toujours ses personnages parmi les hommes qui, par leur rang, leurs places ou leurs actions, ont influé sur la destinée des peuples, ou ont laissé un nom célèbre par de grands talens et des ouvrages immortels.

Fénelon composoit ces Dialogues à mesure que M. le duc de Bourgogne avançoit dans la connoissance des auteurs et des faits historiques. Il y passe en revue presque tous les personnages connus de l'histoire ancienne et moderne. Il les met en présence les uns des autres; il les suppose dégagés de tous les préjugés et de tous les intérêts qui les avoient séduits ou égarés pendant leur vie; il les fait parler, sans déroger à la vérité de leur caractère, avec une franchise et une liberté qui n'appartiennent qu'à l'histoire et à la postérité. Il fait ressortir par leurs propres aveux, ou par le combat de leur amour-propre, tous les défauts de leur caractère, tous les torts de leur conduite, tous les crimes de leur ambition; et il annonce ainsi au jeune prince comment il sera jugé à son tour par l'histoire et la postérité. On trouve dans ces Dialogues le même naturel et la même facilité qui caractérisent tous les écrits de Fénelon. On

y

voit jusqu'à quel point il s'étoit rendu maître de tout ce qui appartient à l'histoire, à la politique, à la littérature et à la philosophie. On est

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