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la révolution française ne sera qu'une idylle. Et l'heure sonnera. Les peuples se grouperont comme sur les gradins d'un amphithéâtre autour de l'Allemagne, pour voir de grands et terribles jeux. Et alors, Français, mes amis, c'est Henri Heine qui vous le conseille, tenez-vous fort tranquilles, soyez sur vos gardes, et ne vous mêlez pas de l'affaire qu'on fera là-bas, en Allemagne; il pourrait vous en arriver mal!

C'est là le ton de la discussion politique et philosophique chez H. Heine une exagération violente d'idées, un lyrisme effréné, mêlé de trivialités hardies, un style excessif et bruyant, cachant mal sous le tumulte des mots l'absence des convictions, une ironie outrecuidante qui se complaît à jeter l'épouvante dans les âmes, en prenant à partie les plus hautes puissances de la terre et du ciel. D'ailleurs, un esprit étincelant, une verve inépuisable, le génie de l'humour, mais de l'humour avec préméditation. A force d'audace, Heine secoue l'âme la plus léthargique; il a des coups de style tellement inattendus, qu'il agite et passionne le lecteur, l'irritant par ses insolences métaphysiques et, l'instant d'après, le désarmant par la plus singulière des plaisanteries. Par intervalles, à travers ces jeux d'une raison délirante et d'une imagination exaspérée, brille un trait im

prévu de bon sens, comme un éclair illuminant une orgie nocturne.

Nous ne nous donnerons pas le ridicule de réfuter les diatribes dans lesquelles s'exhalait il y a vingt ans le panthéisme sensuel d'Henri Heine. Il n'attacherait guère plus d'importance que nous au fond même de ses idées; il les a presque entièrement désavouées dans l'Avant-propos de cette nouvelle édition et dans le fameux morceau qui a fait tant de bruit quand il parut les Aveux d'un poëte. 11 s'est chargé de sa propre critique, et il l'a faite consciencieusement, autant du moins qu'il peut faire quelque chose, c'est-à-dire en mêlant les plus amusantes bouffonneries à quelques idées sérieuses. Il nous avoue avec une sincérité du plus haut comique les motifs qui l'ont insensiblement détaché des saints-simoniens et autres apôtres de la réhabilitation de la chair. En ce temps-là il voyait en eux le parti le plus avancé de l'émancipation humaine, qui venait d'être terrassé par les gendarmes de la vieille société. Il s'intéressait à eux comme on s'intéresse à des vaincus, et il avait pour eux la sympathie d'une âme généreuse pour le martyre. Il ne craignait même pas, dit-il, de s'exposer au ridicule dont leur bonne cause était quelque peu entachée. Mais les choses ont bien changé les martyrs d'autrefois ne portent plus la croix, si ce n'est par hasard la croix de la

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Légion d'honneur; ils ne parcourent plus nu-pieds les déserts de l'Arabie pour y chercher la femme libre; ces émancipateurs des liens conjugaux, à leur retour de l'Orient, se sont mariés; ils sont devenus les épouseurs les plus intrépides de l'Occident, et ils ont des bottes. La plupart de ces martyrs sont à présent dans la prospérité; plusieurs d'entre eux sont néo-millionnaires; on va vite avec les chemins de fer. Aussi l'enthousiasme d'Henri Heine pour ces grands prédicateurs persécutés de la chair glorifiée et de la femme libre a-t-il baissé sensiblement. Il a vu, à n'en pas douter, que ces illustres ennemis de la civilisation n'étaient ses ennemis qu'autant qu'ils n'y trouvaient pas leur place; ce qui est de nature à dessiller bien des yeux, même plus candides que ceux d'Heine. Il nous laisse donc entendre, dans son avant-propos, qu'il ne faut pas prendre trop au sérieux le ton agressif et les crâneries de ses Études sur l'Allemagne. Il est bien revenu, s'il faut l'en croire, de ses glorieuses illusions sur cette triste et pauvre déesse, l'Humanité.

Mais, il y a vingt ans, c'était la jeunesse emportée, intempérante, superbe de hardiesse injurieuse et de provocations turbulentes. On a reproduit devant nos yeux l'image de cette jeunesse philosophique; il faut bien en donner une idée.

Les études qui forment le premier volume de

*l'Allemagne sont une protestation contre le demisavoir et l'interprélation erronée de l'esprit allemand que le livre de Mme de Staël a propagés en France. M. Heine vient redresser les idées et rétablir les choses dans leur vrai jour.

La véritable origine de la philosophie allemande date de la Réforme. C'est Luther qui, en affranchissant la religion, a créé la pensée libre, mère du monde moderne. La religion elle-même change de caractère et presque de nature. Il faut vous apprendre ce que vous ignorez sans doute, c'est que l'Église romaine n'était au fond que le vieux spiritualisme indien gnostique; c'était le bouddhisme de l'Occident. La réforme de Luther donna naissance au spiritualisme judaïco-déiste, qui reçut, sous le nom de foi évangélique, un développement conforme aux temps et aux lieux. La chair reprend ses droits naturels; le prêtre redevient homme, prenant femme et montrant au grand jour ses enfants. D'un autre côté, Dieu redevient un célibataire céleste; les saints sont médiatisés, on coupe les ailes aux anges; la mère de Dieu est découronnée, les miracles cessent, les sciences naturelles font des progrès, un monde nouveau vient de naître; c'est le monde moderne. Tout cela est l'œuvre de Martin Luther, auquel Heine rend les plus grands honneurs. Le réformateur crée l'ère des siècles nouveaux par la liberté

de penser; il crée aussi la littérature nationale en lui donnant une langue, expression de cette littérature qui vient de naître. La révolution philosophique va suivre de près la grande révolution religieuse. C'est à grands coups de pinceau que Heine nous retrace ces événements d'idée qui changent l'Allemagne et qui plus tard, s'il faut l'en croire, par l'influence de l'Allemagne changeront l'univers.

Nous arrivons à la seconde période de la pensée allemande. C'est déjà l'avénement du panthéisme avec la doctrine de Spinoza dans laquelle l'Allemagne va se reconnaître, qu'elle va adopter avec entraînement et qui contient en germe Kant, Schelling, Hegel. Ici se révèlent en toute liberté les prédilections d'Henri Heine et ses espérances pour l'avenir, dans un vif parallèle entre le déisme et le panthéisme. Le dieu des panthéistes se distingue de celui des déistes en ce qu'il est le monde même, pendant que celui-ci est dans le monde ou, ce qui revient au même, au-dessus du monde. Le dieu des déistes gouverne le monde du haut en bas, comme un établissement séparé de chez lui; ce n'est que sur le mode de ce gouvernement que les déistes se divisent entre eux. Les Hébreux se représentent Dieu comme un tyran armé d'un tonnerre; les chrétiens comme un père rempli d'amour, les élèves de Rousseau et

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