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« Si les apôtres, disoit saint Irénée vers le milieu >> du deuxième siècle, ne nous eussent pas même >> laissé des Écritures, n'auroit-il pas fallu suivre >> l'ordre de la tradition qu'ils ont mise en dépôt dans >>> les mains de ceux à qui ils confièrent les églises? >> Beaucoup de nations barbares, qui ont reçu la foi >> en Jésus-Christ, ont suivi cet ordre, conservant, » sans caractères ni encre, les vérités du salut écrites >> dans leurs cœurs par le Saint-Esprit, gardant avec » soin l'ancienne tradition, et croyant, par Jésus>> Christ, fils de Dieu, en un seul Dieu créateur du » ciel et de la terre, et de tout ce qui y est contenu... >> Ces hommes, qui ont embrassé cette foi sans au»> cune Écriture, sont barbares par rapport à notre >> langage; mais quant à la doctrine, aux coutumes >> et aux mœurs, par rapport à la foi, ils sont parfai>>tement sages et agréables à Dieu, vivant en toute >> justice, chasteté et sagesse. Que si quelqu'un par>> lant leur langue naturelle leur proposoit les dogmes >> inventés par les hérétiques, aussitôt ils boucheroient >>> leurs oreilles et s'enfuiroient bien loin, ne pouvant » pas même se résoudre à écouter un discours plein » de blasphèmes. Ainsi, étant soutenus par cette vieille >> tradition des apôtres, ils ne peuvent pas même ad>> mettre dans leur simple pensée la moindre image de >> ces prodiges d'erreur (1). »

« On voit, observe Fénelon (2), par ces paroles

(1) S. Iren., lib. III, cont. Hæres., cap. IV, n. 1 et 2, p. 178 edit. Massuet.

(2) Lettre sur l'Ecrit.-Sainte: OEuvres, tom. III, p. 385, 386. Edit. de Versailles.

d'un si grand docteur de l'Église, presque contemporain des apôtres, qu'il y avoit de son temps, chez les peuples barbares, des fidèles innombrables qui étoient très spirituels, très parfaits, et riches, comme parle saint Paul, en toute parole et en toute science, quoiqu'ils ne lussent jamais les livres sacrés... La tradition suffisoit à ces fidèles innombrables pour former leur foi et leurs mœurs de la manière la plus parfaite et la plus sublime. L'Église, qui nous donne les Écritures, leur donnoit sans Écritures, par sa parole vivante, toutes les mêmes instructions que nous puisons dans le texte sacré...; et ce que saint Irénée nous apprend de ces fidèles de son temps, saint Augustin nous le répète pour les solitaires du sien (1). »

Cependant il entroit dans les desseins de la Sagesse suprême que la religion eût ses annales, et le genre humain les titres de sa foi, de ses espérances et de ses devoirs. Il falloit qu'au milieu de tant de monumens de l'ignorance, de l'incertitude et de l'erreur, l'immortelle vérité eût aussi son monument; et qu'à cette multitude innombrable de livres tous remplis des pensées de l'homme, un livre fût opposé qui contînt la pensée de Dieu.

L'utilité de l'Écriture est, d'ailleurs, assez évidente (2). Comme la tradition sert à en déterminer le

(1) S. August. de Doctr. christ., lib. I, cap. XXXIX, n. 43; tom. III.

(2) Omnis scriptura divinitùs inspirata, utilis est ad docendum, ad arguendum, ad corripiendum, ad erudiendum in justitiâ: ut perfectus sit homo Dei, ad omne opus bonum instructus. Ep. 11 ad Timoth., III, 16, 17.

vrai sens, elle sert elle-même à prouver l'antiquité de la tradition, elle en fortifie l'autorité; elle montre que la religion, ses dogmes, ses commandemens sont irrévocables; elle contribue à fixer le langage de la foi, et par conséquent la foi elle-même. Beaucoup de circonstances de faits propres à toucher le cœur, à éclairer l'esprit, seroient ignorées sans elle, ou au moins peu connues. Et combien de vérités sublimes, cachées dans ce livre divin sous les expressions les plus simples, se manifestent successivement pour l'instruction de l'homme et de la société! Enfin les derniers temps y trouveront des secours nécessaires, lorsque l'homme de péché viendra, ainsi qu'il est prédit, attaquer le Christ, éprouver ses disciples, et les étonner par des prodiges qui séduiroient, s'il se pouvoit, les élus mêmes (1).

Ce que nous disons suppose que l'Écriture est authentique, qu'elle est vraie, et qu'elle a été inspirée de Dieu. C'est en effet ce qu'ont prouvé les défenseurs du christianisme dans un grand nombre d'ouvrages restés sans réplique (2). Leurs savans travaux nous dispensent de nous étendre sur ce sujet. Il n'est pas une seule objection qu'ils n'aient réfutée, pas un seul point de critique qu'ils n'aient éclairci avec autant de sagacité que d'érudition. Notre plan ne nous permet

(1) Surgent enim pseudochristi, et pseudoprophetæ : et dabunt signa magna, et prodigia, ità ut in errorem inducantur (si fieri potest) etiam electi. Matth., XXIV, 24.

(2) Voyez Bossuet, Pascal, Huet, Bergier, Duvoisin, Fabricy, Jaquelot, Stillingfleet, Faber, Paley, etc.

pas d'entrer dans ces détails, dont nous n'avons d'ailleurs nul besoin pour établir d'une manière inébranlable l'authenticité, la vérité et l'inspiration de nos livres saints.

Un livre est authentique quand le texte n'en est point altéré, ou lorsqu'il a été réellement écrit par l'auteur à qui on l'attribue. Or, évidemment, on ne sauroit s'assurer d'un pareil fait, que par le témoignage. Tout se réduit donc à savoir s'il existe des témoignages suffisans pour qu'on puisse affirmer avec certitude que les livres de Moïse et des prophètes, les Évangiles, les Actes, les Épîtres des apôtres et l'Apocalypse, appartiennent aux auteurs dont ils portent le nom.

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Qu'on l'ait contesté, cela se comprend; car l'homme est libre de tout nier mais il nous semble impossible que personne en ait jamais douté sérieusement. Quelqu'un doute-t-il que les harangues contre Philippe soient de Démosthènes, que le traité des Devoirs soit de Cicéron? et quelle autre preuve en avons-nous, qu'une tradition qui remonte jusqu'aux temps où vivoient ces deux écrivains? Or une tradition non moins constante et beaucoup plus générale atteste l'authenticité de l'Écriture. Ce ne sont pas seulement quelques témoignages épars et consignés dans un petit nombre de livres, qu'on allègue en sa faveur; mais le témoignage perpétuel des sociétés juive et chrétienne. Deux grands peuples élèvent la voix pour déposer sur des faits publics d'où dépend leur existence comme peuples; faits dès-lors aussi

certains que leur existence même. Dira-t-on que, pendant trois mille ans, les Juifs n'ont connu ni leur histoire, ni leurs lois, ni l'auteur de ces lois? Il seroit moins insensé de nier qu'il y ait eu des Juifs. Si Moïse n'est pas leur législateur, si le Pentateuque n'a pas été composé par lui, ou s'il a subi des altérations essentielles, il faut nécessairement supposer une époque où la nation juive oublie soudain à qui elle doit ses institutions, et quelles sont ces institutions, ce qu'elle est et ce qu'elle a été, ses usages religieux et civils, ses coutumes, ses habitudes; il faut supposer que cette nation, perdant tout-à-coup ses souvenirs, ses idées, sa vie morale, tombe tout entière, et au même moment, dans l'idiotisme absolu. Et, pour que rien ne manque à l'absurdité d'une pareille hypothèse, il faut supposer encore que cette même nation, qui n'auroit pu subsister huit jours en cet état au-dessous de la démence, recouvre, aussi promptement qu'elle les avoit perdus, le sens et la mémoire, pour vivre sous de nouvelles lois qu'elle croit anciennes, et pour conserver à jamais, avec une vénération profonde, une fausse tradition qu'elle croit vraie. Nous défions qu'on attaque l'authenticité du Pentateuque, sans être forcé de soutenir ces prodigieuses extravagances; et si, effrayé de cet excès de folie, on avoue que le Pentateuque est authentique, on est contraint d'étendre cet aveu à tous les livres de l'Ancien-Testament, qui ne forment avec le Pentateuque qu'un seul corps indissoluble d'histoire, de lois, et de doctrines. L'authenticité des Évangiles, des Actes des apôtres,

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