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nous représente Fénelon sous les mêmes traits. Il le peint «< doué d'une éloquence naturelle

XXXV.
Portrait de

» douce, fleurie, d'une politesse insinuante, Fénelon par » mais noble et proportionnée, d'une élocution M. de Saint

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moires, t. 11,

p. 327.

facile, nette, agréable, embellie de cette clarté Simon, Mé» nécessaire pour se faire entendre dans les matiè» res les plus embarrassées et les plus abstraites; » avec cela, un homme qui ne vouloit jamais avoir » plus d'esprit que ceux à qui il parloit; qui se » mettoit à la portée de chacun, sans se faire ja» mais sentir; qui les mettoit à l'aise, et qui sem» bloit enchanter; de façon qu'on ne pouvoit le quitter, ni s'en défendre, ni ne pas chercher à » le retrouver. C'est ce talent si rare et qu'il avoit » au dernier degré, qui lui tint ses amis si étroi» tement attachés toute sa vie malgré sa chute, » et qui, dans leur dispersion, les réunissoit pour » se parler de lui, pour le désirer, pour se tenir » de plus en plus à lui ».

>>

Le nom que portoit Fénelon le fit jouir à la Cour des distinctions auxquelles sa naissance lui donnoit droit de prétendre, et qui n'appartenoient pas immédiatement à ses fonctions de précepteur. Louis XIV lui accorda la permission de manger à la table de M. le duc de Bourgogne de monter dans son carrosse (1). Cet honneur n'a

(1) Manuscrits.

et

joutoit sans doute rien au mérite de Fénelon. On doit bien croire qu'il ne s'en fit pas un titre pour se croire supérieur à Bossuet qui n'en avoit pas joui; on doit également être bien convaincu que Bossuet ne s'en estimoit pas moins, et qu'il ne lui vint seulement pas dans l'idée d'envier à l'abbé de Fénelon, des honneurs accordés au hasard de la naissance. Nous ne faisons mention d'une circonstance aussi indifférente, que pour faire remar→ quer jusqu'à quel point Louis XIV, qui posséda si éminemment l'art de régner, apportoit d'atten tion à maintenir ces distinctions honorifiques, qui ne pouvoient humilier aucun esprit raisonnable et qui acquittoient la reconnoissance du souverain sans coûter aucun sacrifice au peuple. C'étoit avec cette monnoie d'opinion qu'un roi de France payoit le sang et les services de ces anciennes fa milles qui, ne pouvant acquérir des richesses, espéroient des honneurs, et qui se consoloient de ne les avoir pas obtenus, en pensant qu'elles avoient acquis de l'honneur (1).

Une ame, telle que celle de Fénelon, dut sans doute s'enflammer des plus nobles sentimens, aư premier moment où il aperçut la carrière qui s'ouvroit à ses regards et à sa pensée. L'idée d'élever un roi, le roi d'une monarchie parvenue au (1) Montesquieu, Esprit des Lois.

plus

plus haut degré de splendeur, le maître presqu'absolu de vingt millions d'hommes, dont le bonheur ou le malheur étoit attaché aux vertus ou aux vices, à la force ou à la foiblesse, aux talens ou à l'incapacité du souverain, dut, en exaltant son imagination, communiquer à son ame un effroi involontaire. Son âge, celui du Roi, celui du jeune prince, durent aussi l'avertir qu'il étoit peut-être destiné à recueillir la reconnoissance ou les reproches de plusieurs générations.

Quelque confiance qu'il pût avoir en la pureté de ses intentions, en ses talens, en son caractère, et dans le concours heureux de tous les moyens et de tous les secours qu'il voyoit réunis autour de lui, ne devoit-il pas redouter d'avoir peut-être à vaincre une nature rebelle à tous ses efforts, à donner une ame, un esprit, un caractère à une statue inanimée; à extirper le germe des vices que tant de passions et d'intérêts chercheroient à développer; à commander à l'imagination d'un enfant que tout avertissoit de sa grandeur actuelle et de la puissance que l'avenir lui réservoit ?

Fénelon avoit sous les yeux le père même de son élève, prince bon et doux, mais dont le caractère, exempt de vertus et de vices, indifférent au bien et au mal, peu sensible à la gloire, aux sciences et aux arts, n'annonçoit à la France qu'un FENELON. Tome 1.

10

XXXVI.

Caractère

de M. le duc

de Bourgo

gne.

règne obscur et des destinées incertaines; et pendant ce prince étoit le fils de Louis XIV, l'élève de Bossuet et de Montausier.

Mais au moins Bossuet et Montausier n'avoie point eu à combattre des défauts effrayans, caractère indomptable, un orgueil révoltant, d penchans irascibles, et toutes ces passions vi lentes que beaucoup d'esprit naturel, et une e trême aptitude à acquérir tous les talens et tout les connoissances, pouvoient rendre encore pl fatales au repos et au bonheur des hommes.

Car tel est le portrait que tous les historie nous ont laissé, du caractère que le duc de Bour gogne avoit apporté en naissant; tel étoit le princ que Fénelon étoit chargé d'élever : sans doute u enfant de sept ans ne pouvoit pas encore s'êtr montré sous des formes aussi redoutables; mais i falloit bien qu'il eût laissé entrevoir dès son pre mier âge et pendant les premières années de sor éducation, tout ce que l'on avoit à craindre de lui, puisque ceux qui ont vanté avec la plus juste admiration ce qu'il étoit devenu, rappeloient encore avec une espèce d'effroi ce qu'il avoit été.

« M. le duc de Bourgogne, dit M. de Saint» Simon (1), naquit terrible, et dans sa première jeunesse fit trembler. Dur, colère jusqu'aux (1) Voyez ses Mémoires.

» derniers emportemens contre les choses inani» mées, impétueux avec fureur, incapable de » souffrir la moindre résistance, même des heures » et des élémens, sans entrer dans des fougues à » faire craindre que tout ne se rompît dans son » corps, c'est ce dont j'ai été souvent témoin ; opi» niâtre à l'excès, passionné pour tous les plaisirs, » la bonne chère, la chasse avec fureur, la musique avec une sorte de ravissement, et le jeu >> encore où il ne pouvoit supporter d'être vaincu, » et où le danger avec lui étoit extrême; enfin, » livré à toutes les passions et transporté de tous » les plaisirs; souvent farouche, naturellement

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porté à la cruauté, barbare en raillerie, saisis»sant les ridicules avec une justesse qui assom>> moit; de la hauteur des cieux, il ne regardoit » les hommes que comme des atômes avec qui » il n'avoit aucune ressemblance, quels qu'ils » fussent. A peine les princes ses frères lui pa>> roissoient intermédiaires entre lui et le genre » humain, quoiqu'on eút toujours affecté de les » élever tous trois dans une égalité parfaite : l'es» prit, la pénétration brilloient en lui de toutes >> parts, jusque dans ses emportemens; ses répar>> ties étonnoient; ses réponses tendoient toujours » au juste et au profond, même dans ses fureurs; >> il se jouoit des connoissances les plus abstraites;

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