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ne conviennent point au génie polonais, et par-tout elles deviennent tôt ou tard des nids à tyrans. Les places que vous croirez fortifier contre les Russes, vous les fortifierez infailliblement pour eux, et elles deviendront

pour vous des entraves dont vous ne vous délivrerez plus. Négligez même les avantages de postes, et ne vous ruinez pas en artillerie : ce n'est pas tout cela qu'il faut. Une invasion brusque est un grand malheur sans doute, mais des chaînes permanentes en sont un beaucoup plus grand. Vous ne ferez jamais en sorte qu'il soit difficile à vos voisins d'entrer chez vous; mais vous pouvez faire en sorte qu'il leur soit difficile d'en sortir impunément, et c'est à quoi vous devez mettre tous vos soins. Antoine et Crassus entrèrent aisément, mais pour leur malheur, chez les Parthes. Un pays aussi vaste que le vôtre offre toujours à ses habitans des refuges et de grandes ressources pour échapper à ses agresseurs. Tout l'art humain ne saurait empêcher l'action brusque du fort contre le faible; mais il peut se ménager des ressorts pour la réaction, et quand l'expérience apprendra que la sortie de chez vous est si difficile, on deviendra moins pressé d'y entrer.

Laissez donc votre pays tout ouvert comme Sparte; mais bâtissez-vous comme elle de bonnes citadelles dans les cours des citoyens, et comme Thémistocle emmenait Athènes sur sa flotte, emportez au besoin vos villes sur vos chevaux. L'esprit d'imitation produit peu de bonnes choses et ne produit jamais rien de grand. Chaque pays a des avantages qui lui sont propres, et que l'institution doit étendre et favoriser. Ménagez, cultivez ceux de la Pologue, elle aura peu d'autres nations à envier.

Un seule chose suffit pour la rendre impossible à subjuguer; l'amour de la patrie et de la liberté animé par les vertus qui en sont inséparables. Vous venez d'en donner un exemple mémorable à jamais. Tant que cet amour brûlera dans les cœurs, il ne vous garantira pas peut-être d'un joug passager; mais tôt ou tard il fera son explosion, secouera le joug et vous rendra libres. Travaillez donc sans relâche, sans cesse, à porter le patriotisme au plus haut degré dans tous les cœurs polonais. J'ai ci-devant indiqué quelques-uns des moyens propres à cet effet : il nie reste à développer ici celui que je crois étre le plus fort, le plus puissant et même

infaillible dans son succès, s'il est bien exécuté: c'est de faire en sorte que tous les citoyens se sentent incessamment sous les yeux du public; que nul n'avance et ne parvienne que par la faveur publique; qu'aucun poste, aucun emploi ne soit rempli que par le vœu de la nation; et qu'enfin depuis le dernier noble, depuis même le dernier manant jusqu'au roi, s'il est possible, tous dépendent tellement de l'estime publique qu'on ne puisse rien faire, rien acquérir, parvenir à rien sans elle. De l'effervescence, excitée par cette commune émulation naîtra cette ivresse patriotique qui seule sait élever les hommes au-dessus d'eux-mêmes, et sans laquelle la liberté n'est qu'un vain nom et la législation qu'une chimère.

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Dans l'ordre équestre, ce système est facile à établir, si l'on a soin d'y suivre par-tout une marche graduelle, et de n'admettre personne aux honneurs et dignités de l'Etat, qui n'ait préalablement passé par les grades inférieurs, lesquels serviront d'entrée et d'épreuve pour arriver à une plus grande élévation. Puisque l'égalité parmi la noblesse est une loi fondamentale de la Pologne, la carrière des affaires publiques y doit toujours com

mencer par les emplois subalternes; c'est l'esprit de la constitution. Ils doivent être ouverts à tout citoyen que son zèle porte à s'y présenter, et, qui croit se sentir en état de les remplir avec succès: mais ils doivent être le premier pas indispensable à quiconque, grand ou petit, veut avancer dans cette carrière. Chacun est libre de ne s'y pas présenter; mais sitôt que quelqu'un y entre, il faut, à moins d'une retraite volontaire, qu'il avance ou qu'il soit rebuté avec improbation. Il faut que dans toute sa conduite, vu et jugé par ses concitoyens, il sache que tous ses pas sont suivis, que toutes ses actions sont pesées, et qu'on tient du bien et du mal un compte fidelle dont l'influence s'étendra sur tout le reste de sa vie.

CHAPITRE X II I.

Projet pour assujettir à une marche graduelle tous les membres du gouvernement.

VOICI,

OICI, pour graduer cette marche, un projet que j'ai tâché d'adapter aussi bien qu'il était possible à la forme du gouvernement établi, réformé seulement quant à la nomi

nation des sénateurs, de la manière et par les raisons ci-devant déduites.

Tous les membres actifs de la république, j'entends ceux qui auront part à l'administion, seront partagés en trois classes marquées par autant de signes distinctifs que ceux qui composeront ces classes porteront sur leurs personnes. Les ordres de chevalerie, qui jadis étaient des preuves de vertu, ne sont maintenant que des signes de la faveur des rois. Les rubans et bijoux qui en sont la marque ont un air de colifichet et de parure féminine qu'il faut éviter dans notre institution. Je voudrais que les marques des trois ordres que je propose, fussent des plaques de divers métaux, dont le prix matériel serait en raison inverse du grade de ceux qui les porteraient.

Le premier pas dans les affaires publiques sera précédé d'une épreuve pour la jeunesse dans les places d'avocats, d'assesseurs, de juges même dans les tribunaux subalternes de régisseurs de quelques portions des deniers publics, et en général dans tous les postes inférieurs qui donnent à ceux qui les remplissent occasion de montrer leur mérite leur capacité, leur exactitude et sur-tout

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