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comment l'aurois-je été malgré mes propres doutes (1)? >>

Puisqu'il est possible que les œuvres de Jésus-Christ fussent réellement miraculeuses, supposons qu'elles le fussent en effet, mais que les hommes, comme Rousseau le prétend, n'eussent aucun moyen de s'en assurer; et voyons ce qui résultera de cette supposition.

Dans vingt endroits de l'Évangile, Jésus-Christ rappelle aux Juifs, en preuve de sa mission, les prodiges qu'il opéroit. « J'ai un témoignage plus grand » que celui de Jean. Car les œuvres que le Père m'a » donné d'accomplir, les œuvres que je fais, rendent >> témoignage que le Père m'a envoyé (2).

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Un jour qu'il se promenoit dans le temple, sous le portique de Salomon, « les Juifs l'environnèrent, >> disant : Jusqu'à quand nous tenez-vous en suspens? >> Si vous êtes le Christ, dites-le-nous clairement. >> Jésus leur répondit: Je vous parle, et vous ne me >> croyez point: Les œuvres que je fais au nom de mon » Père rendent témoignage de moi; mais vous, vous >> ne croyez point, parce que vous n'êtes pas de mes >> brebis. Si vous ne voulez pas me croire, croyez à >>mes œuvres, et connoissez et croyez que le Père est >> dans moi, et que je suis dans le Père (3). »

(1) Lettres écrites de la Montagne, p. 125.

(2) Ego autem habeo testimonium majus Joanne. Opera enim, quæ dedit mihi Pater ut perficiam ea; ipsa opera, quæ ego facio, testimonium perhibent de me, quia Pater misit me. Joan., V, 35

(3) Et ambulabat Jesus in templo, in porticu Salomonis. Circum

Une autre fois deux disciples de Jean vinrent le trouver, et lui dirent : « Jean Baptiste nous a envoyés »>> vers vous, disant : Êtes-vous celui qui doit venir, >> ou devons-nous en attendre un autre (or, à ce mo>> ment même, il guérit beaucoup de malades de leurs >> langueurs, et de leurs plaies, et il chassa des esprits >> malins, et il rendit la vue à un grand nombre d'a» veugles)? Jésus leur répondit: Allez, et rapportez » à Jean ce que vous avez entendu et vu; que les >> aveugles voient, les boiteux marchent (1), les lé

dederunt ergo eum Judæi, et dicebant ei : Quousquè animam nostram tollis? Si tu es Christus, dic nobis palàm. Respondit eis Jesus: Loquor vobis, et non creditis. Opera quæ ego facio in nomine Patris mei, hæc testimonium perhibent de me: sed vos non creditis, quia non estis ex ovibus meis... Si mihi non vultis credere, operibus credite, ut cognoscatis, et credatis, quia Pater in me est, et ego in Patre. Joan., X, 24, 25 et 26. Vid. et. XIV, 12.

(1) Aucune de ces guérisons merveilleuses ne satisfait entièrement Rousseau. « Tout ce qu'on en pourra dire, c'est qu'elles sont » surprenantes; mais... comment prouverez-vous que ce sont des » miracles? » C'est toujours là son embarras, et il est en vérité bien cruel que Dieu l'y laisse ; car enfin, ajoute-t-il, « il y a pourtant, » je l'avoue, des choses qui m'étonneroient fort, si j'en étois le té» moin ce ne seroit pas tant de voir marcher un boiteux, qu'un » homme qui n'auroit point de jambes... Cela me frapperoit encore » plus que de voir ressusciter un mort » (Lettres écrites de la Montagne, p. 111). Et moi aussi, rien ne me frapperoit autant que de voir un homme marcher sans jambes, si ce n'étoit peut-être de le voir respirer sans poitrine, et me tendre la main sans main.

Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer ici que les miracles ne sont nullement arbitraires en eux-mêmes; car, on ne sauroit trop le répéter, tout est lié, tout est un dans les œuvres de Dieu.

Les miracles de l'Ancien-Testament, même en ce qu'ils ont de propice, appartiennent à une loi de crainte presque tous sont des

» preux sont purifiés, les sourds entendent, les morts » ressuscitent, l'Évangile est annoncé aux pauvres : >> et heureux est celui qui ne sera point scandalisé de >> moi (1). »

Telle est la constante réponse de Jésus, lorsqu'on l'interroge sur ce qu'il est : c'est à ses miracles qu'on doit le reconnoître ; il le répète sans cesse. Si je n'avois pas fait parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites,

châtimens; et quand ce ne sont pas des châtimens, ce sont des figures, comme l'eau qui coule du rocher, et le serpent d'airain.

La justice inexorable, la colère, la terreur, sont partout avart Jésus-Christ. Depuis Jésus-Christ, tous les miracles sont des bienfaits; ils appartiennent à une loi de miséricorde et d'amour.

Aucun miracle n'a de rapport à l'ordre de la création; et si l'on veut y réfléchir, on reconnoitra que les miracles de Jésus-Christ et des apôtres ne sont que l'expression extérieure et sensible de la réparation de la nature humaine. Ils représentent aux yeux les effets de la Rédemption et de la gråce du Médiateur.

Ainsi l'homme intelligent et moral étoit aveugle, et il voit; il étoit sourd, et il entend; il étoit infirme, et il est guéri ; il étoit mort, il revit. Les petits enfans demandoient du pain, et il n'y avoit personne pour le leur rompre (Thren., IV, 4); et le peuple est nourri miraculeusement dans le Désert d'un pain qui figure le pain mystérieux qui est la véritable nourriture de l'homme régénéré.

Rien ne frappe davantage les esprits habitués à la méditation que ces étonnantes analogies, qui ne peuvent être ni l'effet du hasard, ni le résultat des combinaisons de l'homme. La pensée ou l'action d'un être n'est jamais continuée par un autre être, et tout ce qui est perpétuel est divin.

(1) Joannes Baptista misit nos ad te dicens: Tu es qui venturus es, an alium exspectamus (in ipsâ autem horâ multos curavit à languoribus, et plagis, et spiritibus malis, et cæcis multis donavit visum)? Et respondens, dixit illis: Euntes renuntiate Joanni quæ audistis, et vidistis; quia cæci vident, elaudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur : et beatus est quicumque non fuerit scandalizatus in me. Luc., VII, 20— 23. El Matth. XI, 2—8.

ils n'auroient point de péché (1). Ainsi Jésus, doué dit Rousseau, de la plus haute sagesse (2), éclairé de l'esprit de Dieu (3), donne pour une preuve de sa mission ce qui n'est pas une preuve, ce qui ne peut jamais en être une ; il s'abuse sur ses propres actes, ou il abuse le peuple: de sorte qu'il est éclairé de l'esprit de Dieu pour croire des choses absurdes, ou pour tromper les hommes sciemment.

Si l'on ne peut s'assurer qu'un miracle en est réellement un, il s'ensuit encore qu'il est impossible à Dieu de manifester évidemment aux hommes sa puissance dans un fait particulier, qu'il essaieroit vainement de faire reconnoître, à des signes non équivoques, l'Envoyé qu'il chargeroit de leur annoncer les vérités qu'ils doivent croire, la loi qui doit les régir; qu'il n'est pas, dès-lors, en son pouvoir d'empêcher qu'ils s'égarent d'erreur en erreur, à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe (4), ni par conséquent de leur imposer aucune obligation, puisqu'il ne peut leur notifier, d'une manière certaine, aucun commandement.

O Dieu, qui gouvernez tous les êtres par votre raison immuable et votre volonté souveraine; Dieu qui pénétrez tout, qui remplissez tout! une foible créature osera-t-elle donc, dans le sein de votre lu

(1) Si opera non fecissem in eis, quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent. Joan., XV, 24.

(2) Émile, liv. IV, tom. III, p. 42.

(3) Lettres écrites de la Montagne, p. 115. (4) Emile, tom. II, p. 356.

mière, sous votre main toute-puissante, nier qu'il vous soit possible d'éclairer son intelligence, et de vous manifester à ses regards? osera-t-elle fixer des règles à votre sagesse, et des bornes à votre action? osera-t-elle élever entre elle et vous une barrière qu'elle vous défende de passer? faudra-t-il que vos rayons s'arrêtent devant les ténèbres qu'elle aime, et que vous cessiez d'être son maître, son législateur, son Dieu, parce que votre loi lui déplaît, et qu'elle ne veut dépendre que d'elle-même ? Non, non, il n'en sera pas ainsi.

Et toi, créature insensée, qui fuis le salut, qui te retires jusque dans l'ombre de la mort, de peur que la vérité ne t'atteigne, elle t'atteindra cependant; elle forcera ta raison rebelle à lui rendre hommage, ou à s'abjurer elle-même.

Un miracle étant une action divine, ou, selon la définition de Rousseau, un acte immédiat de la puissance de Dieu dans un fait particulier, il y a deux choses dans un miracle: le fait même, et sa nature qui le fait reconnoître pour un acte immédiat de la puissance divine.

Tout le monde convient que le fait miraculeux, ou supposé tel, peut être constaté comme tout autre fait, soit par nos propres sens, soit par le témoignage des hommes. «Un homme sage, dit Rousseau, témoin >> d'un fait inouï, peut attester qu'il a vu ce fait, et >> l'on peut l'en croire (1). » A plus forte raison

(1) Lettres écrites de la Montagne, p. 107,

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