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SOMMAIRE

DES MATIÈREs contenues DANS LE Tome premier DES LIVRES SACRÉS DE TOUTES LES RELIGIONS.

Le Chou-King ou le livre par excellence.

Page 46

Le Sse-Chou ou les quatre livres moraux de Confucius et de ses disciples.
Les Lois de Manou, premier législateur de l'Inde.

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Le Koran de Mahome'

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Imprimerie de L. MIGNE, au Petit-Montrouge.

Les études orientales commencent, depuis quelque temps, à inspirer un vif intérêt en Europe. Il y a là plus que de la curiosité, il y a un sentitiment vrai de la nécessité de connaître des populations qui semblent aujourd'hui être appelées à prendre une part active au mouvement général de la vie des peuples, et en même temps de chercher de nouvelles solutions historiques à des faits mal connus ou inexpliqués jusqu'ici, en renouant les anneaux perdus de cette grande chaîne de l'humanité qui se cache dans la nuit des âges et dont nous ne connaissons bien encore que quelques fragments détachés.

L'Orient, avec ses immenses souvenirs, qui touchent au berceau du monde, comme lui touche au berceau du soleil, avec ses mers de sable où sont couchées des nations, subsiste toujours. Il conserve encore vivantes dans son sein la première énigme et les premières traditions du genre humain.

Dans l'histoire comme dans la poésie, dans les manifestations religieuses comme dans les spéculations philosophiques, l'Orient est l'antécédent de l'Occident. Nous devons donc chercher à le connaître pour nous bien connaître nous-mêmes.

On a compris, depuis quelque temps, que l'histoire des Grecs et des Romains, ainsi que les notions qu'ils nous ont laissées sur les antiques civilisations de l'Orient, étaient tout à fait insuffisantes pour bien apprécier, non-seulement le développement de l'humanité dans tous les lieux et dans tous les âges, mais encore celui des nations grecque et romaine, et, par conséquent, celui des nations modernes, parce que, dans le grand mouvement des civilisations orientales et occidentales, il y a, pour la science historique, des origines particulières et complexes, des influences diverses à déterminer, comme la science géologique détermine, dans les gisements et les formes des substances terrestres, les origines et les âges des terrains primaires, secondaires et tertiaires. Si l'historien et le philosophe se bornaient à étudier seulement les faits et les idées propres à un peuple, ils n'auraient qu'une connaissance très-imparfaite du grand système et de la nature de l'humanité, comme le géologue qui n'étudierait qu'une montagne, un bassin, n'aurait également qu'une connaissance très-imparfaite du système de la terre.

Ce qui précède suffit pour faire sentir l'importance de connaître les grands monuments historiques, philosophiques et religieux des anciens peuples de l'Orient, dont l'existence a établi des foyers particuliers de développement intellectuel

au milieu du développement général de l'humanité; monuments qui, comme la colonne de feu de Moïse, ont guidé cette humanité dans les divers chemins de la civilisation.

De tous les problèmes que l'esprit humain s'est jusqu'ici proposé de résoudre, il n'en est peut-être pas de plus important et de plus difficile que celui de l'origine et du développement des sociétés humaines. Si l'on ne veut pas s'en tenir à la solution religieuse de ce problème, et que l'on cherche à satisfaire son esprit par une solution historique, les grands monuments, qui ont servi de base aux premières civilisations, doivent être les premiers éléments de cette dernière solution; mais comme ces monuments étaient bien loin d'être accessibles à tous les esprits réfléchis qui s'occupent de ces sortes de problèmes, l'auteur de cette introduction, voué depuis de longues années à l'étude des langues et des civilisations de l'Orient, avait conçu, dès ses premiers pas dans cette carrière, la pensée de faire connaître quelques-uns de ces antiques monuments qui sont encore debout. non pas au milieu des solitudes du désert, comme les pyramides d'Égypte ou les colonnes de Palmyre, mais au sein des populations qu'ils dominent depuis trois à quatre mille ans, et qu'ils éclairent de leur sublime et merveilleuse clarté.

Il disait déjà, en 1831: « A mesure que les connaissances sur l'Orient se développeront, on verra se révéler comme un monde nouveau, une civilisation merveilleuse que l'antiquité n'avait pas même soupçonnée. On sera surpris de voir ce qu'etaient les anciens en comparaison de ces vieux peuples de l'Orient, et on sera de plus en plus frappé de la vérité de cette allocution d'un prêtre d'Égypte à Solon (conservée par Platon dans son Timée) « O Athéniens, vous n'êtes que des en« fants! vous ne connaissez rien de ce qui est plus << ancien que vous; remplis de votre propre excelalence et de celle de votre nation, vous ignorez « tout ce qui vous a précédés; vous croyez que ce « n'est qu'avec vous et avec votre ville que le monde « a commencé d'exister *. »

Ce reproche d'ignorance vaniteuse, fait par un prêtre de Saïs aux Athéniens, aurait pu recevoir encore depuis, de nombreuses applications; mais il faut convenir, cependant, que l'on s'est beaucoup plus occupé de l'étude des langues et des civilisa tions de l'Orient dans les temps modernes que dans les temps anciens. Depuis environ deux siècles,

* Mémoire sur l'origine et la propagation de la doctrine du Tao, en Chine, etc. Introduction, page viu.

l'Orient a été, pour ainsi dire, révélé à l'Europe par quelques hommes laborieux et intelligents; mais c'est surtout depuis une quarantaine d'années que les études orientales, favorisées par les grands événements dont le monde a été le théâtre, ont pris le plus de développement.Toutefois, ces études, et les connaissances nouvelles qu'elles révélaient à l'Europe, étaient circonscrites dans un cercle trèsrestreint d'esprits laborieux, plus aptes à les cultiver avec succès, qu'à les populariser et à les faire passer du domaine de la spéculation dans celui de la vie pratique. Il fallait d'ailleurs, pour que l'Europe s'intéressât à ce monde si nouveau pour elle, quoique si ancien, qu'il sortît du long sommeil de l'oubli dans lequel il était plongé depuis tant de siècles, qu'il cherchât à secouer les chaînes dont on avait voulu le charger en silence, et qu'il se montrât enfin résolu à prendre part à la vie générale de l'humanité, selon sa nature et sa propre destination. Singulière puissance des événements politiques! Cet Orient, qui n'existait guère que pour des esprits studieux ou des négociants avides, est devenu tout à coup l'arbitre, pour ainsi dire, des destinées de l'Europe, de cette vieille Europe qui, engourdie d'épuisement et de lassitude, sent le besoin d'aller puiser de nouveau la vie au soleil éclatant de l'Orient!

Mais l'Orient n'est-il pas encore, pour la plupart des esprits, même les plus cultives, un de ces mondes fantastiques des Mille et une Nuits, qui ne présentent pas même l'ombre de la réalité; une de ces terres maudites où l'esclavage appesantit ses éternelles et lourdes chaînes, où la tyrannie continue son âge d'or, où l'humanité pétrifiée a perdu tout son caractère de noblesse et de dignité qui aurait encore pu, même au sein de l'esclavage, la sauver de l'oubli dédaigneux de l'Europe prétendue libre, et l'intéresser à ses destinées? L'Orient, avec ses races et ses civilisations si différentes, n'est-il pas le plus souvent encore confondu dans une même personnification imaginaire qui n'a pas plus de réalité que les rêveries du moyen âge? Il est temps que la généralité des esprits remplace les notions erronées que l'on s'est formées de l'Orient, par des idées vraies, par l'étude des monuments qui ont constitué les civilisations différentes des nations diverses qui le composent. C'est le seul moyen d'avoir l'intelligence des faits dont cette grande et belle partie du monde est et deviendra le théâtre. En Orient, comme dans la plupart des contrées de la terre, mais en Orient surtout, le sol a été sillonné par de nombreuses révolutions, par des bouleversements qui ont changé la face des empires. De grandes nations, depuis quatre mille ans, ont paru avec éclat sur cette vaste scène du monde. La plupart sont descendues dans la tombe avec les monuments de leur civilisation, ou n'ont laissé que de faibles traces de leur passage tel est l'ancien empire de Darius, dont l'antique législation nous a été en partie conservée dans les écrits de Zoroastre, et dont on cherche maintenant à retrouver les curieux et importants vestiges dans les ins

criptions cuneiformes de Babylone et de Persépolis *. Tel est celui des Pharaons, qui, avant de s'ensevelir sous ses éternelles pyramides, avait jelė à la postérité, comme un défi, l'énigme de sa langue figurative, dont le génie moderne, après deux mille ans de tentatives infructueuses, commence enfin à soulever le voile. Mais d'autres nations, contemporaines de ces grands empires, ont résisté, depuis pres de quarante siècles, à toutes les révolutions que la nature et l'homme leur ont fait subir. Restées seules debout et immuables quand tout s'écroulait ou se transformait autour d'elles, elles ressemblent à ces rochers escarpés que les flots des mers battent depuis le jour de la création, sans pouvoir les ébranler, portant ainsi témoignage de l'impuissance du temps pour détruire ce qui n'est pas une œuvre de l'homme.

En effet, c'est un phénomène, on peut le dire, extraordinaire que celui de la nation chinoise et de la nation indienne, se conservant immobiles depuis l'origine la plus reculée des sociétés humaines, sur la scène si mobile et si changeante du monde! On dirait que leurs premiers législateurs, saisissant de leur bras de fer ces nations à leur berceau, leur ont imprimé une forme indélébile, et les ont coulées, pour ainsi dire, dans un moule d'airain, tant l'empreinte a été forte, tant la forme a été durable! Assurément, il y a là quelques vestiges des lois éternelles qui gouvernent le monde.

Dans le volume que nous publions aujourd'hui sous le titre de LIVRES SACRÉs de L'Orient, nous avons voulu réunir les principaux monuments des principales civilisations encore vivantes de cette belle et grande partie du monde. Ces civilisations sont la Civilisation chinoise, la Civilisation indienne et la Civilisation musulmane. Les monuments qui ont constitué ces trois grandes civilisations ont été, à des temps et en des lieux divers, trois puissants foyers de lumière qui ont jeté au loin un grand éclat, et qui se sont assimilé successivement des races d'une civilisation inférieure, sans que l'élément primitif en ait été altéré.

On ne peut trop s'étonner de voir avec quelle imperturbable assurance de nombreux écrivains ont traité des destinées de l'humanité, sans tenir plus de compte des civilisations indienne et chinoise que si elles n'avaient jamais eu une place au soleil! Toute l'humanité pour eux, ou plutôt, toutes les civilisations anciennes étaient, pour ainsi dire, circonscrites dans les murs d'Athènes et de Rome; tout le reste était barbare et complétement indigne d'un regard civilisé. Et cependant de grands empires, de brillantes civilisations existaient déjà en Asie, lorsque l'Égyptien Cécrops alla, avec quelques-uns de ses compatriotes civilisés, fonder la ville d'Athènes, et que le nourrisson d'une louve posa les premiers fondements de la ville de Rome. A cette dernière époque, une civilisation éclipsée, ou plutôt anéantie par Rome, brillait dans le Latium. Les Ombriens les Ligu

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riens, les Volsques, es Étrusques surtout, ne méritaient pas le nom de barbares et l'oubli dans lequel les historiens romains, et presque tous les écrivains modernes qui les ont suivis, les ont laisgés. Les monuments que l'on a découverts dans ces derniers temps de cet ancien peuple prouvent qu'il était déjà arrivé à un haut degré de civilisation et de richesse longtemps avant la naissance de Rome*. Le premier empire d'Assyrie tombait Jorsque Rome sortait à peine de son berceau. L'Orient était déjà vieux; il avait déjà de vieilles monarchies en décadence, il avait déjà parcouru toutes les phases de la civilisation, lorsque l'Occident, où arrivaient ses colonies, était encore plongé dans la plus épaisse barbarie. Et l'on veut faire tout dater d'Athènes et de Rome, langues, religions, arts, en un mot, tout ce qui constitue la civilisation! On veut plus, on veut que l'idée morale qui domine la société moderne n'ait été apportée dans le monde qu'à une époque encore plus récente, et que toute cette grande portion de l'humanité qui a été et est encore représentée en Orient par de si grands et de si nombreux empires, en ait été déshéritée! La raison se refuse à admettre une pareille doctrine, qui, quand même les faits ne la démentiraient pas complétement, serait, à notre sens, la plus forte injure que l'on pût faire à la Divinité.

La publication du volume que nous offrons aujourd'hui au public, n'eût-elle d'autre résultat que de rectifier une foule de préjugés et d'idées fausses, admis presque universellement, et d'après lesquels on construit péniblement tous les jours des livres et des systèmes, nous croirions avoir rendu un service assez grand. Nous ne craignons pas d'affirmer que l'étude des civilisations de l'Orient est désormais d'une nécessité absolue pour quiconque veut écrire sur les origines et la filiation des peuples, des langues, des arts, des religions, de la morale, de la philosophie, en un mot, sur l'histoire tout entière de l'humanité. Nous ne craindrons pas d'affirmer encore que la plus grande partie des livres publiés depuis la découverte de l'imprimerie (et ils sont nombreux), dont les sujets se rapportent plus ou moins directement à ceux qui sont énumérés cidessus, sont à refaire, parce qu'ils partent tous de données plus ou moins inexactes, de bases plus ou moins fragiles, de systèmes plus ou moins faux, parce qu'ils n'ont tenu aucun compte de ces importantes civilisations qui ont eu et ont encore une grande influence sur le développement genéral de T'humanité. C'est comme si tous ceux qui ont créé des systèmes d'astronomie avaient négligé ou dédaigné de tenir compte des astres les plus rayonnants du système du monde! Ces systèmes seraient assurément à refaire.

Un autre avantage qui résultera peut-être de la publication du présent volume, comme de toutes

'C'est ce qui a été reconnu d'ailleurs par quelques historiens romains: Tuscorum ante Romanum imperium late La marique opes patuere, Liv. V, 33; et Denys d'Halicarnasse fait venir de l'Etrurie la plupart des rites religieux des komains.

les publications qui nous feront connaître avec exactitude les monuments qui ont le plus contribué au développement des diverses civilisations de l'Orient, ce sera de mettre les esprits studieux et réfléchis en garde contre la facilité avec laquelle beaucoup d'écrivains, d'ailleurs très-recommandables, résolvent les plus hautes et les plus difficiles questions de l'histoire et de la philosophie, le plus souvent à priori ou d'après une connaissance très-superficielle des faits, s'appuyant sur des documents quelquefois très-suspects, le plus souvent recueillis au hasard et sans autorité aucune aux yeux d'une saine critique; car rien n'est plus dangereux et plus difficile à détruire que les erreurs ou les faits faux propagés par des noms illustres, dont la parole fait autorité, et même par des écrivains qui, sous le grand nom de philosophie de l'histoire, et d'après quelques vagues données, vous formulent imperturbablement les lois qui ont présidé aux événements de l'histoire et au développement des civilisations orientales dont ils savent à peine le premier mot.

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N'est-il pas pénible, par exemple, de voir des historiens de la philosophie comme Hegel et H. Ritter, dont les habitudes d'esprit sérieuses devaient être exemptes, sinon d'une pareille ignorance, au moins d'une pareille légèreté, écrire, le premier : Nous avons des entretiens de Confucius avec ses disciples, dans lesquels est exprimée une morale populaire; cette morale se trouve partout, chez << tous les peuples, et meilleure; elle n'a rien que « de vulgaire. Confucius est un philosophe prati« que; la philosophie spéculative ne se rencontre « pas dans ses écrits ; ses doctrinės morales ne sont <«< que bonnes, usuelles, mais on n'y peut rien apprendre de spécial. L'ouvrage moral de Cicéron, « De Officiis, nous en apprend plus et mieux que tous les ouvrages de Confucius; et, d'après ses ⚫ ouvrages originaux, on peut émettre l'opinion « qu'il vaudrait mieux pour la réputation de Confucius qu'ils n'eussent jamais été traduits *. »

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Et le second: « Quant aux écrits attribués à Con« fucius, et qui sont pour ses compatriotes comme « les sources de la sagesse, on peut remarquer que « les Chinois réputent quelquefois sagesse tout « autre chose que ce que nous regardons comme philosophie; car ces règles de conduite et ces a sentences morales répétées jusqu'à satiété, qu'on << rencontre dans les écrits de ce sage, ces formes « de pratiques extérieures qui s'y trouvent pres«< crites, et tout cela sans le moindre ensemble, ne « mérite de nous qu'un sourire sur le sérieux plein « de roideur qui voudrait faire passer ces maximes « pour quelque chose d'important **. »

* Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie. Erster Band. S. 140-141.

**Histoire de la philosophie ancienne.Traduction françaiss de M. Tissot, t. I, p. 52. Nous nous proposons de démontrer un jour, dans une Histoire speciale de la philosophie chinoise, que ces jugements des deux historiens allemands sur Confucius et la philosophie chinoise, sont aussi injustes que mal fondés; que la philosophie en Chine a été cultivée dés la plus haute antiquité par un très-grand nombre de

Ce n'est pas ainsi que s'exprimaient autrefois en Allemagne, au sujet de Confucius, les Leibnitz, les Wolff, les Brucker, qui s'occupèrent aussi de l'histoire de la philosophie; mais cette science n'était pas encore arrivée à la hauteur où MM. Hegel et Ritter l'ont portée. Il est douteux, cependant, que les hautes doctrines spéculatives de ces derniers philosophes aient jamais une influence civilisatrice aussi étendue et aussi durable que les doctrines morales si vulgaires du philosophe chi

mois.

I. CIVILISATION CHINOISE.

La civilisation chinoise est sans aucun doute la plus ancienne civilisation du monde existante. Elle remonte authentiquement, c'est-à-dire, par les preuves de l'histoire chinoise *, jusqu'à deux mille six cents ans avant notre ère. Les documents recueillis dans le Chou-king ou Livre par excellence qui ouvre ce volume, surtout dans les premiers chapitres, sont les documents les plus anciens de l'histoire du monde. Il est vrai que le Chou-king fut coordonné par KHOUNG FOU-TSEU (CONFUCIUS) dans la seconde moitié du sixième siècle. avant notre ère **; mais ce grand philosophe, qui avait un si profond respect pour l'antiquité, n'altéra point les documents qu'il mit en ordre ***

philosophes, et que leurs immenses écrits ne méritent pas l'inconcevable dédain des historiens de l'Europe qui n'en ont aucune idée.

* On peut consulter à ce sujet notre Description historique, géographique et littéraire de la Chine, t. 1, p. 32 et suiv. F. Didot frères, 1837.

**Voy. la Préface du P. Gaubil, p. I et suiv.

*** Il s'est élevé depuis quelque temps en France une école qui, appréciant les hommes et les choses de son point de vue philosophique, est souvent très-injuste dans ses jugements. Les noms les plus vénérés, ceux que l'éloignement des lieux et des temps, aussi bien que l'ignorance des faits, devraient mettre à l'abri d'une critique inconsidérée, sont l'objet de ses accusations. Ainsi elle reproche à KHOUNG-TSEU (Confucius) d'avoir altéré les doctrines religieuses qui l'avaient précédé; d'avoir « fait sur «<les King et les livres de l'antiquité chinoise, un travail << analogue à celui de Platon, analogue à celui d'Aristote sur « les dogmes religieux des grandes sociétés auxquelles la « Grèce était redevable de sa civilisation, c'est-à-dire, que ce "philosophe élagua de ces livres toute la partie religieuse « qu'il ne comprenait pas très-bien, tout ce qui se rapportait à l'explication ou au développement des dogmes tradi«tionnels; en un mot, tout ce qui devait lui paraître dé« pourvu d'intérêt. » (Appendice de M. Bazin à la Chine, de M. Davis, t. II, p. 346).

«Il est malheureusement vrai ( dit aussi M. Ott, Manuel « d'histoire ancienne, p. 220) qu'un esprit de scepticisme « et de critique étroite présida à son travail sur la théologie, « et que c'est à lui et à ses disciples que l'on doit reprocher a la perte de tant de monuments antiques dont la Chine «< était encore riche de son temps. »

Voilà assurément des accusations graves si elles étaient fondées; mais on ne fournit aucune preuve à l'appui. Quand il s'agit de faits semblables, les preuves à priori ne peuvent être admises, quelle que soit la profondeur des formules. Le dernier écrivain cité dit encore: « Confucius ne dit pas un mot des peuples étrangers, et cela devait être. Suivant « les principes chinois, en effet, les étrangers n'ont d'autre « valeur que les animaux, et doivent être gouvernés comme « des animaux.» (Id., p. 228). Que répondre à de pareilles assertions!

S'il fallait s'en rapporter à ce qui est dit dans les Annales de la dynastie des Soui, k. 27, le philosophe chinois que 'on accuse si positivement d'avoir détruit les monuments

D'ailleurs, pour les sinologues, le style de ces documents, qui diffère autant du style moderne que le style des douze Tables diffère de celui de Cice.. ron, est une preuve suffisante de leur ancienneté. Ce qui doit profondément étonner à la lecture de ce beau monument de l'antiquité, c'est la haute raison, le sens éminemment moral qui y respirent. Les auteurs de ce livre, et les personnages dans la bouche desquels sont placés les discours qu'il contient, devaient, à une époque si reculée, posséder une grande culture morale qu'il serait difficile de surpasser, même de nos jours. Cette grande culture morale, dégagée de tout autre mélange impur que celui de la croyance aux indices des l'humanité; car, ou cette grande culture morale sorts, est un fait très-important pour l'histoire de était le fruit d'une civilisation déjà avancée, ou c'était le produit spontané d'une nature éminem

ment droite et réfléchie; dans l'un et l'autre cas, du philosophe et de l'historien. le fait n'en est pas moins digne des méditations

Les idées contenues dans le Chou-king sur la Divinité, sur l'influence bienfaisante qu'elle exerce constamment dans les événements du monde, sont très-pures et dignes en tout point de la plus saine philosophie. On y remarquera surtout l'intervention constante du Ciel ou de la Raison suprême, dans les relations des princes avec les populations, ou des gouvernants avec les gouvernés, et cette intervention est toujours en faveur de ces derniers, c'est-à-dire, du peuple. L'exercice de la souveraineté, qui dans nos sociétés modernes n'est le plus souvent que l'exploitation du plus grand nombre au profit de quelques-uns, n'est, dans le Chou-king, que l'accomplissement religieux d'un mandat céleste au profit de tous, qu'une noble et grande mission confiée au plus dévoué et au plus digne, et qui était retirée dès l'instant que le mandataire manquait à son mandat. Nulle part peut-être les droits et les devoirs respectifs des rois et des peu ples, des gouvernants et des gouvernés, n'ont été enseignés d'une manière aussi élevée, aussi digne. aussi conforme à la raison. C'est bien là qu'es constamment mise en pratique cette grand maxime de la démocratie moderne: vox populi vox Dei, « la voix du peuple est la voix de Dieu. Cette maxime se manifeste partout, mais on I trouve ainsi formulée à la fin du chapitre Ka yao-mo, § 7 (p. 56):

«

« Ce que le ciel voit et entend n'est que ce qu « le peuple voit et entend. Ce que le peuple jug digne de récompense et de punition est ce q « le ciel veut punir et récompenser. Il y a u « communication intime entre le ciel et le peupl « que ceux qui gouvernent les peuples soient do « attentifs et réservés. » On la trouve aussi form

religieux de son pays, aurait, au contraire, composé de ouvrages, formant ensemble quatre-vingt et un livres, di lesquels il traitait des choses passées et futures, des espri des choses visibles et invisibles; mais ces livres furent live aux flammes par ordre de Yang-ti, second empereur de dynastie des Soui (605 de notre ère), parce qu'ils fur considérés comme apocryphes.

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