Oldalképek
PDF
ePub

» quelque côté que nous nous tournions (1). » En donnant les mêmes conseils, Plutarque recommande d'éviter un excès non moins dangereux; car «< y en a, » dit-il, qui fuyans la superstition, se vont ruer et pré>> cipiter en la rude et pierreuse impiété de l'athéisme, » en sautant par-dessus la vraye religion, qui est >> assise au milieu entre les deux (2). »

Ces voix qui s'élevoient de toutes parts contre le paganisme, cette règle de vérité toujours connue, toujours rappelée au milieu du monde idolâtre, rien ne pouvoit le tirer de son sommeil, rien ne pouvoit vraincre les passions, ni ramener au culte du vrai Dieu les hommes endurcis. Il falloit que la vérité vivante vînt elle-même renverser les autels qui l'outra-. geoient, et chasser de la terre tous ces dieux déjà chassés du ciel.

Le crime des païens étoit d'autant plus grand, qu'il suffisoit à chaque peuple de sa tradition particulière pour discerner la vraie religion, qui a été la pre

(1) Ut verè loquamur, superstitio fusa per gentes, oppressit ferè animos, atque hominum imbecillitatem occupavit... Multùm et nobismet ipsis, et nostris profuturi videbamur, si eam funditùs sustulissemus. Nec verò (id enim diligenter intelligi volo) superstitione tollendå religio tollitur. Nam et majorum instituta tueri sacris cœremoniisque retinendis, sapientis est ; et esse præstantem aliquam æternamque naturam, et eam suspiciendam, admirandamque hominum generi, pulchritudo mundi, ordoque rerum cœlestium cogit confiteri. Quamobrem, ut religio propaganda etiam est, sic superstitionis stirpes omnes ejiciendæ : instat enim et urget, quo te cumque verteris, persequitur. Cicer. de Divinatione, lib. II, cap. LXXII.

(2) Plutarque, de la Superst. OEuvres morales, tom. I, fol. 315. Traduct, d'Amyot. Edit. de Vascosan.

mière chez tous les peuples. En remontant à leur origine, ils auroient trouvé le culte saint pratiqué par leurs pères; comme, en remontant de quelques siècles, tous les protestans trouvent des ancêtres catholiques.

Si les Grecs, corrompus par leur philosophie raisonneuse, ne laissèrent pas de conserver, comme la plus sûre règle des croyances, le principe de la tradition, on ne peut pas douter qu'il ne fût encore plus respecté dans l'Orient, où la tradition même avoit pris naissance. L'Ezour-Vedam en fournit la preuve. «< Un >> homme plongé dans les ténèbres de l'idolâtrie y >> rapporte, sous le nom de Biache, les fables les plus » accréditées dans l'Inde, et expose tout le système >> de la théologie populaire de ce pays. Le philosophe » Chumontou rejette cette mythologie comme con>> traire au bon sens, ou parce qu'il ne l'a pas lue » dans les anciens livres (1). »

Il condamne l'idolâtrie presque dans les mêmes termes que Moïse. « Il n'y a que trop de nations qui >> abandonnent le vrai Dieu, pour se former de nou» velles divinités, qui méconnoissent l'Auteur de toutes >> choses et vont prostituer leur encens à des >> hommes pécheurs, tels que Chib, Vichnou (2),» etc. Toujours le même principe : l'antiquité reconnue

(1) L'Ezour-Vedam; Disc. prélimin. par M. de Sainte-Croix, tom. I, pag. 146, 147.

(2) L'Ezour-Vedam, liv. VI, c. III, tom. II, pag. 92. — Immolaverunt dæmoniis: el non Deo, diis quos ignorabant : novi recentesque venerunt, quos non coluerunt patres eorum. Deuteron., XXXII, 17.

[ocr errors]

pour la marque de la vérité, et la nouveauté pour celle de l'erreur. Les Chinois sur ce point, s'accordent avec les Indiens, ou plutôt avec tous les peuples du monde.

« Les sages de l'Orient, dit un historien, étoient >> célèbres par leurs excellentes maximes de morale et >>> leurs sentences qu'ils tenoient de la plus ancienne >> tradition. Cette observation se trouve également >> vraie de tous les anciens sages chez les Perses, les » Babyloniens, les Bactriens, les Indiens et les Égyp>> tiens. Confucius, le plus grand philosophe et le >> plus célèbre moraliste des Chinois, ne prétendoit >> pas avoir tiré de son propre fonds les excellens pré>>ceptes de morale qu'il enseignoit : il reconnoissoit >> en être redevable aux sages de l'antiquité, surtout » au fameux Pung, qui vivoit près de mille ans avant lui, lequel faisoit lui-même profession de suivre la >> doctrine de ses prédécesseurs ; et aux deux célèbres législateurs de la Chine, Tao et Xun', qui, suivant >> la chronologie chinoise, fleurirent plus de quinze >> cents ans avant Confucius. Quand cette chronologie >> ne seroit pas exacte, il s'ensuivroit toujours que la >> morale des sages de la Chine avoit pour origine une >> ancienne tradition qui remontoit jusqu'à des temps >> reculés où les sciences et la philosophie n'avoient >>> pas encore fait de grands progrès (1). »

Kong-Tzée ne voyoit rien au-dessus de la doctrine

(1) Navarelle, Histoire de la Chine. scientia Sinensis latinè exposila, pag. 120.

des anciens, et ne croyoit pas qu'on pût y rien ajouter (1). C'est aussi ce que pensoient les mandarins chargés par l'empereur de juger un prince de sa famille, qui avoit embrassé le christianisme : « Vous prétendez, lui disoient-ils, qu'il y a plus de >> dix-sept cents ans que le Seigneur du ciel a pris >> naissance parmi les hommes pour leur salut; mais >> bien avant ce temps-là, sous le règne de Yao et de » Chun, la loi d'Europe n'existoit pas, et cependant >> le culte du ciel subsistoit le nierez-vous? vous >> seriez le seul. Que prétendez-vous donc, lorsque >> vous vous attachez avec tant d'opiniâtreté à la loi >> des Européens? voudriez-vous dire que la doctrine » de nos anciens sages est fausse, et que celle d'Europe » est la seule véritable (2)? »

:

La vraie religion étoit donc, à leur yeux, la plus ancienne; et ils ne rejetoient le christianisme que parce qu'ils le supposoient sans examen, comme nous le verrons bientôt, une invention des temps postérieurs.

Quelques siècles avant Jésus-Christ, il s'établit dans la Grèce différentes écoles de sophistes, qui, sans avoir égard à la tradition, cherchèrent la vérité par la raison seule, et ne tardèrent pas à ébranler, par cette méthode, toutes les vérités. Plus ils examinoient les hautes questions que la foi décidoit pour

(1) Voyez la Vie de Kong-Tzée et le Ta-Hio, cité dans les Mém. concern. les Chinois, tom. I, pag. 432.

(2) Lettres édif., tom. XX, pag. 132. Toulouse, 1811.

les autres hommes, plus leur esprit se troubloit. Dans leur orgueil, ils s'étonnoient de ne pas trouver en eux-mêmes une science infinie ou une certitude parfaite; ils s'étonnoient de n'être pas Dieu, et d'une curiosité sans bornes sortoit un doute universel. « Outre les sceptiques de profession, dit Leland, et >>> les académiciens, qui l'étoient de fait, plusieurs >> autres philosophes se plaignoient amèrement de la >> foiblesse de l'entendement humain, et de l'incerti>>tude des connoissances qu'il pouvoit acquérir. Sénèque nous donne, dans ses Épîtres, un long catalogue des anciens qui disoient que l'on ne pouvoit >> rien savoir avec certitude (1); et le savant Gataker >> a recueilli plusieurs passages philosophiques relatifs » au même objet (2). Cicéron observe, à la fin du premier livre des Questions académiques, que l'in>> certitude des choses avoit porté Socrate à avouer » de bonne foi son ignorance, ainsi que Démocrite, >> Anaxagore, Empedocle, et presque tous les anciens >> philosophes.... Marc-Antonin observe que les es»sences des choses sont si cachées qu'elles ont paru impénétrables à plusieurs philosophes distingués par leur » génie, qui en ont pris occasion de dire que tout leur » sembloit incertain et incompréhensible. Il ajoute que » les stoïciens conviennent qu'il est très difficile de con» noître quelque chose avec certitude. Tous nos juge

(1) La divine législation de Moïse, vol. II, pag. 17, 18. Édil. in-4°.

(2) Dans ses notes sur Marc-Antonin, pag. 198 et suiv.

« ElőzőTovább »