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ne pouvoit ni ne devoit être confondue avec madame de Montespan. Elle alloit régulièrement dîner un ou deux jours de la semaine à l'hôtel de Beauvilliers. Tous les étrangers, tous les indifférens, les simples connoissances étoient écartés avec soin de ces réunions, qui n'avoient pour objet que le désir de s'entretenir dans l'exercice de la vertu et de la piété.

Comme il n'étoit entré ni singularité, ni calculs d'ambition dans le systême de conduite de M. de Beauvilliers envers madame de Montespan; comme il n'étoit ni dans son caractère, ni dans ses principes de contrarier les sentimens du Roi, lorsqu'ils pouvoient être avoués par la religion et l'honneur, il s'empressa, ainsi que sa famille, d'accueillir une femme dont l'honnêteté bien connue et la régularité édifiante étoient un sûr garant des nœuds légitimes qui l'attachoient à Louis XIV. Il avoit été à portée de suivre l'origine et les progrès de la faveur de madame de Maintenon et de reconnoître qu'elle en étoit redevable autant à la sévérité de ses principes qu'à l'agrément de son esprit et à la sagesse de son caractère. Il avoit vu de bonne heure en elle une femme vertueuse, que la Providence avoit appelée auprès du trône par des voies extraordinaires, pour arracher le Roi à des engagemens coupables, et le fixer dans

le goût et la pratique des vertus chrétiennes et morales.

De là s'étoit formée, entre madame de Maintenon et toute la famille de M. de Beauvilliers, une intimité qui convenoit à leurs sentimens et à leurs goûts mutuels. Madame de Maintenon aimoit la solitude et la liberté d'une société sûre et restreinte. M. de Beauvilliers et ses parens, étrangers à toutes les intrigues et à toutes les agitations de la Cour, vivoient à Versailles comme ils auroient pu vivre dans le sein de leur famille.

Madame de Maintenon redoutoit l'empressement de ce peuple de courtisans, toujours attachés à ses pas, pour arriver aux places et aux honneurs. Le désintéressement si connu de M. de Beauvilliers, qui n'avoit jamais rien demandé, et qui n'avoit, pour ainsi dire, rien à demander, ne lui laissoit à craindre ni indiscrétion ni importunité.

Elle en avoit eu une preuve assez récente. En 1685, à la mort du premier maréchal de Villeroi, qui avoit laissé vacante la place du chef du conseil royal des finances, Louis XIV, de son propre mouvement, lui avoit donné le duc de Beauvilliers pour successeur. M. de Beauvilliers n'avoit pas même eu la pensée de demander une place, dont sa jeunesse paroissoit devoir l'exclure. Il

n'avoit encore que trente sept-ans, et il ne pouvoit soupçonner que le Roi eût l'idée de l'honorer d'un titre qui avoit été le prix des longs et anciens services du maréchal de Villeroi, et la décoration de ses vieux jours. Personne ne doutoit que cette place, purement honorifique, ne fût réservée à des courtisans plus actifs que M. de Beauvilliers, et qui avoient le droit de faire valoir en leur faveur le mérite d'avoir vieilli dans la carrière des intrigues et de l'ambition.

Ce nouveau titre avoit servi à rapprocher encore plus M. de Beauvilliers de la personne de Louis XIV, et ce prince avoit observé avec satisfaction que les honneurs et la faveur n'apportoient aucun changement ni à sa modération, ni à la simplicité de ses mœurs et de sa conduite.

Lorsqu'en 1688, Louis XIV confia au Dauphin son fils les honneurs du siége de Philisbourg, il lui donna Vauban, pour lui apprendre l'art de la guerre, et M. de Beauvilliers pour conseil et pour tuteur. C'étoit donner le génie de la guerre et le génie de la vertu pour guides à un jeune prince qui alloit, pour la première fois, être exposé à tous les regards, loin de la Cour, en présence des armées françaises et des armées ennemies (1).

(1) Le dernier écrivain de la vie de Fénelon (le Père Querbeuf) a fait une légère méprise, en supposant que M. de Beau

XXIX.

Avec de pareilles dispositions, et avec la vo

M. de Beau- lonté sincère de donner pour gouverneur à son

villiers

est

verneur du

nommé gou- petit-fils l'homme le plus vertueux de sa Cour, on ne doit pas être surpris que la première pensée gogne, 1689. de Louis XIV s'arrêtât sur le duc de Beauvilliers.

duc de Bour

Ce n'étoit pas un titre purement honorifique comme celui de chef du conseil royal des finances; c'étoit le droit et le devoir de préparer à la France un bon roi. M. de Beauvilliers, si simple et si modeste, redoutoit, bien plus qu'il n'ambitionnoit, un emploi dont il connoissoit mieux que personne les difficultés et les obligations. Il étoit même à craindre que son caractère, naturellement doux et circonspect, ne le portât à se les exagérer.

Sans doute madame de Maintenon put contribuer à confirmer Louis XIV dans la bienveillance qu'il avoit depuis long-temps pour un homme qu'elle affectionnoit elle-même. Mais la suite des événemens fera voir que le mérite d'un pareil choix appartient à Louis XIV personnellement, et que jamais ce prince, malgré toutes les préventions qu'on chercha dans la suite à lui inspirer,

villiers étoit déjà ministre d'Etat lorsque Louis XIV le nomma gouverneur de M. le duc de Bourgogne; M. de Beauvilliers n'entra au conseil qu'en 1691, après la mort du marquis de Louvois, et lorsque le Roi y rappela M. de Pompone.

ne put se détacher des sentimens que la vertu de M. de Beauvilliers avoit fait naître en lui.

C'est rendre hommage à la mémoire de Louis XIV, que de faire remarquer que jamais il n'a cessé d'aimer ce qu'il avoit estimé, et qu'il n'a jamais retiré sa confiance qu'à ceux qui avoient surpris son goût bien plus que son estime.

En fixant son choix sur M. de Beauvilliers, Louis XIV voulut ajouter à un témoignage de confiance si éclatant, toutes les formes les plus propres à y donner un nouveau prix. A l'exception d'une seule place de valet de chambre qu'il voulut se réserver, pour récompenser les soins d'un domestique (1) qui avoit veillé avec une intelligence et une probité remarquables sur la première enfance du jeune prince; il laissa au duc de Beauvilliers la libre et entière disposition de toutes les autres places, ainsi que le choix de toutes les personnes qui devoient concourir à l'éducation.

Louis XIV n'avoit pas été indécis un seul moment dans le choix d'un gouverneur pour son petit-fils, M. de Beauvilliers ne fut pas indécis un seul moment dans le choix du précepteur qui devoit partager ses fonctions; on étoit venu le chercher, et il alla chercher Fénelon. Ces exemples de désintéressement sont ensuite devenus si rares (1) Moreau.

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