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des hexagrammes. Je suis donc porté à croire qu'avant le roi Ven-vang, les interprètes de ce livre étaient les philosophes ordinaires; que leurs ouvrages sur ce livre ont été absorbés par l'éclat et par la réputation de ceux de Ven-vang, de Tcheou-kong et de Confucius; et qu'enfin ils sont péris par l'injure des temps. Car, pour conclure cet article par une courte récapitulation, Fo-hi est depuis si longtemps tenu par les Chinois pour un si grand personnage, qu'il est même reconnu pour l'un des cinq Chang-ti, coadjuteur du grand Chang-ti1. L'autre empereur, Ven-vang, qui doubla les huit trigrammes de Fo-hi, est reconnu de tous les Chinois pour très-sage et très-saint. Tcheou-kong, pour le dire en un mot, ne le cède qu'au seul Confucius. Enfin Confucius, que les Chinois appellent le faite du genre humain, le comble de la sainteté, le mattre et le modèle des empereurs même, est celui qui a mis la dernière main à ce livre : livre véritablement auguste, s'il parlait comme il faut de Dieu et de la

nature.

On peut connaître à présent la forme de ce livre, par ce que je viens de dire de ses auteurs. J'ai pour tant oublié une chose qu'il importe le plus de savoir: ce fut le ciel qui, par un prodige surprenant, en montra la forme à Fo-hi. Comme ce prince était sur le bord du fleuve Hoang-ho, il sortit tout à coup du sein des eaux un dragon qui portait sur son dos la forme de ce livre; Fo-hi la copia sur-lechamp, et forma sur ce dessin la table des huit trigrammes.

C'est à peu près de la même manière que le Chang-ti donna au grand Yu1 la forme d'un autre Jivre; car du fleuve Lo-chouï, qui se décharge dans le fleuve Hoang-ho, il sortit une tortue, qui avait sur son écaille l'empreinte des dix premiers nombres combinés entre eux d'une certaine manière. De ces nombres, Yu composa, je ne sais par quel moyen, le livre qui a pour titre le grand Prototype3, lequel fait partie du livre canonique appelé Chouking; de là cette sentence si connue : Lotchouchu, Hotchoutou, c'est-à-dire, le fleuve Lo-chouï a produit le livre, le fleuve Hoang-ho a produit la table. Confucius a adopté l'une et l'autre fable, et les a confirmées ouvertement par son suffrage.

'Passons à la matière de ce livre. L'Y-king embrasse beaucoup de sujets; c'est comme l'encyclopédie des Chinois. On peut pourtant réduire les matières à trois chefs; savoir, la métaphysique, la physique et la morale. A l'égard de la métaphysique, lorsqu'il parle du premier principe, il ne fait que l'effleurer, pour ainsi dire; il s'étend un peu

C'est-à-dire, suprême empereur, ou souverain empereur : c'est l'empereur du ciel. I en sera plus amplement parlé dans la suite. Voyez les remarques.

↑ C'est le fondateur de la dynastie de Hia.

3 C'est le Hong-fan, ou le chapitre iv de la quat, jème partie du Chou-king. (Voyez ci-devant, pag. 89.)

plus sur la physique, qu'il traite pourtant plus métaphysiquement que physiquement, c'est-à-dire, par certaines notions universelles; mais, pour la morale, il en traite à fond, n'oubliant rien de ce qui appartient à la vie de l'homme, considéré comme seul, comme père de famille, et comme homme d'État. Quand je dis que ce livre traite de toutes ces matières, il ne faut pas croire, du moins à l'égard des deux premières, que ce soit méthodiquement et avec ordre: ce n'est seulement que par occasion, et dans des morceaux détachés des textes, et répandus çà et là. Mais ce qui dans ce livre peut être regardé comme un quatrième chef, c'est qu'il est le livre des sorts, livre qui de toute antiquité a servi aux prédictions. Rien n'est si ordinaire dans ses hexagrammes que les mots de fortuné et d'infortuné.

Mais comme ce point est d'une très-grande importance pour nos affaires, je vais le prouver de trois manières, afin que l'on ne s'imagine pas que j'avance ceci à la légère.

1° Tous les livres anciens des Chinois fournissent beaucoup d'exemples de ces sorts mis en pratique; le livre canonique Chou-king les recommande, ainsi que font les autres livres, et les histoires sont remplies de pareils exemples.

2o Confucius non-seulement approuve ces sorts, mais encore il enseigne en termes formels, dans le Livre canonique des changements', l'art de les déduire; et certainement cet art attaché à ce livre ne se déduit que de ce que Confucius y en a dit. De plus, Tço-kieou-ming, disciple de Confucius, dont il avait écrit les leçons, dans ses commentaires sur les Annales canoniques de Confucius son maître, a inséré tant d'exemples de ces sorts, que cela va jusqu'au dégoût; il fait quadrer si juste les événements aux prédictions, que, si ce qu'il en dit était vrai, ce serait tout autant de miracles. D'ailleurs tous les philosophes, jusqu'à ceux d'aujourd'hui, usent de ces sorts; et même la plupart assurent hardiment, que par leur moyen il n'y a rien qu'ils ne puissent prédire : enfin, tous tiennent pour ce livre des sorts.

3o Chi-hoang-ti, fondateur de la dynastie des Thsin, ayant condamné au feu, par son édit si détesté des Chinois, les livres canoniques et les histoires des âges précédents, afin d'abolir la mémoire de l'antiquité, en excepta pourtant le Livre canonique des changements, seulement parce que c'était le livre des sorts; car son édit épargna tous les livres de médecine, d'agriculture et des sorts. Enfin, le caractère qui dénote les lignes des hexagrammes, et qui se lit Koua, si l'on n'a égard qu'au sens du mot, signifie pendule; cependant, si on a égard à

C'est-à-dire, dans son commentaire sur l'Y-high 2 Le Tehun-tsicou.

sa composition, on voit clairement qu'il est formé de la lettre pou, qui, par antonomase, signifie sort, et proprement sort de tortue.

Quant à ce qui regarde le premier principe, voici ce que dit ce livre. Tai-ki a engendré deux effigies; ces deux effigies ont engendré quatre images; ces quatre images ont engendré les huit trigrammes de Fo-hi.

Cela est assez énigmatique; c'est pourquoi il faut l'interpréter. Taï-ki signifie grand comble; métaphore tirée des toits, dont la pièce transversale, qui en est le faîte, s'appelle Ki, parce que c'est la plus haute pièce du toit. Or de même que tous les chevrons sont appuyés sur le faîte du toit, de même aussi toutes choses sont appuyées sur le premier principe. Il faut ici observer soigneusement qu'il dit engendrer, et non faire.

Les Chinois interprètent allégoriquement les deux effigies Yang et Yn par les deux matières, ou la matière universelle divisée en deux; mais, dans le sens propre, elles signifient le ciel et la terre. Les quatre images désignent la matière parfaite, jeune et vieille 3; et la matière imparfaite, aussi jeune et vieille. C'est ainsi que par cette distinction de deux degrés de perfection et d'imperfection 4, les deux matières engendrent quatre matières. Les huit trigrammes de Fo-hi dénotent toutes les choses de l'univers : savoir le ciel, la terre, le feu, les eaux, les montagnes, les foudres, et encore deux autres, sous lesquelles tout le reste est compris.

Mais les philosophes exposent plus clairement cet axiome; car voici ce qu'ils disent sans aucune allégorie. Le grand comble, Taï-ki, a engendré le ciel et la terre; le ciel et la terre ont engendré les cinq éléments; les cinq éléments ont engendré toutes choses. Ce même axiome est l'abîme dans lequel se sont précipités les philosophes que l'on appelle Athéo-politiques; car ils prétendent que ce grand comble est la raison primitive, qui, quoique sans entendement ni volonté, est absolument le premier principe de toutes choses. Ils veulent que, quoique cette raison soit privée d'entendement et de volonté, elle gouverne pourtant toutes choses, et cela d'autant plus infailliblement, qu'elle agit nécessairement. Ils prétendent enfin, que tout émane d'elle, ce que le mot engendrer semble indiquer. Aussi ces philosophes n'hésitent-ils pas de donner à cette raison le titre de dame gouvernante; et, comme Confucius dans le Livre canonique des changements

Tai-ki est l'air primogène, qui, par le mouvement et le repos, d'où résultent le chaud et le froid, le sec et l'humide, etc., a produit les cinq éléments qui composent toutes choses.

7 La parfaite Yang, et l'imparfaite Yn, la subtile et la grossière, la céleste et la terrestre, la clarté et l'obscurité, le chaud et le froid, le sec et l'humide, et toutes les autres qualités de la matière.

De force et de faiblesse, ou d'intension et de rémission.

a fait plus d'une fois mention du Chang-ti, c'est-àdire, du supreme empereur, et du Ti, c'est-à-dire, de l'empereur, et que cependant on ne voit nulle part dans ce livre, ni dans les autres, que le Changti ait engendré la matière, c'est-à-dire, le ciel et la terre, les philosophes concluent de là que le titre de Chang-ti ne peut convenir à la raison primitive, que quand il s'agit seulement du gouvernement de l'univers. De là vient que plusieurs d'entre eux admettent, outre la raison primitive, un génie céleste approprié au ciel; du moins les interprètes de l'empereur Kang-hi, dans l'examen de l'hexagramme de la dispersion, où il est fait mention du sacrifice au Chang-ti, cherchant la cause pour laquelle, après la fin de la dispersion, c'est-à-dire, après que les troubles de l'empire sont apaisés, on sacrifie au Chang-ti, en rendent celle-ci : Que dans le temps de la dispersion, où les sacrifices au Chang-ti sont souvent négligés, les esprits du Chang-ti se trouvant dispersés, doivent donc ensuite être rassemblés par les sacrifices.

De plus, la plupart des philosophes, et surtout les anciens, donnent au grand comble le nom de Tao, qui, à leur compte, ne diffère de Li, c'est-àdire, de la raison primitive, qu'autant que l'acte et la puissance diffèrent entre eux.

Je ne dois pas omettre ici que le terme de ciel s'entend de trois façons : il signifie le grand comble, quelquefois aussi le ciel matériel; souvent, parmi ceux qui admettent des génies dans tous les grands corps du monde, il est employé pour désigner ce génie; ou plutôt, selon l'habile interprète qui a fait la concordance des quatre livres classiques, le ciel est pris tantôt pour la raison primitive, tantôt pour la matière seule, et tantôt pour la raison primitive et la matière ensemble.

A l'égard de la physique, ce livre se contente d'exposer le travail annuel de la terre, et de le parcourir par saisons, comme on le voit dans le texte fameux qui commence ainsi : Ti, c'est-à-dire, l'empereur, sort du trigramme de l'ébranlement, etc.; car, par Ti, le terme les interprètes entendent le Chang-ti, et les anciens interprètes, l'empereur Fo-hi, qui, comme nous avons déjà dit, a été élevé à la dignité de Chang-ti du second ordre. Ensuite le texte commençant par le printemps, auquel répond le trigramme de l'ébranlement, conduit son Chang-ti par les sept autres trigrammes de Fo-hi, et le mène ainsi par les huit saisons de l'année, jusqu'à la fin de l'hiver; décrivant par ordre ce que la nature opère pendant chaque trigramme, ou saison de l'année. De plus, comme ils rapportent les changements annuels des saisons à la matière imparfaite, c'est-à-dire, au froid et à l'humide, et à la matière parfaite, c'est-à-dire, au chaud et au sec; ils posent aussi pour indubitable que la matière parfaite, ou le chaud, commence précisément au

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solstice d'hiver: que de là en avançant, elle acquiert
chaque mois un nouveau degré de force, jusqu'à ce
qu'elle soit parvenue, en six mois et par six degrés,
au solstice d'été. Ensuite au chaud succède le froid,
qui commence au jour même du solstice d'été, et qui
ne parvient au sixième degré de perfection qu'au
bout de six mois, c'est-à-dire, au solstice d'hiver,
après quoi le chaud recommence sur-le-champ'.
C'est pourquoi ils divisent chaque signe du zodiaque
en six parties, attribuant à chaque sixième partie
de signes la domination d'un hexagramme; mais
comme les hexagrammes sont au nombre de soixan-
te-quatre, et que les douze signes, divisés chacun
en six, font soixante et douze parties, ils suppléent
aisément, par une opération particulière, à ce qui
manque à l'égalité de ces nombres. Mais ce n'est
pas ici le lieu d'en parler: d'ailleurs toute cette opé-
ration est purement arbitraire et imaginaire. Telles
sont les bagatelles, quoique indignes de la gravité
de l'astronomie, que les Chinois ont adoptées, et
qu'ils ont insérées, comme ils le font encore à pré-
sent dans presque toutes les tables astronomiques,
avec tout l'étalage d'un calcul pénible, comme gens
qui divisent le zodiaque, et tout autre cercle, en
trois cent soixante-cinq degrés et environ un quart.
Le Livre canonique des changements traite aussi
des esprits, qu'il appelle tantôt Kouei-chin, et quel-
quefois Chin simplement. En voici deux textes:
l'un affirme que toute la vertu d'agir qu'ont les
Kouei-chin vient des nombres; l'autre s'exprime
ainsi : Ching-gin-y-chin-che-kiao, c'est-à-dire, les
saints personnages établissent les lois à la faveur
des esprits ; et plus clairement, les saints emploient
la religion et la crainte des esprits, pour persua-
der aux peuples l'observance des lois. Je ne me
souviens pas bien de ce que les interprètes disent
sur ce texte; mais c'est peut-être de cet apophtegme
qu'est venue l'erreur qui a infecté l'esprit des Chi-
nois; savoir, que toutes les religions sont bonnes,
quelques diverses et opposées qu'elles soient entre
elles, chacune d'elles étant bonne pour le peuple
qui la suit; car, disent-ils, elles n'ont été publiées
par leurs instituteurs
les
dans la vue de porter
que
peuples à la vertu. De là aussi est peut-être venu

'La matière, on la vapeur parfaite, croit toujours depuis le solstice d'hiver jusqu'au solstice d'été, et parvient le jour du solstice d'été au sixième et dernier degré de force. La matière, ou la vapeur imparfaite, croft de même depuis le solstice d'été jusqu'à celui d'hiver, où elle acquirt le sixième et dernier degré de force. Ainsi c'est aux deux solstices que se fait la division et la séparation de la vapeur parfaite et de rimparfaite. Le jour du solstice d'hiver, la vapeur imparfaite est pure, et ne tient rien de la parfaite. De même le jour du solstice d'été, la vapeur parfaite est pure, et sans aucun mélange de l'imparfaite : aux autres temps de l'année elles sont un peu mêlées ensemble. La vapeur parfaite et imparfaite different entre elles; mais aux deux solstices leurs extrémités se joignent, l'une finissant et l'autre commençant. Ainsi tantôt ces deux vapeurs se joignent, et tantôt elles s'éloignent l'une de l'autre.

pour

que plusieurs empereurs ont supposé des prodiges, s'attacher davantage les peuples, entre autres les empereurs des dynasties Tang et Song. Ils tâchèrent de persuader aux peuples, par des prodiges supposés, qu'ils étaient sortis d'une race presque divine; et qui plus est, deux empereurs de la dynastie Song publièrent hautement, il y a environ six cents ans, qu'il était tombé du ciel des livres qu'ils honoraient eux-mêmes par des sacrifices et des supplications, quoique, selon le témoignage de l'histoire, ils eussent été écrits de leur propre consentement par des imposteurs à gages. Il est vrai que le premier des deux hésita d'abord sur ce qu'il avait à faire, craignant, par un tel attentat, d'encourir la censure publique ; mais ayant consulté là-dessus un philosophe, qui, pour toute réponse, lui cita l'apophtegme dont on a parlé, il se confirnia dans sa résolution, et commença aussitôt à exécuter son projet. C'est aussi de là que je conjecture qu'est venue la fable du livre empreint sur le dos d'une tortue, et celle du dragon de Fo-hi, et même l'usage des sorts.

A l'égard des nombres, dont j'ai déjà touché quelque chose en passant, Confucius en parle amplement dans le Livre canonique des changements, et particulièrement des dix premiers nombres, dont les cinq impairs sont célestes et parfaits, et les cinq pairs sont terrestres et imparfaits. Les cinq nombres célestes 1, 3, 5, 7, 9, font la somme de 25 : les cinq nombres terrestres 2, 4, 6, 8, 10, font celle de 30: ces deux sommes additionnées donnent le nombre de 55, qui est le même que celui des verges ou baguettes, au moyen desquelles on déduit les sorts du Livre canonique des changements; mais auparavant on rejette cinq baguettes, ensuite une autre pour des raisons tout à fait frivoles : il n'en reste donc plus que quarante-neuf. Ces quaranteneuf baguettes combinées diversement par trois opérations différentes, donnent une petite ligne parfaite ou imparfaite; et après dix-huit opérations de cette sorte, qu'il serait trop long de rapporter

ici, et que j'ai décrites ailleurs, il résulte six pe

tites lignes, et par conséquent un hexagramme. On cherche cet hexagramme dans le Livre canonique des changements, ensuite on lit les notes qui le suivent, et delà on conclut quel sera l'événement de ce que l'on projette. Des dix premiers nombres, les uns sont commençants, les autres consommants: de là se tire la génération des éléments. Le ciel, par l'unité, commence l'eau; la terre, par le nombre six, la consomme; et ainsi des quatre autres élé

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. quatre, quatre en huit, huit en seize, seize en trentedeux, trente-deux en soixante-quatre : là on s'arrête, afin qu'il y ait seulement soixante-quatre hexagrammes. C'est, à proprement parler, une progression géométrique, que l'on peut pousser à l'infini. Mais en tout cela qu'y a-t-il de solide? quelle est cette génération des éléments? et quels sont les cinq éléments qui engendrent et composent toutes choses? Car certainement deux d'entre eux, le bois et le métal, n'entrent aucunement dans la composition de toutes choses. Cependant ils croient qu'ils y entrent si bien, que même ils impriment quelque chose d'eux dans les âmes humaines; car c'est un dogme reçu de tous les interprètes, et même des anciens, que les cinq vertus; savoir, la charité, la justice, la civilité, la prudence et la foi, dérivent des cinq éléments comme la charité, du bois; la justice, du métal; et ainsi des autres. Qu'y a-t-il en tout cela qui n'éloigne l'esprit de la connaissance du vrai Dieu et du premier principe? Les huit trigrammes de Fo-hi ne présentent à l'esprit que huit choses; savoir, le ciel, la terre. le feu, les eaux de deux genres, les montagnes, et le reste de pareille nature; mais il n'y a pas un mot de Dieu ou du premier principe de toutes choses. Les soixantequatre hexagrammes, qui sont composés des huit trigrammes octuplés, n'en peuvent dire davantage. Cette génération des cinq éléments par les nombres, n'est-elle pas une pure chimère? C'en est tellement une, qu'il y a lieu de s'étonner que des hommes qui, comme les Chinois, voient très-clair dans les choses humaines et politiques, puissent être si aveugles pour les choses naturelles; car, que ces Chinois aient de la pénétration et de la sagacité pour ce qui regarde les mœurs et le gouvernement des empires, c'est de quoi on ne peut douter, et dont on sera convaincu par l'exemple suivant, qui est une version de l'un des soixante-quatre hexagrammes, qui traite de l'humilité. J'en ai traduit mot à mot les textes entiers; j'ai seulement abrégé la paraphrase des interprètes de l'empereur Kang-hi, me contentant d'en tirer ce qui était absolument nécessaire pour l'intelligence des textes. Cependant, quoique je me sois servi modérément de l'autorité des interprètes, il sera libre au lecteur de laisser ce que j'en ai cité, afin de pouvoir par lui-même juger du texte seul; mais, avant de passer à cet hexagramme, disons encore un mot sur ce livre.

Tout le Livre canonique des changements' étant

Le Livre canonique des changements contient huit trigrammes; savoir, le trigramme du ciel, et celui de la terre, qui sont le père et la mère des autres; et six enfants, c'est-àdire, les autres six trigrammes, qui sont engendrés des deux premiers; savoir, l'eau, le feu, les foudres, les vents, les montagnes, et les eaux dormantes. Le feu et l'eau ne se nuisent pas entre eux, les tonnerres et les vents ne se contrarient pas les uns les autres; les montagnes et les eaux dormantes se communiquent mutuellement leurs vapeurs; et c'est ainsi que se fout les conversions et les générations, et que toutes choses

contenu dans les huit trigrammes de Fo-hi, comme un arbre dans sa semence, je crois qu'il ne sera pas inutile d'en donner une explication plus précise. Venvang joignit aux huit trigrammes de Fo-hi autant de mots, par lesquels il désigna le ciel, la terre, les eaux courantes, les eaux dormantes, le feu, les montagnes, les foudres et les vents. Je dis qu'il désigna, car les mots qu'il y ajouta ne signifient pas proprement le ciel, la terre, etc., mais seulement leur vertu : par exemple, Kien signifie proprement la force, ou la vertu infatigable du ciel, par laquelle il continue perpétuellement ses révolutions. Kouen, c'est-à-dire, soumission, signifie la vertu propre de la terre, par laquelle elle se soumet et obéit sans cesse au ciel. Ken signifie proprement stabilité, ce qui est la vertu des montagnes par laquelle elles restent constamment fixes et immobiles sur leur base.

On doit entendre la même chose des autres mots et de leur signification. Or, en tout cela, il n'y a aucune trace du premier principe; et cependant ce livre pose pour premier principe de toutes choses le ciel et la terre; car sous l'hexagramme du ciel il y a ces mots : Ta-tsal-kien-yuen! Vanvoe-tsu-tchi-y-chi, c'est-à-dire, Que la vertu commençante du ciel est grande! toutes choses tirent d'elle leur commencement. De même, sous l'hexagramme de la terre, il y a : Ta-tsat-kouen-yuen! Van-voe-tsu-chi-y-tching, c'est-à-dire, Que la vertu commençante de la terre est grande! toutes choses tirent d'elle leur consommation. De là vient que le ciel est appelé par les Chinois le père de toutes choses, qui donne le commencement à tout; et que la terre est nommée mère qui nourrit, élève, perfectionne et consomme toutes choses. Cependant ils ne peuvent être l'un et l'autre, ni l'unique ni le premier principe; et d'ailleurs, comme nous avons déjà dit, le premier principe absolu est le grand comble, qui a engendré le ciel et la terre: ainsi dans la table de Fo-hi, il n'est fait mention nulle part du premier principe de toutes choses; néanmoins plusieurs interprètes prennent quelquefois le ciel pour le grand comble, et surtout sa vertu Kien ; sans doute parce que le ciel est le plus grand et le plus élevé de tous les corps, et que c'est en lui qu'éclate principalement la puissance et la splendeur du premier principe.

deviennent parfaites. Il faut observer que par les deux premiers trigrammes, le ciel et la terre, qui sont le père et la mère de toutes choses, et par les six autres, l'eau, le feu, les fou dres, les vents, les montagnes, et les eaux dormantes, qui, comme engendrés du ciel et de la terre, sont censés ètre leurs six enfants, sont figurés par autant d'images. Le ciel et la terre unissent leur semence, et par là se trouve entre eux la distinction du mari et de la femme. Le soleil, la lune, les foudres, les vents, les montagnes et les eaux dormantes, sont les esprits ou les vapeurs honorables de leurs six enfants : ce sont ceux-là qu'on appelle les six vénérables. Les étoiles, les signes du zodiaque, l'eau, le feu, les fossés, les canaux el bassins d'eaux, sont les images des six vénérables.

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Venons à présent à l'hexagramme que j'ai cité. L'hexagramme de l'humilité est formé de deux trigrammes, dont l'un est externe et supérieur, c'est Kuen, c'est-à-dire, soumission de la terre; l'autre est interne et inférieur, c'est Ken, c'est-à-dire, stabilité d'une montagne. Ainsi, dans cet hexagramme, ou emblême, un mont élevé ou caché sous la terre, figure un honnête homme qui demeure ferme en luimême, pendant qu'au dehors il s'accommode et s'assujettit à l'état des affaires.

TEXTE.

L'humilité surmonte tout; le sage arrive au but. [Y-king, Chang-king, liv. 1, f 43 et suiv.] INTERPRÉTATION.

Ven-vang veut dire que l'humilité est une vertu que rien n'arrête, qui ne connaît point d'obstacle, et qui conduit tout à une heureuse fin. C'est pourquoi le sage, qui ne reconnaît point en soi la vertu dont il est doué, qui paraît ignorer ses belles actions, parvient, par son humilité, au but de la sagesse et à l'accomplissement de ses desseins.

TEXTE.

Le Touan, c'est-à-dire, la sentence ou décision définitive de Confucius sur ce Koua, dit: La raison du ciel est éclatante, et s'abaisse jusqu'à la terre. La raison de la terre est humble, et s'élève en haut. La raison du ciel diminue ce qui est plein (et élevé), et augmente ce qui est bas (et petit). La raison de la terre détruit ce qui est (élevé et) plein, et fait fluer ce qui est bas (et soumis.) Les Kouei-chin (esprits) nuisent à ce qui est plein (et élevé), et font du bien à ce qui est (petit et) bas. La raison de l'homme hait (celui) qui est plein (de soi), et elle aime celui qui est humble. L'humilité est honorée et éclatante; elle est abaissée, et ne peut être sur montée; elle est la fin du sage.

INTERPRÉTATION.

Confucius dit: L'humilité n'est pas seulement la vertu de l'homme, elle l'est aussi du ciel et de la terre. Ce n'est que par leur soumission (réciproque) que le ciel et la terre trouvent en eux de quoi engendrer et corrompre toutes choses, en quoi leur vertu éclate pleinement. La terre, quoique située au plus bas lieu, dès qu'elle a reçu du ciel les temps (propres aux saisons), renvoie en haut (par une humble reconnaissance) les vapeurs qui sortent de son sein. C'est ainsi que le ciel envoie en bas ses influences, pour faire naître et croftre toutes choses, et que la terre renvoie en haut ses vapeurs,

Ce que l'on appelle texte ici est le commentaire de Venvang, de Tcheou-kong et de Confucius, que l'on a ensuite commenté et interprété d'une manière plus étendue.

? En chinois Kien veut dire humble, celui qui ne s'enorgueillit point de ce qu'il possède.

qui s'unissant aux influences du ciel, achèvent toutes choses. Si le ciel et la terre ont besoin de soumission pour exercer leur vertu générative, combien plus les hommes en ont-ils besoin pour exercer leur vertu!

Expliquons ceci plus amplement : Dès que le soleil est parvenu au méridien, il penche vers son couchant; dès que la lune est pleine, elle décroît, puis disparaît; au froid succède le chaud, au chaud succède le froid. Dans toutes ces choses la raison du ciel diminue ce qui est plein (ou complet), et augmente ce qui est bas (et petit). La terre abat, renverse et détruit ce qui est plein et élevé (comme les montagnes et les collines): au contraire, elle augmente et incite à couler ce qui est bas et soumis (comme les eaux). Les esprits en font de même : ils se comportent de telle manière envers les hommes, que les gens hautains et pleins de cupidité tombent dans beaucoup de malheurs, et que les gens modérés et tempérants parviennent à un état heureux. A l'égard des autres choses, ils font que ce qui est florissant et vigoureux se fane et se flétrit peu à peu, et que ce qui est passé et corrompu se renouvelle et revit. C'est ainsi qu'ils nuisent à ce qui est plein (et élevé), et font du bien à ce qui est bas (et petit). Enfin ceci paraîtra plus clairement dans l'homme. L'homme hait nécessairement ceux qui sont orgueilleux et pleins (d'eux-mêmes), et il aime nécessairement ceux qui sont humbles et soumis; car ce n'est pas par choix ou délibération qu'il aime ou qu'il hait en eux ces qualités; mais cet amour ou cette haine s'introduisent d'eux-mêmes, étant excités naturellement par les humbles ou par les superbes. Par conséquent, si un homme humble, constitué en une grande dignité, se maintient humble, il deviendra encore plus illustre par son humilité. Si étant placé dans le plus bas rang, le plus bas rang, il ne respire que l'humilité, il s'attirera l'amour de chacun. Ce sont là autant de moyens par lesquels l'honnête homme conduit à la fin désirée sa vertu et ses desseins. En général, un homme arrogant et plein de soi, s'attire l'aversion de ses plus proches mêmes, et la vertu de l'humilité renouvelée de jour en jour, se concilie l'amour de tout le monde. Or le ciel, la terre et les esprits peuvent-ils aller au delà de ce qui plaît au cœur de l'homme?

TEXTE.

Le Touan dit: Des montagnes sous terre, humilité. L'honnête homme se sert (de l'humilité) pour diminuer le trop, et augmenter le trop peu. il pèse l'un et l'autre, il les met en équilibre.

INTERPRÉTATION.

Confucius dit: Cet emblême de la terre, qui, quoique située au plus bas lieu, tient cachée dans son sein une haute montagne, est proposé pour

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