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sujets intéressans pour la religion et la morale, il sembloit appeler lui-même le public à discuter les titres de cette réputation prématurée, qui s'étendoit avec tant d'éclat et de rapidité. Ses amis devoient attendre ce jugement avec toute l'inquiétude d'un intérêt, qui n'est pas toujours exempt de prévention; et les personnes impartiales pouvoient être disposées à se montrer sévères par cette sorte de résistance qu'on oppose toujours aux exagérations de l'amitié. Les uns et les autres durent être également satisfaits; Fénelon n'avoit encore ni ennemis ni envieux.

Telles étoient les occupations de Fénelon ; il se regardoit, et tout le monde le regardoit comme destiné à passer le reste de sa vie dans l'exercice des fonctions utiles, mais peu ambitionnées, qui sembloient suffire à ses vœux et à son désintéressement. Personne n'ignoroit l'opposition que M. de Harlai avoit mise à son avancement; et la faveur avec laquelle le public venoit d'accueillir ses traités de l'Education des Filles et du Ministère des Pasteurs, ne pouvoit pas lutter contre le crédit de ce prélat.

Mais un événement imprévu transporta tout-àcoup Fénelon au milieu de la Cour, et l'éleva à une place à laquelle paroissoient attachés les destinées de la France et le sort de plusieurs générations.

XXVIII.

Education

C'est ici que Fénelon va se montrer dans tout l'éclat de ce caractère qui lui a mérité l'estime et l'amour de ses contemporains, et qui a laissé des souvenirs si doux dans la mémoire de la postérité. Louis XIV voyoit approcher l'époque où l'éducation de son petit-fils, le duc de Bourgogne, de M. le duc demandoit les soins d'un gouverneur. Un prince de Bourgoqui avoit toujours mis sa grandeur à s'environner de grands hommes, et qui avoit donné Montausier et Bossuet pour instituteurs à son fils, étoit digne de faire un choix aussi heureux pour son petit-fils.

Le progrès des années et une vie plus sérieuse commençoient à rendre Louis XIV moins esclave de la gloire, et la religion lui avoit fait sentir et goûter le mérite de la vertu. En nommant Bossuet et Montausier, il avoit obéi à la renommée, et consacré un choix annoncé par l'opinion publique. Peut-être dans un pareil choix n'avoit-il cherché que la gloire, et il avoit eu le bonheur de trouver la vertu réunie au génie. Lorsqu'il voulut donner un gouverneur à son petit-fils, il n'eut qu'un seul sentiment et une seule pensée, celle de le confier à l'homme le plus vertueux de sa Cour; il ne cherchoit alors que la vertu, et il eut encore le bonheur de rencontrer dans un homme vertueux toutes les qualités les plus pro

gne.

pres à former un grand prince : cet homme fut le duc de Beauvilliers.

La part qu'eut le duc de Beauvilliers à l'éducation du duc de Bourgogne, sa tendre et constante amitié pour Fénelon exigent que nous le fassions connoître. Jamais il n'y a eu d'union semblable à celle du duc de Beauvilliers et de l'archevêque de Cambrai : parler de M. de Beauvilliers, c'est parler de Fénelon.

Paul, duc de Beauvilliers, s'étoit trouvé appelé à succéder aux honneurs et aux dignités de son père (1), par les événemens malheureux qui avoient enlevé ses deux frères aînés à la fleur de leur âge. Il conserva à la Cour, et dans l'exercice des emplois dont il fut revêtu, les principes de religion qu'il avoit reçus dans le temps où il étoit destiné à une profession plus grave et plus sainte (2). Il avoit épousé la seconde fille de Colbert, et il eut le rare bonheur de trouver dans madame de Beauvilliers une entière conformité de sentimens et de goût pour toutes les œuvres de la plus haute piété. Par un bonheur plus rare encore, les deux autres sœurs de madame de Beauvilliers furent animées du même esprit, et épousèrent les ducs

(1) Voyez les Pièces justificatives du livre premier, no iv.

(2) Le duc de Beauvilliers avoit d'abord été destiné à l'état ecclésiastique.

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de Chevreuse et de Mortemart, déjà unis au duc de Beauvilliers par une estime et une amitié que la vertu avoit fait naître, et que le temps et les liens du sang rendirent inaltérables. Les trois sœurs et les trois beaux-frères montrèrent à la Cour une famille privilégiée, qui n'avoit d'autre ambition que celle de rester fidèle à l'honneur et à la vertu; jamais on ne la vit s'associer à aucune intrigue, ni s'avilir par aucune bassesse.

Pénétrés de respect pour le Roi, attentifs à lui plaire par leur empressement à remplir tous les devoirs qui les attachoient à sa personne, les ducs de Beauvilliers, de Chevreuse et de Mortemart, ne se crurent point obligés à étendre leur complaisance jusqu'à flatter ses passions, et à rendre de honteux hommages aux objets de ses affections. Jamais madame de Montespan, dans les longues années de sa faveur, n'avoit pu les apercevoir dans la foule de ses courtisans; et elle s'étonnoit de n'obtenir du duc de Mortemart, son neveu, et de sa femme, que les égards qu'ils devoient à une personne qui leur appartenoit de si près.

Louis XIV, qui portoit un sentiment naturel de décence et de délicatesse au milieu même des erreurs et des séductions qui l'avoient entraîné, fut frappé du contraste d'une conduite si noble et si pure avec la servitude peu honorable où

l'intérêt et l'ambition avoient engagé le reste sa Cour. Il avoit conçu dès-lors, pour le duc Beauvilliers, une estime et un goût qui en a roient fait une espèce de favori, si un pare titre pouvoit convenir à un sentiment fondé s la vertu.

On n'aura pas de peine à concevoir que m dame de Maintenon, qui s'attachoit à ramener Roi à une conduite plus chrétienne et plus régu lière, et qui commençoit déjà à obtenir sur l'es prit de ce prince ce singulier ascendant, dont ell fit dans la suite un usage si respectable, dût entre tenir et favoriser de tout son pouvoir l'estime e la confiance que Louis XIV montroit à M. de Beauvilliers. Elle ne pouvoit également que savoir gré à toute la famille de M. de Beauvilliers de l'espèce de distance où elle s'étoit toujours tenue de la cour de madame de Montespan. Peut-être même entroit-il dans ses vues de fixer de bonne heure l'opinion publique sur la nature de ses rapports avec le Roi, en se montrant dans une liaison particulière avec une société, qu'aucune considération n'auroit portée à approuver un attachement équivoque.

C'est ce qui lui fit désirer de vivre avec toute la famille de M. de Beauvilliers, dans une espèce d'intimité qui pût attester à toute la Cour qu'elle

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