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envieuse et défiante, par la vraie science qui répand le calme dans les âmes. Et en favorisant de tout notre pouvoir l'initiation intellectuelle du peuple, n'oublions pas que ce serait lui rendre le plus détestable service, si nous ne nous efforcions en même temps de fortifier en lui toutes les nobles croyances et les saines convictions. Aimons le peuple, éclairons-le, mais si nous l'aimons vraiment, ne le flattons pas. Soyons ses amis, non ses courtisans, et ne lui ménageons pas les vérités sévères.

Les centres considérables, où s'accumule la vie humaine, exercent une grande action sur le développement du suicide. C'est à Paris que se trouve le maximum des morts volontaires, et l'influence de Paris rayonne sur les départements voisins. Un autre fait, qui du reste se rapproche beaucoup de celui que nous venons d'énoncer, c'est que l'élévation ou l'abaissement du chiffre dans tous les départements est en rapport direct avec la force relative des populations urbaines. La conclusion qu'il en faut tirer, c'est que là où la vie est plus active, la tentation de la mort est plus fré quente. Les rivalités d'amour-propre, la concur rence, l'exaltation des idées, l'impatience du bienêtre, les ardeurs du désir, toutes les amorces de la volupté facile et de la débauche, voilà ce qui fait le péril des grandes villes pour les imagina

tions vives ou les âmes faibles. Transportez à Paris un paysan du fond des Landes ou de la Bretagne, et vous verrez, si c'est une âme facile à s'émouvoir, comme la fièvre des désirs s'allumera vite en lui! Or, qu'on ne l'oublie pas, dans tout désir il y a un germe de passion, dans toute passion une semence de mort. Presque toujours il arrive que le suicide naît d'une passion vive, irritée par un obstacle.

J'ai indiqué quelques faits généralisés qui mettent en lumière certaines influences, comme celles du sexe, de l'âge, du célibat, de la demi-instruction sans contre-poids, sans correctif. Enfin, j'ai marqué l'action dangereuse qu'exercent les grands centres de population, où la vie humaine, multipliée dans un étroit espace, court le risque de s'exciter à l'excès, au grand préjudice de la raison et de la moralité publiques. Il faut maintenant descendre dans l'analyse détaillée des causes particulières. Nous n'adopterons pas exactement la division que M. de Boismont a suivie et qui répartit ces causes en deux groupes les causes prédisposantes et les causes déterminantes. Il nous a semblé qu'il y avait beaucoup de vague et de confusion dans cette classification très-artificielle. Sans prétendre au mérite d'une division irréprochable, je veux en proposer une qui soit plus claire; elle se réduit à répartir les causes du suicide en trois grou

pes les causes psychologiques, où l'organisme joue le principal rôle, les causes mixtes, où se rencontre la double influence de l'âme et du corps, les causes morales qui tiennent essentiellement aux passions.

Dans le premier groupe, je prendrai tout spécialement l'hérédité et les influences climatériques.

Rien n'est triste comme cette transmission héréditaire dont les exemples abondent. On frémit en voyant ainsi des familles entières exposées ou succombant à cette tentation du suicide. Les preuves sont là, malheureusement, ne permettant pas le doute sur l'existence de cette loi douloureuse, qui non-seulement multiplie la mort volontaire, mais qui souvent répète le genre de mort, à travers de longs intervalles, dans la filière des générations. Cette page, où M. de Boismont accumule les autorités les plus décisives, nous a paru caractéristique, et nous la citons en l'abrégeant: Esquirol énumère de nombreux exemples de membres de la même famille, se tuant ou devenant aliénés. Gall a connu une famille dont la grand'mère, la sœur, la mère, se sont suicidées; la fille de cette dernière a été sur le point de se tuer et le fils s'est pendu. Falret parle d'une famille composée de six enfants, nés d'un père atrabilaire et morose: l'aîné, à quarante ans, se précipite, sans motifs, d'un troi

sième étage; le second a des peines et s'étrangle, à trente-cinq ans; le troisième se jette d'une fenêtre en essayant de voler dans l'air; le quatrième se tire un coup de pistolet; un des cousins s'était jeté dans la rivière pour une cause futile. M. Moreau cite un jeune homme qui était affecté de penchant au suicide; son père et son oncle s'étaient tués. Un frère, qui venait lui rendre visite à Charenton, était désespéré des idées horribles qui le tourmentaient lui-même, et ne pouvait se défendre de la conviction qu'il finirait par succomber. Mais il est difficile de rencontrer un fait présentant une plus triste combinaison de cas semblables et de suicides que le suivant, rapporté par Cazauvieilh: « D fils et neveu de parents suicidés, prend une femme, fille et nièce de parents suicidés; il se pend, et sa femme épouse, en secondes noces, un mari dont la mère, la tante et le cousin germain se sont tués.» Nous trouvons, dans un des curieux tableaux qui accompagnent le travail de Cazauvieilh, des exemples où la répétition héréditaire arrive, non pas seulement à la reproduction de l'acte, mais souvent, après de très-longues années d'intervalle, à la copie la plus exacte du genre de mort. Le n° 2 se noie en 1804, son neveu se noie en 1824;

Le n° 9 se pend en 1807, son neveu se pend en 1823;

Le n° 24 s'est pendu en 1817, son grand-oncle s'était pendu en 1803;

Le n° 29 s'est pendu en 1817, sa fille se pend en 1820;

Le n° 30 s'est pendu en 1817, sa sœur en 182!, son aïeule en 1802;

Le n° 61 s'est pendu en 1827, son grand-père en 1799; son frère et sa sœur ont tous deux essayé de se tuer.

Ne croit-on pas, en lisant cette liste effroyable, qu'on fait un mauvais rêve ou bien qu'on lit un conte d'Hoffmann, dans lequel les personnages seraient devenus des numéros? Mais le fantastique de la plus sombre imagination n'approchera jamais d'une pareille réalité. Il y a au fond de cette pauvre nature humaine des mystères de douleur devant lesquels la raison reste consternée.

Le climat prédispose au suicide. On a remarqué depuis longtemps que le spleen naît de préférence et se nourrit dans les brouillards britanniques. Mais ce n'est là qu'une prédisposition générale, et il y a des cas où certaines influences météorologiques déterminent des morts presque immédiates. Les extrêmes de température y contribuent pour une forte part. On nous rappelle que, pendant l'expédition d'Égypte, l'élévation de la température donna lieu à un certain nombre de suicides, et que l'intensité du froid, lors de la retraite de Moscou,

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