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» mais vous pouvez aussi vous y rendre coupable » de très-grands maux. Il n'y a rien de médiocre » dans un tel emploi ; le bon ou le mauvais suc» cès y ont presque toujours des suites infinies. » Vous voilà dans un pays où l'Evangile de Jésus>> Christ est peu connu, et où ceux mêmes qui >> le connoissent ne se servent ordinairement de >> cette connoissance que pour s'en faire honneur auprès des hommes. Vous vivez maintenant

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parmi des personnes dont le langage est tout » païen, et dont les exemples entraînent pres» que toujours vers les choses périlleuses. Vous » vous verrez environné d'une infinité d'objets qui » flattent les sens, et qui ne sont propres qu'à » réveiller les passions les plus assoupies. Il faut » une grande grâce et une prodigieuse fidélité, » pour résister à des impressions si vives et s » violentes en même temps. Les brouillards hor» ribles qui règnent à la Cour sont capables d'obs>> curcir les vérités les plus claires et les plus évi» dentes. Il ne faut pas y avoir été bien long-temps » pour regarder comme outrées et excessives des >> maximes qu'on avoit si souvent goûtées, et » qu'on avoit jugées si certaines, lorsqu'on les

méditoit au pied du crucifix. Les obligations les >> mieux établies deviennent insensiblement ou » douteuses ou impraticables. Il se présentera

>> mille occasions où vous croirez même par pru>>dence et par charité devoir un peu ménager le » monde; et cependant quel étrange état est-ce » pour un chrétien, et plus encore pour un prêtre, » de se voir obligé d'entrer en composition avec » l'ennemi de son salut! En vérité, Monsieur, » votre poste est bien dangereux ; et avouez de >> bonne foi qu'il est bien difficile de ne pas s'y » affoiblir, et qu'il faut une vertu bien consom» mée pour s'y soutenir. Si jamais l'étude et la » méditation de l'Ecriture sainte vous ont été né» cessaires, c'est bien maintenant qu'elles le sont » d'une manière indispensable. Il semble que vous » n'en ayez eu besoin jusqu'ici que pour vous remplir de bonnes idées, et vous nourrir de la vé» rité; mais vous en aurez besoin désormais pour » vous garantir des mauvaises impressions, et vous préserver du mensonge..... Il vous est-certaine» ment d'une conséquence infinie de ne perdre

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jamais de vue le redoutable moment de votre >> mort, où toute la gloire du monde doit dispa» roître comme un songe, et où toute créature, qui >> auroit pu vous servir d'appui, fondra sous vous. >> Vos amis vous consoleront sans doute sur ce » que vous n'avez pas recherché votre emploi ; » et c'est assurément un juste sujet de consola>>tion, et une grande miséricorde que Dieu vous

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» a faite; mais il ne faut pas trop vous appuyer » là-dessus. On a souvent plus de part à son élé» vation qu'on ne pense; il est très-rare qu'on l'ait appréhendée, et qu'on l'ait fuie sincèrement; >> on voit peu de personnes arriver à ce degré d'abnégation. On ne recherche pas toujours » avec l'empressement ordinaire les moyens de » s'élever; mais on ne manque guère de lever > adroitement lés obstacles; on ne sollicite pas » fortement les personnes qui peuvent nous ser» vir; mais on n'est pas fâché de se montrer à » elles par les meilleurs endroits; et c'est juste» ment à ces petites découvertes humaines, qu'on » peut attribuer le commencement de son éléva» tion; ainsi personne ne sauroit s'assurer entiè»rement qu'il ne se soit pas appelé soi-même. Ces » démarches de manifestation de talens, qu'on >> fait souvent, sans beaucoup de réflexion, ne >> laissent pas d'être fort à craindre, et il est tou» jours bon de les effacer par les sentimens d'un » cœur contrit et humilié.

» Je ne sais pas si vous ne trouverez point cette » lettre un peu trop libre et un peu trop longue, » et si elle ne vous paroîtra pas plutôt un sermon » fait mal-à-propos, qu'un compliment judicieux. » Je serois certainement et plus court et plus re» tenu, si je désirois moins votre salut. Prenez-vous

» en à mon cœur, qui ne peut être que vivemen » touché de vos véritables intérêts. Croyez, s'i » vous plaît, que je ne cesserai de demander que » Dieu vous pénètre du sentiment inviolable d » sa charité, afin que nulle tențation ne change » ou n'affaiblisse les pieux sentimens qu'elle vous » inspirera. C'est la prière que fait l'Eglise pour » obtenir la charité pour ses enfans. Je suis avec >> respect... >>

Fénelon étoit digne d'entendre un langage dicté par l'intérêt le plus vrai et le sentiment le plus respectable. Il y retrouvoit tous les principes dont il avoit été nourri, et qui avoient servi si utilement à régler sa conduite. Mais cette voix paternelle dut lui rappeler de tristes souvenirs et des regrets trop légitimes. Des trois instituteurs qui avoient guidé son enfance et sa jeunesse, M. Tronson étoit le seul qui lui restât. Son oncle, le marquis A, de Fénelon, étoit moit dès 1683; mais il pleuroit encore la perte plus récente de son oncle l'évêque de Sarlat (1). Sans doute deux parens si tendres et si religieux, qui avoient servi de père à leur neveu, auroient éprouvé la plus douce satisfaction en voyant toute la France applaudir à un choix qui justifioit leurs soins et leurs espérances. Sans doute Fénelon dut regret

(1) Mort le 1er mai 1688, âgé de quatre-vingt-trois ans.

ter d'avoir perdu des témoins si chers de la pureté de ses intentions, et des guides si utiles pour le garantir des écueils dont il alloit être environné, La lettre de M. Tronson, ses conseils, cette onction touchante qui lui rappeloit avec tant de sensibilité tous les souvenirs de sa jeunesse, et sembloit réunir dans la bouche d'un seul homme la voix respectée de ses plus chers bienfaiteurs, durent rouvrir son cœur à la douleur, et mêler' des larmes et des inquiétudes à la pensée de tout le bien qu'il vouloit et qu'il pouvoit faire.

Le duc de Beauvilliers avoit trop d'estime et de confiance en l'abbé de Fénelon, pour ne pas s'en reposer sur son discernement, du choix de tous les instituteurs qui devoient travailler sous ses ordres et sous sa direction.

XXXIII.

Fénelon nomme l'ab

L'abbé de Langeron fut nommé lecteur; il étoit le plus ancien ami de Fénelon; il étoit digne de l'être. Son esprit, ses talens, ses con- bé de Langenoissances très-étendues et très-variées, auroient ron, lecteur du jeune suffi, indépendamment de tout autre titre, pour prince. l'associer à une éducation dirigée par Fénelon.

L'abbé Fleury fut nommé sous-précepteur; on est dispensé de faire l'éloge d'un pareil choix. Tous ses ouvrages portent l'empreinte de son ame

XXXIV. L'abbé Fleu

ry et l'abbé de Beaumont

sont nommés

et du caractère de son esprit. Ses vertus lui mé- sous-précep

ritèrent la vénération de ses contemporains, et teurs.

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