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pour gouverner avec éclat et sagesse un grand empire.

Mais Fénelon savoit que la religion étant le seul frein des rois, il convenoit à l'intérêt des peuples, comme à celui des rois, de leur faire connoître la religion dans les écrits mêmes de ces grands hommes qui l'ont honorée par leurs lumières autant que par leurs vertus.

Aussi, ce fut vers cet objet important que Fénelon dirigea avec le plus d'ardeur tout son zèle

XL. Education religieuse de et tous ses soins. Il fut secondé, dans ce noble M. le duc de

dessein, par celui de tous les hommes qui étoit Bourgogne. le plus digne et le plus capable d'en assurer l'exécution. La religion ne pouvoit pas emprunter un organe plus pur, ni un interprète plus éclairé que l'abbé Fleury.

Nous avons déjà observé, au sujet du traité de l'Education des Filles, que Fénelon pensoit qu'on devoit initier les hommes à la connoissance de la religion, bien plus par la narration des faits que par des raisonnemens abstraits. L'abbé Fleury étoit de la même opinion (1): « Entre plusieurs » ouvrages des Pères, nous avons, dit l'abbé » Fleury, un grand nombre d'instructions pour » ceux qui vouloient se faire Chrétiens. Elles sont, pour la plupart, fondées sur les faits; et le corps

(1) Discours sur l'Histoire ecclésiastique.

FENELON. Tom. 1.

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» du discours est d'ordinaire une narration de » tout ce que Dieu a fait pour le genre humain. » Rien n'est plus clair que ce que saint Augustin » en a écrit dans le livre De la vraie religion, et » dans celui qu'il a composé exprès De la manière » dont il faut catéchiser les ignorans. Il parle » toujours de narration; il suppose toujours que » l'instruction doit se faire en racontant les faits, » et les étendant plus ou moins selon l'importance » et la capacité du disciple. Le modèle de caté>> chisme qu'il donne lui-même à la fin de ce traité, » est un abrégé de toute l'histoire de la religion, » mêlé de diverses réflexions. Cette manière d'ins » truire est non-seulement la plus sûre et la plus proportionnée à toute sorte d'esprits, c'est en> core la plus facile et la plus agréable: tout le >> monde peut entendre et suivre une histoire ; » les enfans surtout en sont très-avides ».

Bossuet avoit exécuté le même plan pour l'éducation du père de M. le duc de Bourgogne, et c'est à cette grande conception que nous devons son chef-d'œuvre, son Discours sur l'Histoire universelle.

Fénelon vouloit que M. le duc de Bourgogne fût assez instruit, et qu'il eût une religion assez éclairée pour n'avoir rien à redouter des sophismes de l'impiété ni des illusions d'une crédulité super

stitieuse il vouloit former un prince profondément pénétré de sa dépendance d'un être plus puissant que les rois les plus puissans. Il vouloit que ce prince eût toujours présent à la pensée, le compte redoutable qu'il auroit à rendre de l'usage de son autorité, dans ce jour solennel où ses propres sujets seroient admis comme témoins, accusateurs et victimes de ses injustices.

C'étoit dans cette vertueuse intention que Fénelon s'attachoit à nourrir dans l'ame du duc de Bourgogne des sentimens vraiment religieux, et les saintes habitudes des pratiques et des devoirs que la religion prescrit. L'expérience fait assez voir que, sans l'exercice habituel de ces pratiques, la pensée même de Dieu s'évanouit au milieu du tourbillon des passions et des plaisirs, et se réduit à une vaine théorie qui ne dit rien au cœur, n'a aucune influence sur la morale, et n'offre pas un frein assez fort contre les abus de la puissance.

Lorsque Fénelon se fut convaincu que la raison et l'instruction du duc de Bourgogne étoient assez avancées pour qu'il pût s'approcher des sacremens, avec la foi et la piété que demande l'Eglise, il lui fit faire sa première communion. Nous avons trouvé parmi ses manuscrits la minute originale du discours qu'il lui adressa dans une circonstance qui laisse souvent un long et profond souvenir

dans un jeune cœur, nourri du goût et des maximes d'une piété pure et affectueuse. Au moment où M. le duc de Bourgogne se présenta à l'autel, Fénelon lui adressa le discours suivant :

>>

« (1) Le voilà enfin arrivé, Monseigneur, ce

jour que vous avez tant désiré et attendu, ce » jour qui doit apparemment décider de tous les >> autres de votre vie jusqu'à celui de votre mort. >> Votre Sauveur vient à vous sous les apparences » de l'aliment le plus familier, afin de nourrir >> votre ame comme le pain nourrit tous les jours » votre corps : il ne vous paroîtra qu'une parcelle >> d'un pain commun; mais la vertu de Dieu y est » cachée, et votre foi saura bien l'y trouver. Dites-lui, comme Isaïe le disoit : Verè tu es » Deus absconditus. C'est un Dieu caché par » amour; il nous voile sa gloire de peur que nos >> yeux n'en soient éblouis, et afin que nous puis» sions en approcher plus familièrement ; c'est là » que vous trouverez la manne cachée avec les >> divers goûts de toutes les vertus célestes. Vous » mangerez le pain qui est au-dessus de toute >> substance; il ne se changera pas en vous, >> homme vil et mortel, mais vous serez changé » en lui, pour être un membre vivant du Sauveur. >> Que la foi et l'amour vous fassent goûter le don (*) Manuscrits.

» de Dieu; gustate, et videte quoniam suavis est » Dominus ».

Cette cérémonie fut l'objet de l'édification de toute la Cour: M. le duc de Bourgogne en recueillit l'impression d'une piété sincère et profonde. Il chercha pendant tout le reste de sa vie, dans la fréquentation des sacremens, les forces et les consolations dont les princes ont encore plus souvent besoin que les particuliers, pour supporter les peines et les malheurs qui se cachent sous la fausse prospérité dont ils offrent l'image. Les mémoires du temps (1) rapportent «< qu'il commu» nioit au moins tous les quinze jours, avec un » recueillement et un abaissement qui frappoient >> tous ceux qui en étoient témoins, et toujours en » collier et en habit de l'ordre du Saint-Esprit, » comme pour rendre un hommage plus solennel à la grandeur du Dieu qu'il venoit adorer.

Mais ces témoignages extérieurs de piété auroient perdu leur mérite réel, s'il n'eussent attesté l'heureuse révolution que la religion étoit parvenue à opérer dans toutes les parties de son caractère. Cette révolution fut si sensible, qu'elle frappa toute la Cour; et madame de Maintenon disoit elle-même (2): « Depuis la première com

(1) Mémoires de Saint-Simon.

(2) Entretiens de madame de Maintenon.

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