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Voilà le premier chef d'accusation qu'on avance contre vous. Il est vrai que, si vous aviez été suivi dans cette action téméraire, peut-être que cette grande journée eût été beaucoup plus sanglante pour les ennemis, et beaucoup moins pour nous. Que ne dit-on point de ce que vous aviez mené les Portugais si gaillardement dans votre première campagne en Espagne, et de ce que vous aviez poussé messieurs leurs alliés si loin, qu'on fut contraint de vous rappeler, de peur qu'il ne restât plus rien à faire en ce pays-là pour les autres? J'ai eu beau leur dire qu'au moins, depuis votre retour, vous n'avez point fait de faute, et qu'il me paroissoit que vous aviez rendu bon compte, depuis votre arrivée en Languedoc, de tous les fanatiques des Cévennes, sans compter la harangue que vous avez faite, en manteau noir et en collet uni, pour le service du roi, à votre réception en qualité de président au parlement de Montpellier. Ils n'ont pu disconvenir de cela; mais ils ont traité d'extravagance la confiance avec laquelle, pour obéir aux ordres du roi, vous avez attaqué et pris une place qu'on jugeoit imprenable; et ils ont fort désapprouvé la dureté avec laquelle vous avez fait tuer à vos côtés deux ingénieurs qui se seroient bien passés du soin que vous aviez de les animer par votre exemple. Ils disent bien autre chose de la campagne que vous avez faite en Espagne avant celle-ci; car, outre qu'elle a été de près d'un an, au lieu qu'on n'y restoit autrefois que

six semaines de suite, ils disent que vous avez absolument contrevenu aux lois de la guerre, d'autant que, s'il est permis de faire pendre le commandant d'un château, qui avec cent ou cinquante hommes aura arrêté une grande armée, et fait tirer le canon avant que de se rendre, à plus forte raison mériteriez-vous d'être roué pour n'avoir jamais quitté de vue une armée de trente-cinq mille hommes, d'en avoir retardé la marche, et de l'avoir pensé désoler avec trois ou quatre mille chevaux ou dragons que vous aviez. Pour moi, je trouve qu'ils ont raison, quand ce ne seroit que par l'alarme que vous avez donnée à tous vos amis pour vous; car on assuroit si positivement non-seulement que vous étiez en danger, mais que vous étiez perdu, que moi, qui vous connois, et qui sais le peu d'empressement que vous avez de mettre votre personne en sûreté, j'ai fait dire je ne sais combien de messes pour le repos de votre âme, dont vous me rendrez l'argent quand il vous plaira,

Enfin, après toutes ces erreurs, on vous soupçonne d'avoir eu beaucoup de part au retour du roi et de la reine d'Espagne dans leur ville capitale, et d'avoir contribué de quelque chose au rétablissement de leurs affaires, sans vous en hausser ni vous en baisser. Je ne sais si c'est le désintéressement ou l'hu-. milité qu'on vous reproche dans tout ce procédé; mais je sais bien que, si c'étoit à recommencer, vous n'en auriez point d'autre.

Je voudrois bien pouvoir vous mander ce qu'on dit de vous sur cette victoire mémorable que les armes du roi viennent de remporter; mais cela est trop grand et trop élevé pour la prose.

Il faudroit prendre la trompette

Dont on célèbre les travaux
Des demi-dieux et des héros :
Une victoire si complette

Est digne des tons les plus hauts.
Pour nous qui, dans cette retraite,
Soit sur le bord de nos ruisseaux,
Soit dans nos bois ou sur l'herbette,
N'avons pour répondre aux oiseaux
Que les fredons de la musette,
Et qui sur d'humbles chalumeaux
Chantons pour Iris ou Nanette,
En menant paître nos troupeaux,
Nous remettons à la gazette

Le détail éclatant de vos exploits nouveaux.
Notre muse frivole et quelque peu coquette,
Dans l'indolence et le repos
N'aspire qu'à la chansonnette;
Et notre veine n'est pas faite
Pour le sublime et les grands mots.

LETTRE

AU MÊME ( en Espagne).

A Paris, le 6 février.

S'IL 'IL est vrai, mon cher duc, que vous m'ayez écrit deux lettres de suite, il faut que le secrétaire de vos dépêches ait mis la première dans son porte-feuille au lieu de la mettre à la poste; car il n'y a que celle du 18 du mois dernier qui soit parvenue jusqu'à moi. Je ne laisserai pas de vous remercier de toutes les deux ; car elles me font voir que l'air de Valence est aussi tendre que celui du jardin de la princesse de Clèves; il vous fait dire les plus jolies choses du monde sur un climat qui, sans être peuplé d'autant de petits Amours que vous y trouvez de coulants ruisseaux, de casines, d'orangers, de melons et de pois verts, ne laisse pas d'avoir en hiver, comme en été,

D'un favorable ciel les regards amoureux.

Je comprends fort bien qu'un homme qui fait bassiner son lit ici pendant la canicule, n'a tout au plus besoin que d'une alèze dans ce pays-là. Au reste, j'ai fait ce que j'ai pu pour m'informer de la route

que le seigneur Cupidon avoit prise depuis qu'on l'a proscrit où vous êtes,

Et que des terres de Murcie
Inquisiteurs ou grands prévôts,
Persécuteurs des Huguenots,

L'ont banni pour fait d'hérésie.

Mais, quoiqu'il se réfugie en France, comme vous l'aviez prévu, je n'en ai pu rien apprendre à notre cour. Il est bien vrai que le chevalier La Salle croyoit l'avoir trouvé chez une certaine veuve qu'il poursuit depuis quelque temps, et qu'un proche parent de la comtesse vouloit le trouver auprès d'une certaine piccioline de nouvelle édition; cependant il est certain qu'il n'a jamais mis le pied chez l'une ni chez l'autre. Mais pourquoi fatiguer si long-temps votre curiosité? Voulez-vous savoir où il loge à présent?

Lorsqu'il s'est vu si maltraité

Dans vos climats à fleurs d'orange,

Il s'est doucement dérobé

A cette nation étrange,

Pour se mettre ici chez un ange

Qu'on connoît sous le nom d'Hébé :

Pouvoit-il être mieux tombé,

Puisque sur mille cœurs chaque jour il se venge

De votre insensibilité?

Ne me demandez point qui est cette Hébé; si vous avez jamais l'honneur de la voir, vous m'en direz des nouvelles, et vous ne trouverez pas qu'il soit aussi facile de s'en défendre, qu'il vous l'a été

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