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pressent; le monde tout entier pèse sur lui, mais rien n'est plus fort que son caractère. Les êtres de la nature n'étant que des forces manifestées, le tout de l'homme c'est l'énergie avec laquelle il se manifeste. Si cette énergie ne s'éveille pas en lui spontanément, il faut que, par une secousse violente, il se place dans un état où il soit forcé de vouloir.

Comme il modifie les forces extérieures, il modifie son propre organisme, il le plie à son désir, à sa passion, aux caprices de son imagination, il le domine, quand il veut fortement. Une puissante volonté a je ne sais quel pouvoir, au moins indirect, même sur la vie et sur la mort. Barthez va jusqu'à dire qu'un grand désir de voir avant de mourir une personne chérie peut prolonger l'agonie. Voici un fait qui prouve qu'il n'y a presque pas de limites assignables à l'action de l'âme sur le corps. Le docteur Cheyne nous assure que le colonel Townsend pouvait se donner toutes les apparences de la mort. Il se couchait sur le dos et ne bougeait plus. Un jour le docteur Cheyne lui prit la main il sentit le pouls baisser peu à peu; il lui mit une glace devant la bouche: aucun souffle ne ternit le verre. Le médecin effrayé crut que la plaisanterie s'était changée en une triste réalité; mais, au bout d'une demi-heure, le mouvement reparut, le pouls et les battements du cœur devin

rent sensibles, et le colonel reprit la parole. Il y a donc des hommes chez lesquels le cœur lui-même, ce muscle non soumis à la volonté, devient un organe volontaire. On a vu, en Amérique, des sauvages qui, lorsqu'ils pensent avoir accompli leur tâche ici-bas, fussent-ils même à la fleur de l'âge, se couchent, ferment les yeux, prennent la résolution de mourir, et meurent en effet. La puissance de la volonté, exercée et dirigée par un constant effort, ne paraît pas être moindre sur certains états qui, par leur origine, se rattachent au système nerveux. On a souvent parlé de l'action très-remarquable qu'exerce un fort vouloir sur les phénomènes de la vision. L'auteur du livre raconte qu'il parvint, par un énergique effort, à se débarrasser des mouches volantes qui troublaient sa vue. N'est-ce pas aussi par une tension énergique de la volonté que s'explique le trait fameux de ce stoïcien qui, cherchant à démontrer, en présence de Pompée, cette proposition que la douleur n'est pas un mal, joignit l'exemple à la leçon en triomphant sur lui-même d'une violente attaque de goutte? C'est Cicéron qui rapporte ce trait, et il n'y a rien là de plus merveilleux que dans les mille exemples dont abonde ce livre.

Mais c'est surtout par l'intermédiaire de l'imagination que l'âme a prise sur le corps. Qui ne sait quelle prodigieuse puissance a cette faculté de

porter dans l'organisme les troubles les plus profonds? Et de là nous devons conclure que l'imagination étant si féconde pour l'homme en maux de toute sorte, elle ne doit pas être inefficace pour son bien. Si pour me croire malade je le deviens réellement, ne puis-je aussi conserver ma santé par une ferme persuasion que je me porte bien? On n'en finirait pas d'énumérer les effets merveilleux que produisent, pour la guérison de certaines maladies, la confiance, l'espoir, la sympathie, la musique, les rêves mêmes. Un malade demande certaines pilules que le médecin lui refuse. Il insiste; le médecin fait semblant de céder et lui administre des pilules de mie de pain dorées. Le lendemain joie et remercîments du malade; les pilules ont eu l'effet désiré. Pour être produit par l'imagination, ajoute M. de Feuchtersleben, cet effet en était-il moins réel? Notez bien que l'excellent docteur rapporte cela très-sérieusement, sans aucune intention de méchante épigramme contre les homœopathes.- Un médecin anglais donnait ses soins à un homme atteint depuis longtemps d'une paralysie de la langue, et que nul traitement n'avait pu guérir. Il voulut essayer sur ce malade un instrument de son invention, dont il se promettait un excellent résultat. Avant de procéder à l'opération il lui introduit dans la bouche un thermomètre de poche. Le malade s'imagine que c'est là l'instru

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ment sauveur. Au bout de quelques minutes, il s'écrie plein de joie et s'empresse de prouver qu'il peut remuer librement la langue. La passion produit souvent des effets analogues. Les histoires anciennes parlent de ce fils de Crésus, muet de naissance, qui, voyant le glaive levé sur la tête de son père, retrouve tout à coup la voix et s'écrie : « Soldat! épargne mon père! On se rappelle aussi l'anecdote du chasseur muet qui, se croyant ensorcelé par une femme, la rencontre, entre, à sa vue, dans un violent accès de colère et recouvre soudain la parole. Les vives émotions agissent en certains cas, avec une force extraordinaire, sur l'organisme malade. Boerhaave, dans la maison des pauvres de Harlem, guérissait l'épilepsie par la peur.

Voilà quelques-unes des prises que l'âme a sur le corps, soit par un acte énergique de la volonté, soit par quelque secousse de la sensibilité. Comme le remarque judicieusement M. de Feuchtersleben, ce qui a la vertu de guérir des organes malades ne doit-il pas avoir plus d'efficacité encore pour conserver des organes sains? Et ne peut-on pas conclure avec lui de ces faits et de mille autres que l'on pourrait citer, que des forces, dont on ne soupçonnerait pas l'existence, sommeillent dans l'organisation merveilleuse de l'homme? Une volonté de fer peut les révéler d'une façon éclatante.

Mais la volonté même d'un homme ordinaire, par un effort persévérant, ne peut-elle pas s'emparer de sa sensibilité flottante, de son imagination mobile, d'abord pour ravir ces puissances au dangereux empire de l'inconnu et du hasard, puis pour les appliquer à la bonne direction des forces secrètes de l'organisme, sous l'autorité de la raison? En tout cela pourtant, il y a un point qui ne saurait être dépassé sans péril et au delà duquel il serait téméraire de conclure, malgré quelques cas singuliers, trop légèrement recueillis peut-être et d'ailleurs trop rares pour justifier des assertions si hardies. Nous ne croyons pas nous tromper en jugeant que ce point délicat, au delà duquel une raisonnable induction ne peut s'étendre, a été plus d'une fois dépassé par le docteur allemand. Il faut laisser ces exagérations aux poëtes. Un exemple va éclaircir ma pensée. Goethe est dans le vrai quand il nous raconte que dans une fièvre putride épidémique qui exerçait autour de lui ses ravages, exposé à une contagion inévitable, il parvint à s'y soustraire par la seule action d'une volonté ferme, et quand il ajoute en commentant ce fait : « on ne saurait croire combien la volonté a de puissance en pareil cas; elle se répand, pour ainsi parler, dans tout le corps, et le met dans un état d'activité qui repousse toutes les influences nuisibles. La crainte est un état de fai

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