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sible, le mal lui-même. « Je veux, nous dit-il, par une alliance, qui peut paraître singulière, de la morale et de l'hygiène, étudier au point de vue pratique l'influence de l'âme sur le corps humain. L'homme a vraiment le pouvoir d'établir l'équilibre dans son âme. C'est là le fondement de toute l'hygiène morale. Mais pour arriver à ce point, il faut d'abord travailler à se connaître et gagner de l'empire sur soi-même. Il ne suffit pas de bien régler sa nourriture, de se déterminer une mesure convenable de repos et de travail, d'apprendre par cœur l'Art de prolonger sa vie de Hufeland; il faut encore se faire violence, apprendre à se connaître, développer ses forces intellectuelles et morales: alors on saura ce que c'est que la santé. Que personne ne dise: Je suis incapable d'une telle entreprise; je ne me sens pas assez fort. Quiconque nous lit et repousse nos conclusions, a dans l'esprit la force et l'aptitude néces- • saire pour assujettir le corps; mais il faut vouloir: vouloir, c'est pouvoir. Et l'épigraphe du livre en résume toute la pensée: Valere Aude, aie le courage de te bien porter; c'est un courage que tout le monde croit facile. On se trompe; on veut les résultats, mais on ne veut pas les moyens; les vouloir est rare et difficile.

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Quelle utile et généreuse science que l'hygiène morale ainsi définie! Mais, à vrai dire, peut-elle

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être une science? Est-elle susceptible d'être ramenée à des formules exactes? Il est au moins permis d'en douter et de craindre qu'elle ne soit condamnée, par la nature même de son objet mo-. bile et complexe, à errer sur cette limite indécise de la physiologie et de la psychologie, entre le monde physique, dont les phénomènes réglés sont la matière même des sciences exactes, et le monde moral, où l'imprévu s'introduit sous tant de formes diverses à la suite de la liberté.

Certes, l'auteur de ce curieux petit livre n'a pu s'imaginer, malgré la popularité dont son œuvre jouit en Allemagne, que tant de problèmes délicats, soulevés par le titre même, étaient résolus en quelques pages et que la science était faite. Il n'a pu se méprendre à ce point sur les innombrables lacunes de son ouvrage, sur l'incertitude et le vague de plusieurs de ses réflexions et de ses préceptes, sur l'indécision de sa méthode d'exposition qui, par ses anticipations et ses perpétuels retours, brouille les idées du lecteur et sous le luxe des classifications ne cache guère qu'un savant désordre. Tout cela ne détruit pas le mérite moral de cet opuscule. Le problème fondamental y est posé en termes excellents, et dans les développements variés que l'auteur nous donne de ses principes, il déploie une sagacité, une expérience du cœur humain, une rectitude

de sens psychologique qui nous consolent de ce qu'il y a peut-être de disproportionné entre le titre de l'ouvrage et les solutions pratiques qu'il . contient.

Notre prétention ne va qu'à recueillir quelquesuns des faits les plus curieux qui servent de base à l'Hygiène de l'âme, et à indiquer les réflexions qu'ils nous suggèrent. C'est une simple excursion de moraliste sur les frontières de la physiologie, avec l'aide d'un médecin philosophe.

On ne peut parcourir ce livre sans être effrayé du mal que l'homme se fait à lui-même. Nous ne mourons pas, disait M. Flourens, nous nous tuons. Axiome sous forme de paradoxe, à l'appui duquel tout ce livre semble avoir été écrit. La plupart de nos souffrances et de nos maladies ne sont pas de simples accidents, mais les conséquences et comme les châtiments physiques de nos ignorances, de nos faiblesses, de nos défaillances morales. La nature pour M. de Feuchtersleben est un tribunal secret; sa juridiction patiente, inaperçue ne laisse rien échapper; elle connaît les fautes qui se cachent aux yeux de l'homme et que ses lois ne peuvent atteindre. Ses décisions souveraines, éternelles comme tout ce qui émane du premier principe, produisent sur les générations leurs effets inévitables, et le petit-fils qui médite avec désespoir sur le mystère de ses souf

frances peut en trouver la cause dans les excès de ses aïeux. Mais la nature ne punit pas seulement les fautes et les vices; elle châtie, et trèssévèrement, différentes dispositions d'esprit que nous laissons se développer en nous, la mollesse de la volonté, le défaut d'attention et de vigilance dans le gouvernement de notre vie morale, la prédominance exclusive de certaines facultés nées pour obéir et qui prennent sur tout notre être une autorité despotique. Tout cela s'expie; rien n'échappe à la juridiction de la nature. Tout désordre dans la vie morale produit dans la vie physique un désordre correspondant.

Certes, ce n'est pas là une observation nouvelle ; mais cette loi de correspondance entre l'harmonie de nos fonctions qui constitue la santé du corps et le gouvernement intérieur qui fait la santé de l'âme, est mise dans tout son jour par le médecin allemand. Que de maladies amenées par la faiblesse de l'esprit et la tyrannie des idées fixes! Un mal imaginaire, dont on se croit atteint ou menacé, devient tôt ou tard une réalité. L'imagination produit alors une tension nerveuse continuelle vers un même organe, qui finit par être atteint dans sa sphère végétative. On cite ce domestique anglais qui, pour avoir lu dans un journal le récit d'une mo rthorrible causée par la morsure d'un chien enragé, se trouva immédiatement atteint lui-même d'hydro

phobie. On se souvient de cet élève de Boerhaave, chez qui tous les états morbides décrits par le maître se manifestaient successivement: les fièvres et les inflammations pendant le semestre d'hiver, les névroses pendant le semestre d'été. Des malheureux à qui les débauches de leur jeunesse donnent des remords et qui redoutent les conséquences de leurs excès se gravent dans l'esprit l'image des maux dont ils se croient menacés, et ces craintes incessantes amènent à la longue l'état caractérisé par Weikard du nom de phthisie imaginaire, triste mélange de terreurs morales et de maux physiques nés de ces terreurs mêmes. Quand on étudie les maladies des yeux, il arrive souvent que la crainte de l'amaurose frappant l'imagination, la vue finit par se troubler et s'affaiblir. La faiblesse de l'imagination est, suivant Hippel, une sorte de phthisie morale. L'imagination, dit-il ingénieusement, est le poumon de l'âme. »

On vieillit par la peur de vieillir, on meurt de la peur de mourir. Une volonté ferme soutient la vie; en certains cas, elle peut ajourner la mort à laquelle une volonté indécise livre un corps défaillant. Le docteur Marc Herz en rapporte un singulier exemple. Un de ses malades se trouvait dans la dernière période de la fièvre hectique. Le médecin avait cru devoir lui donner toujours de l'espérance; mais le malade avait la conscience de

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