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sa conversion, on marche sous sa propre conduite : quand on se donne à Dieu sans ménagement, on rend Dieu, pour ainsi dire, le garant de tout ce qu'on fait. Revenez, monsieur, comme l'enfant prodigue : formez au fond de votre cœur cette invocation pleine de confiance: O père, j'ai péché contre le ciel et contre vous (a)! Il n'est pas possible d'éviter les déchiremens de cœur que vos passions vous feront sentir avant que d'être bien étouffées. Vous sentirez tous les plaisirs en foule, qui viendront vous tirer, comme saint Augustin le dit de lui-même (e); vous les entendrez qui vous diront d'une voix secrète : « Quoi >>> donc! vous nous dites un éternel adieu! vous ne » nous verrez plus! et toute votre vie ne sera plus » que gêne et que tristesse ! » Voilà ce qu'ils diront; mais Dieu parlera aussi à son tour: il vous fera sentir la joie d'une conscience purifiée, la paix d'une ame que Dieu réconcilie avec lui, et la liberté de ses vrais enfans. Vous n'aurez plus de ces plaisirs furieux qui enivrent l'ame, qui lui font oublier son malheur à force de l'étourdir; mais vous aurez ce calme intérieur et ce témoignage consolant qui soutient contre toutes les peines : vous serez d'accord avec vousmême; ; vous ne craindrez plus de rentrer au dedans de vous au contraire, vous y trouverez la véritable paix; vous n'aurez ni à craindre ni à cacher; vous aimerez tout ce que vous ferez, puisque vous aimerez la volonté de Dieu qui vous y déterminera; vous ne voudrez plus aucune des choses que Dieu ne vous donnera point; vous porterez dans votre cœur une

(a) Luc. xv. 18. (e) Confess. lib. vii, cap. XI, n. 26.

source inépuisable de consolation et d'espérance contre tous les maux de la vie. Ainsi, les maux se changeront en biens; les maladies, les contradictions, les travaux épineux, la mort même, tout deviendra bon: car tout se tourne à bien, comme dit saint Paul (a), pour ceux qui aiment Dieu. Eh! pourquoi ne l'aimeriez-vous pas, puisqu'il vous aime tant? Avez-vous trouvé quelque chose de plus doux à aimer et de plus digne de votre amour? Le fantôme du monde va s'évanouir; cette vaine décoration disparoîtra bientôt; l'heure vient, elle approche, la voilà qui s'avance, nous y touchons déjà; le charme se rompt, nos yeux vont s'ouvrir; nous ne verrons plus que l'éternelle vérité. Dieu jugera sa créature ingrate. Tous ces insensés qui passent pour sages seront convaincus de folie: mais nous, qui aurons connu et goûté le don de Dieu, nous laisserons-nous envelopper dans cette condamnation? Mais vous, monsieuf, fermerez-vous votre cœur, où ne l'ouvrirez – vous qu'à demi, pendant que Dieu vient lui-même avec tant de patience vous le demander tout entier? Quel est, dit Jérémie de la part de Dieu, l'époux qui n'a horreur de son épouse, quand il la voit infidèle courir avec impudence après des amans? Croyezvous, dit-il, que l'époux la reprenne, si elle revient à lui après tant d'abominations? Et moi, continuet-il, ô mon épouse, ô fille d'Israël, quòique tu aies abandonné mon alliancé, quoique tu aies violé scandaleusement la foi nuptiale, quoique tu aies couru dans tous les chemins après des amans étrangers;

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reviens, reviens, ô mon épouse, et je suis prêt à te recevoir. Voilà, monsieur, ce que fait le Dieu jaloux. Sa patience et sa bonté vont encore plus loin que sa jalousie. Mais s'il vous attend avec amour, il veut que votre retour soit plein de fidélité et de courage. Entrons maintenant dans le détail des dispositions et des règles dont vous avez besoin.

Pour les dispositions, la principale est l'amour de Dieu. Il n'est pas question d'un amour affectueux et sensible; vous ne pouvez point vous le donner à vous-même; cet amour n'est point nécessaire : Dieu le donne plus souvent aux foibles pour les soutenir par leur goût, qu'aux ames fortes qu'il veut mener par une foi plus pure. Souvent même on se trompe dans cet amour; on s'attache au plaisir d'aimer, au lieu de ne s'attacher qu'à Dieu seul; et quand le plaisir diminue, cette piété de goût et d'imagination se dissipe, on se décourage, on croit avoir tout perdu, et on recule. Si Dieu vous donne ce goût pour vous faciliter les commencemens de votre retour, il faut le recevoir; car il sait mieux que nous ce qu'il nous faut. Mais s'il ne vous le donne point, n'en soyez pas en peine; car le vrai et pur amour de Dieu consiste souvent dans une volonté sèche et ferme de lui sacrifier tout: alors on le sert bien plus purement, puisqu'on le sert sans plaisir et sans autre soutien que le renoncement à soi-même. JésusChrist au jardin étoit triste jusqu'à la mort, et sa répugnance pour le calice que son père lui présentoit, lui coûta une sueur de sang. Quelle consolation dans cet exemple! combien étoit - il éloigné d'un goût sensible! Cependant il dit: Que votre volonté

se fasse, et non la mienne (a). Disons-le comme lui dans nos sécheresses, et demeurons en paix sous la main de Dieu. Souvenez-vous, monsieur, que vous ne méritez point les joies des ames pures qui ont toujours suivi pas à pas l'époux. Combien l'avez-vous fait attendre à la porte de votre cœur! Il est juste qu'il se fasse un peu attendre à son tour.

Les distractions que vous aurez dans la prière ne doivent point vous étonner; elles sont inévitables après tant d'agitations et de dissipations volontaires : mais elles ne vous nuiront point, si vous les supportez avec patience. L'unique danger que j'y crains est qu'elles ne vous rebutent. Qu'importe que l'imagination s'égare, et que l'esprit même s'échappe en mille folles pensées, pourvu que la volonté ne s'écarte point, et qu'on revienne doucement à Dieu sans s'inquiéter, toutes les fois qu'on s'aperçoit de sa distraction? Pourvu que vous demeuriez dans cette conduite douce et simple, vos distractions mêmes se tourneront à profit, et vous en éprouverez l'uti– lité dans la suite, quoique Dieu la cache d'abord. La prière doit être simple, beaucoup du cœur, trèspeu de l'esprit des réflexions simples, sensibles et courtes, des sentimens naïfs avec Dieu, sans s'exciter à beaucoup d'actes dont on n'auroit pas le goût. Il suffit de faire les principaux de foi, d'amour, d'espérance et de contrition, mais tout cela sans gêne, et suivant que votre cœur vous y portera. Dieu est jaloux de la droiture du cœur; mais autant qu'il est jaloux sur cette droiture, autant est-il facile et con

(a) Luc. xx11. 42.

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descendant sur le reste. Jamais ami tendre et complaisant ne le fut autant que lui. Pour votre prière vous pouvez la faire sur les endroits des Psaumes qui vous touchent le plus. Toutes les fois que votre attention se relâche, reprenez le livre et ne vous inquiétez pas. L'inquiétude sur les distractions est la distraction la plus dangereuse.

Rien n'est meilleur que de vous défier de vousmême. C'est le fruit que vous devez tirer de vos chutes. C'est pour vous humilier, que Dieu a permis qu'elles aient été si fréquentes, si longues, si profondes; et après tant de grâces reçues autrefois, vous aviez plus de besoin qu'un autre de tomber de bien haut, parce qu'il faut abaisser votre hauteur qui est extrême, et écraser votre orgueil qui se releveroit toujours. Mais la défiance de vous-même ne doit pas diminuer la confiance en Dieu. La défiance de vous-même doit opérer la fuite des occasions de rechute. Elle doit vous engager à prendre un genre de vie précautionné contre vous-même et contre vos amis; mais elle ne doit pas vous faire douter du secours de Dieu. S'il vous a cherché et poursuivi pendant que vous le fuyiez, et que vous bouchiez vos oreilles de peur d'entendre sa voix qui vous appeloit, combien plus vous menera-t-il pas pas, maintenant que vous revenez à lui! Ne craignez rien, monsieur; vous ferez la joie de tout le ciel dans votre retour. Gardez-vous donc bien de vous inquiéter sur la confiance de votre conversion, et sur les moyens de la cacher, de peur qu'elle n'éclate, et qu'ensuite elle ne se tourne en scandale. Cela arriveroit infailliblement si vous comptiez sur vos forces.

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