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eut le même effet sur un grand nombre de soldats. Le docteur Dietrich cite divers faits analogues, nés d'une impulsion presque mécanique, qui se manifeste chez les marins et qu'il nomme the horrors.

Le mal se déclare, dit-il, généralement dans la saison d'hiver, lorsque, après une longue et pénible traversée, les marins, ayant mis pied à terre, se placent sans précaution autour d'un foyer ardent, et se livrent, suivant l'usage, aux excès de tout genre. C'est à leur rentrée à bord que se déclarent les symptômes du terrible mal. Ceux que l'affection atteint sont poussés par une puissance irrésistible à se jeter dans la mer, soit que le vertige les saisisse au milieu de leurs travaux, au sommet des mâts, soit qu'il survienne durant le sommeil, dont les malades sortent violemment en proférant un hurlement affreux. »

Je range dans les causes mixtes la folie, le délire, l'imitation contagieuse, la faiblesse de caractère, l'exaltation, l'hypocondrie, et cette espèce particulière de mélancolie qui tient autant du tempérament que de l'inertie morale.

Vouloir soutenir, comme on l'a fait, que tout suicide est un acte de folie, c'est aller évidemment contre le sens commun et contre la science. Il n'en est pas moins incontestable que la proportion des suicides causés par la folie est considérable. Sur les 4595 cas observés par M. de Boismont, il en a

noté 652 qui rentrent dans cette catégorie. Les causes de la folie sont multipliées à l'infini: ce sont des monomanies diverses, ce sont des craintes chimériques, c'est la peur de la police à la suite d'un crime réel ou imaginaire, ce sont des chagrins ou des maladies, ce sont encore des hallucinations et des terreurs superstitieuses. Une des formes les plus extraordinaires de la folie-suicide, c'est l'imitation contagieuse. Les exemples que nous cite M. de Boismont sont vraiment extraordinaires. Une femme qui avait l'idée de se tuer, apprend qu'une de ses amies vient de mettre fin à ses jours; elle se donne aussitôt la mort de la même manière. Quelquefois cette influence ne se fait sentir qu'au bout d'un laps de temps considérable. Une femme, en entrant dans sa chambre, trouve son mari pendu; elle reste anéantie; revenue à elle, son caractère change; elle devient morose et mélancolique: elle parle toujours de mourir, mais ce n'est que douze ans après qu'elle met son projet à exécution, en se pendant à son tour. L'influence de l'imitation se manifeste encore à l'occasion de quelque événement extraordinaire ou qui a eu certain retentissement; c'est ainsi qu'un suicide accompli par des malheureux qui se sont jetés du haut des tours de Notre-Dame, de la colonne Vendôme, de l'arc de triomphe de l'Étoile, a été plusieurs fois immédiatement suivi de

suicides semblables. Il y a un fait curieux à noter, c'est l'impression que produisent des récits de ce genre sur certaines personnes. On en voit qui avouent ou qui laissent deviner, à un frisson, à un regard, que, placées dans les mêmes circonstances, leur vie n'aurait tenu qu'à un fil. L'habitude de parler d'un sujet lugubre, devant des enfants toujours faciles à émouvoir, suffit pour exercer une action contagieuse sur leurs jeunes imaginations. L'imitation, dans le suicide, affecte, en général, la plus bizarre fidélité dans la reproduction de l'acte. Cette fidélité ne s'étend pas seulement au choix des mêmes moyens, mais souvent au choix du même lieu, et à la plus minutieuse représentation de la première scène. Sous l'Empire, un soldat se tue dans une guérite; plusieurs soldats successivement choisissent cette guérite pour se tuer. On brûle la guérite et tout est dit. Du temps du gouverneur Serrurier, un invalide se pend à une porte; dans l'espace d'une quinzaine de jours, douze invalides se pendent à la même porte; le gouverneur la fait murer; la porte disparue, personne ne se pend plus.

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La peur joue un rôle considérable dans la production de la folie-suicide. M. de Boismont a noté soixante-neuf cas qui rentrent dans cette classe. Ce sont des malheureux qui se croient trahis, dénoncés, en butte aux persécutions de leurs enne

mis. Beaucoup se croient l'objet des poursuites de la police. Esquirol nous fait observer que, de nos jours, cette monomanie de la police a remplacé la peur du démon. Les suicides dus à des hallucinations ne sont pas rares. Un homme se voit sans cesse au milieu d'une scène d'incendie et de carnage; un autre s'imagine être poursuivi par des spectres; d'autres prétendent voir autour d'eux des figures menaçantes; ils se donnent la mort parce qu'on ne cesse de leur dire des injures ou de tenir sur leur compte des propos infâmes, qu'eux seuls entendent. Un halluciné se tue en s'écriant: « Il ne me reste que peu d'argent; depuis deux mois je vis aux dépens de ma sœur; mais ce qui me détermine à en finir, c'est d'avoir entendu dire dans la rue : voici celui qui s'est coupé la gorge. »

Souvent, la folie se produit sous la forme de délire aigu ou de fièvre chaude, et alors elle rentre dans les causes physiologiques. Nous plaçons parmi les causes mixtes la faiblesse et l'exaltation du caractère, parce que nous croyons fermement qu'il n'y a pas là une pure altération des organes, mais en même temps une sorte d'inertie morale ou d'excitation passionnée sur lesquelles la volonté bien dirigée aurait eu toutes ses prises. Le caractère dépend, sans doute, en une certaine mesure, du tempérament, mais il relève aussi de la liberté. On ne se fait pas le caractère que l'on veut; mais on

peut le modifier, le fortifier par une application soutenue, et sans nier la part d'un certain fatalisme physiologique dans les dispositions innées des individus, on ne saurait contester les influences décisives de l'effort volontaire sur ces natures molles ou déréglées. Sauf des cas trèsrares, il faut garder la place de la responsabilité, au moins à l'origine de ces déviations morales. Il n'y a peut-être eu qu'une époque, dans la vie de certains hommes, où ils aient été vraiment responsables. Mais presque toujours, il y a eu cette heure dans leur vie, et s'ils ont lâchement transigé avec les emportements ou les abattements déraisonnables d'un caractère mobile ou inerte, ils doivent, en une certaine mesure, porter la peine de cette faiblesse. Ils ont été, en partie, les artisans de leur propre infortune; ce malheur même est plus qu'un malheur, c'est presque toujours un châ- | timent. Cela ne diminue pas la pitié que nous inspirent ces infortunés, dont le caractère semble n'avoir pas de contre-poids et qui ne peuvent supporter le moindre obstacle. Beaucoup d'entre eux, dit M. de Boismont, pleurent, rient pour les motifs les plus futiles. Un de ces malheureux est nommé contre-maître dans une fabrique importante il s'imagine qu'il n'a pas les capacités pour remplir son emploi, et qu'il perdra sa place; il ne peut supporter cette idée et se pend. Un autre met fin à

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