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» pour obéir au Roi, et faire plaisir à Monsei» gneur, et nullement pour le pénible avantage » d'être votre précepteur; et afin que vous n'en » doutiez pas, je vais vous conduire chez Sa Ma» jesté, pour la supplier de vous en nommer un » autre, dont je souhaite que les soins soient plus » heureux que les miens ».

Le duc de Bourgogne, que la conduite sèche et froide de son précepteur, depuis la scène de la veille, et les réflexions d'une nuit entière passée dans les regrets et l'anxiété; avoient accablé de douleur, fut attéré par cette déclaration. Il chérissoit Fénelon avec toute la tendresse d'un fils; et d'ailleurs son amour-propre et un sentiment délicat sur l'opinion publique lui faisoient déjà pressentir tout ce que l'on penseroit de lui, si un instituteur du mérite de Fénelon se voyoit forcé de renoncer à son éducation. Les larmes, > les soupirs, la crainte, la honte lui permirent à peine de prononcer ces paroles entrecoupées à chaque instant par ses sanglots: Ah! Monsieur, je suis désespéré de ce qui s'est passé hier; si vous parlez au Roi, vous me ferez perdre son amitié.....; si vous m'abandonnez, que penserat-on de moi? Je vous promets..... je vous promels que vous serez content de moi... mais promettez

moi...

Fénelon ne voulut rien promettre; il le laissa un jour entier dans l'inquiétude et l'incertitude.

Ce ne fut que lorsqu'il eut lieu d'être bien convaincu de la sincérité de son repentir, qu'il parut céder à ses nouvelles supplications, et aux instances de madame de Maintenon, qu'on avoit fait intervenir dans cette scène pour lui donner plus d'effet et d'appareil.

Ce fut par tous ces moyens heureusement combinés, et par cette suite continuelle d'observations, de patience et de soins, que Fénelon parvint à rompre peu à peu le caractère violent de son élève, et à calmer ses passions impétueuses. C'étoit surtout vers cet objet si essentiel, que M. de Beauvilliers et lui avoient dirigé tous leurs soins et tous leurs efforts; l'un et l'autre en reçurent la récompense. La suite de cette histoire fera voir que celui de tous les princes qui a été le moins flatté par ses instituteurs, le prince à qui l'on a dit les vérités les plus fortes et les plus sévères dans son enfance et dans sa jeunesse, a été celui qui a conservé la plus tendre reconnoissance pour les hommes vertueux qui avoient présidé à son éducation.

XXXIX.

Education

littéraire de

Fénelon avoit bien prévu que la partie de l'instruction seroit celle qui lui donneroit le moins de peine avec un élève brillant d'esprit et d'ima- M. le duc de

Bourgogne.

gination, et qui avoit autant d'avidité que d'apti tude à apprendre.

En parcourant le recueil des papiers qui nou ont été confiés, nous n'avons pu jeter les yeux san attendrissement sur tous les fragmens (1) écrit de la main de Fénelon et de M. le duc de Bour gogne, et qui forment les premiers essais de son éducation littéraire.

A l'exception de quelques ouvrages élémentaires de Port-Royal, dont le mérite supérieur avoit si heureusement contribué à fixer les règles de la grammaire, à établir les véritables principes de la logique, et à inspirer ce goût général de bonne littérature et d'instruction solide, qui eut tant d'influence sur le siècle de Louis XIV, on ne connoissoit aucun de ces livres classiques, qui sont devenus si communs depuis quelques années; et ce n'étoit peut-être pas un malheur. Les maîtres étoient alors obligés de rédiger eux-mêmes tous les matériaux nécessaires à l'instruction de leurs disciples; et ce travail forcé leur donnoit une connoissance plus approfondie des langues qu'ils enseignoient, des auteurs qu'ils expliquoient, des difficultés qu'ils avoient à vaincre, et des beautés qu'ils avoient eu le bonheur de découvrir. Les

(1) Ces fragmens ont été recueillis par l'abbé de Beaumont, alors sous-précepteur, et depuis évêque de Saintes.

disciples profitoient du travail du maître qui les dirigeoit et qui les associoit au secret de leur méthode. Ils apprenoient l'art de s'en servir, pour se guider eux-mêmes dans leurs études, et se pénétrer plus vivement du goût et de l'esprit de l'antiquité. C'est ainsi qu'on les familiarisoit avec cette sévérité et cette pureté d'expressions qui caractérisoit l'atticisme des Grecs, et avec cette élégante facilité, cette délicatesse d'idées, ces images gracieuses, dont l'urbanité romaine aimoit à s'embellir.

C'étoit à l'école de ces maîtres, qui étudioient en même temps qu'ils enseignoient à étudier, que s'étoient formés tous les auteurs qui avoient fait revivre le goût des langues grecque et latine dans le seizième siècle, et tous les écrivains célèbres du siècle de Louis XIV, qui ont fait parler la langue française à toute l'Europe, en lui appropriant le génie et les beautés des langues an

ciennes.

Fénelon ne croyoit pas déroger à l'élévation de son génie et de sa place de précepteur des enfans de France, en composant lui-même les thêmes et les versions de son élève; il rédigea même une espèce de dictionnaire de la langue latine, pour lui faire mieux sentir la valeur de chaque mot, les acceptions différentes qu'il peut recevoir, le

plus ou le moins d'exactitude avec laquelle il correspond au mot français qu'on veut traduire; et c'étoit toujours dans les meilleurs auteurs latins et français que Fénelon puisoit ses exemples et ses autorités. Mais cette espèce de dictionnaire, il le composoit sous les yeux de son élève, au moment même de la leçon. Ce travail, dont le maître s'occupoit en même temps que le disciple, servoit à mieux fixer son attention. Souvent le précepteur paroissoit chercher un mot qu'il savoit bien n'être pas encore effacé de la mémoire de l'enfant, parce qu'il l'avoit déjà employé, et l'enfant triomphoit, en se croyant déjà capable de suggérer à son maître une expression plus juste ou plus heureuse.

Mais Fénelon ne perdoit jamais de vue que cet enfant étoit appelé à régner; aussi avoit-il l'attention d'emprunter presque toujours les sujets de ses thêmes et de ses versions, ou de la mythologie, qu'il jugeoit propre à orner agréablement la mémoire et l'imagination d'un jeune homme, ou de quelques traits de l'histoire ancienne et moderne, qu'il avoit l'art de faire tourner à son instruction morale. Il s'attachoit surtout à y mêler les faits les plus remarquables de l'histoire sainte. Il s'en servoit pour graver profondément dans l'ame du jeune prince ces grandes leçons de

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