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eiment, parmi cette population croissante d'écri vains sans études et sans pensée, acharnés à détruire ce qui s'élève par ses propres forces, de la même main qui chaque jour édifie des réputations fantastiques.

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Eh bien sachons accepter les conditions nouvelles de la vie intellectuelle, telles qu'elles sont, sans illusions et sans découragement. Chacun de nous n'aura plus à compter que sur lui-même. Soit qu'il ne compte que sur lui, qu'il renonce à l'appui extérieur qu'il pouvait trouver pour le développement de son talent ou de ses idées dans ces grandes autoritées disparues. Qu'il s'habitue à vivre au milieu de la lutte et sans autre force que celle qu'il tirera de ses convictions personnelles. C'est une de ces situations, comme il y en a beaucoup dans l'histoire, amenées par de regrettables circonstances, et dont il est possible de tirer parti pour son perfectionnement et son progrès. Et si nous avons besoin absolument d'un appui extérieur à notre faiblesse, si nous ne nous sentons pas assez fortement trempés pour affronter seuls les grandes luttes philosophiques et les épreuves suprêmes que le siècle tient en réserve, ne de mandons ce secours et cet appui qu'au public lui même, au grand public. Travaillons sous son regard et n'aspirons qu'à ses récompenses. Cher chons notre succès dans cette opinion générale qui

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n'est, à vrai dire, que la raison d'un temps et d'un pays. Elle peut être plus ou moins longtemps égarée, fascinée, séduite; elle peut tomber dans des piéges indignes d'elle et subir des prestiges funestes; elle a ses troubles momentanés et ses obscurcissements, ses défaillances et ses langueurs. Nous l'avons vue passer par de singulières alternatives d'inertie et de violence, paresseuse et fantasque, faisant aujourd'hui à certains écrivains ou à certaines idées des succès dont elle rougira demain, inexplicable pour elle-même, s'agitant par brusques secousses, au lieu d'avancer droit devant elle. Et malgré tout n'en désespérons pas. Il se peut déjà qu'une partie de l'histoire intellectuelle que je viens de mettre sous les yeux de mes lecteurs soit en train de devenir de l'histoire ancienne. A certains symptômes vagues encore, on dirait qu'il y a comme un effort du goût public pour se réveiller de sa longue torpeur. Ces étranges défaillances ne peuvent pas durer. L'espoir nous vient de ce même côté d'où les alarmes sont venues à beaucoup d'honnêtes gens, du côté des luttes philosophiques et religieuses. Il y a vers ce point de l'horizon de tels combats en perspective que l'opinion devra forcément s'y intéresser, et finira par y prendre parti. Peut-être aussi le réveil de la vie politique, que tout nous fait pressentir, aura pour résultat d'assainir l'atmosphère in

tellectuelle en substituant aux curiosités malsaines de nobles ambitions, en excitant dans les esprits des ardeurs et des passions qu'ils ne connaissaient plus. Ce qui est à craindre, ce n'est pas le mouvement, même en sens contraires, c'est la léthargie. Le grand mal n'est pas la lutte, c'est l'indifférence. Quant à moi, je veux espérer et j'espère. Une fois revenue de cette crise, l'opinion finira par se reconnaître elle-même, se démêler de ses incertitudes et nous donner raison, si vraiment nous avons pour nous la raison. En tout cas, elle saura reconnaître de quel côté auront été, dans le grand combat du siècle, la science sincère et la probité intellectuelle. Elle sera sans pitié pour ceux qui l'auront trompée, pour ceux qui lui auront manqué de respect en lui présentant les illusions du talent sans travail et les prestiges de la fausse science. Elle honorera, de quelque côté qu'ils viennent, ceux qui ne l'auront jamais entretenue, au milieu même des railleries, que de nobles et sérieuses pensées, d'art et de vérité, ceux enfin qui, dans cette atmosphère glaciale de l'indifférence publique, auront su garder au fond de leur âme la flamme pure des idées.

FIN.

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