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d'oscillation à laquelle M. de Feuchtersleben attache une si grande importance et qui nous enjoint d'établir en nous l'équilibre nécessaire entre tous les mouvements et les sentiments contraires, le travail et le repos, la joie et la douleur, l'austère raison et une douce folie. Comme le peintre sait opposer et combiner ses couleurs, le sage doit réaliser dans son âme l'harmonie des contrastes. Le sage est un grand artiste, son œuvre d'art est son âme.

Tel est ce livre, auquel nous avons fidèlement emprunté la matière et les éléments de cette étude, mais sans nous astreindre à l'ordre dans lequel l'auteur les distribue, et en butinant en pleine liberté à travers ses pensées éparses. OEuvre d'un mince volume, mais d'une grande portée. On y recueille comme un parfum pénétrant de haute morale qui se répand dans chaque page, dans chaque ligne. La foi dans la spiritualité est l'inspiration même et l'unité vivante de ce livre. Cette confiance dans l'autorité de l'esprit, cette fière affirmation des merveilleux effets que l'intelligence peut tirer de l'organisme éclairé et transformé par elle, l'idée même de cette science et les développements féconds que l'auteur nous donne de son principe, tout cela n'est-ce pas une démonstration implicite plus persuasive que tous les arguments de l'école? Mais ce qui fait l'origi

nalité de ce précieux petit livre, c'est l'abondance des impressions morales qu'il dépose dans l'âme de ses lecteurs. Je ne sache pas de moraliste contemporain qui nous excite plus vivement aux nobles et grandes obligations de l'existence, à la tâche de vivre, au rude métier d'homme; qui nous recommande par des raisons plus convaincantes, plus humaines, l'activité généreuse du corps et de l'esprit, le dévouement, l'exercice assidu de la pensée et de la liberté, la foi en soi-même, l'amour des autres; qui ait fait mieux ressortir ce grand devoir, être vrai dans sa conscience et dans sa vie, en même temps que ce grand bonheur, se sentir utile aux autres; qui nous convie enfin à un plus large et plus salutaire développement de toutes nos forces intellectuelles et morales. Il y a dans cette âme de médecin allemand l'élévation morale et la tendresse du génie d'un Channing. Et surtout qu'on n'aille pas croire, sur la foi de sa profession et du titre de son livre, que la morale y soit subordonnée à l'hygiène dont elle ne serait à ses yeux qu'un moyen et comme un procédé pratique. Ce serait bien mal comprendre la signification de ce livre et le sentiment de son auteur. Ce sentiment, c'est que la santé du corps n'a d'importance que comme signe et symptôme de la santé de l'âme, que l'harmonie des fonctions ne doit nous intéresser qu'en tant qu'elle nous révèle l'harmonie des

sentiments et des idées. L'hygiène morale, telle qu'il la conçoit, est tout un grand art, l'art d'embellir la vie, de l'ennoblir, plus encore que de la prolonger. A ce dernier point de vue, quelques objections seraient possibles. Ce n'est peut-être pas une si mauvaise recette pour vivre longtemps, que l'égoïsme qui supprime dans la vie les affections, cette prudente économie du cœur qui supprime les passions, cette application incessante à ménager la sensibilité et à calculer les doses de la vie. D'illustres égoïstes, Cornaro, Fontenelle et bien d'autres, sont d'assez beaux exemples de la longévité acquise à ce prix, d'après un code qui n'est pas précisément celui de notre auteur. Mais quand cela serait, quand bien même les sages préceptes de M. de Feuchtersleben ne pourraient nous donner l'assurance de prolonger notre vie d'un seul jour, qu'importe? On sent, à un demi-sourire socratique qui perce à travers les promesses du bon docteur, qu'il s'en consolerait facilement, et sa figure doucement railleuse semble nous dire : « Je n'ajoute peut-être pas une heure à votre vie; mais si je vous ai inspiré un bon sentiment, de quoi vous plaignez-vous? »

TROISIÈME ÉTUDE.

LA DIRECTION DES AMES

AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Je viens de faire une lecture qui m'a jeté tout d'un coup dans un autre siècle et dans un autre monde que celui où nous vivons, dans une sphère d'idées et de sentiments si différente que le récit de cette excursion morale pourra n'être pas sans intérêt, au moins par contraste avec notre existence moderne si affairée, si répandue en surface, toute en dehors.

Cette littérature de Lettres spirituelles1 demande pour être goûtée des saisons et des jours propices. Elle ne supporte guère la vie de Paris. Elle veut des conditions toutes particulières de solitude et de silence, une sorte de climat moral qui porte au

1. A propos de la Bibliothèque spirituelle, publiée par M. de Sacy, de l'Académie française.

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