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'punitions: c'est le moyen de les faire aimer, et de leur faire gagner la confiance de tout le pays; c'est ce qui déracinera le plus l'hérésie : car il s'agit bien moins du fond des controverses, que de l'habitude dans laquelle les peuples ont vieilli, de suivre extérieurement un certain culte, et de la confiance qu'ils avoient en leurs ministres. Il faut transplanter insensiblement cette habitude et cette confiance chez les pasteurs catholiques : par là les esprits se changeront presque sans s'en apercevoir. Dans cette vue, j'ai pris soin que plusieurs petites grâces, que nous obtenions pour les habitans de Marennes, passassent extérieurement par le canal des Jésuites, et j'ai fait valoir au peuple qu'il leur en avoit l'obligation. Si ces bons pères cultivent cela, comme je l'espère, ils se rendront peu à peu maîtres des esprits. Ces peuples sont dans une violente agitation d'esprit; ils sentent une force dans notre religion, et une foiblesse dans la leur, qui les consterne. Leur conscience est toute bouleversée, et les plus raisonnables voient bien où tout cela va naturellement; mais l'engagement du parti, la mauvaise honte, l'habitude et les lettres de Hollande qui leur donnent des espérances horribles, tout cela les tient en suspens, et comme hors d'eux-mêmes. Une instruction douce et suivie, la chute de leurs espérances folles, et la douceur de vie qu'on leur donnera chez eux, dans un temps où l'on gardera exactement les côtes, achevera de les calmer. Mais ils sont pauvres; le commerce du sel, leur unique ressource, est presque anéanti. Ils sont accoutumés à de grands soulagemens : si on ne les épargne beaucoup, la faim se joignant à la religion,

ils échapperont, quelque garde qu'on fasse. Les blés que vous avez fait venir si à propos, monsieur, leur ont fait sentir la bonté du Roi; ils m'en ont paru touchés. L'arrivée de M. Forant, que vous envoyez, servira aussi beaucoup à retenir les matelots. Dans la situation où je vous représente les esprits, il nous seroit facile de les faire tous confesser et communier, si nous voulions les en presser, pour en faire honneur à nos missions. Mais quelle apparence de faire confesser ceux qui ne reconnoissent point encore la vraie Église, ni sa puisssance de remettre les péchés? comment donner Jésus-Christ à ceux qui ne croient point le recevoir ? Cependant je sais que, dans les lieux où les missionnaires et les troupes sont ensemble, les nouveaux convertis vont en foule à la communion. Ces esprits durs, opiniâtres, et envenimés contre notre religion, sont pourtant lâches et intéressés. Si peu qu'on les presse, on leur fera faire des sacrilèges innombrables; les voyant communier, on croira avoir fini l'ouvrage; mais on ne fera que les pousser par les remords de leur couscience jusqu'au désespoir, ou bien on les jetera dans une impossibilité et une indifférence de religion qui est le comble de l'impiété, et une semence de scélérats qui se multiplie dans tout un royaume. Pour nous, monsieur, nous croirions attirer sur nous une horrible malédiction, si nous nous contentions de faire à la hâte une œuvre superficielle, qui éblouiroit de loin. Nous ne pouvons que redoubler nos instructions, qu'inviter les peuples à venir chercher les sacremens avec un cœur catholique, et que les donner à ceux qui viennent d'eux-mêmes les chercher après s'être sou

mis sans réserve. Nous sommes maintenant, monsieur, tous rassemblés ici, et de ce lieu nous allons instruire Arvert et tous les lieux voisins, qui forment une pénisule. Nous trouvons partout les mêmes dispositions, excepté que ce canton est encore plus dur que Marennes. Permettez-moi, monsieur, de vous témoigner notre parfaite reconnoissance sur la bonté avec laquelle vous avez parlé au Roi de nos bonnes intentions dans le travail qui nous est confié. Nous ne cesserons d'y faire tous les efforts dont nous sommes capables, tant que vous nous ordonnerez de continuer, quoique nous avancions peu ici, et que nos occupations de Paris eussent un fruit plus prompt et plus sensible. J'oubliois de vous dire, monsieur, qu'il nous faudroit une très-grande abondance de livres, surtout de Nouveaux-Testamens, et des traductions de la messe avec des explications : car on ne fait rien, si on n'ôte les livres hérétiques; et c'est mettre les gens au désespoir, que de les leur ôter, si on ne donne à mesure qu'on ôte. Je suis, etc.

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3.

AU MÊME.

Sur le même sujet que la précédente.

A la Tremblade, 8 mars (1686.)

L'ARRIVÉE de M. Forant a donné de la joie aux habitans de la Tremblade. J'espère qu'il servira beaucoup à les retenir, pourvu qu'il n'exerce point

ici une autorité rigoureuse qui le rendroit bientôt odieux. Il donne un fort bon exemple pour les exercices de religion, et il engage par l'amitié les autres à les suivre. Sa naissance, sa parenté avec plusieurs d'entre eux, et la religion qui lui a été commune avec tous ces gens-là, le feroient haïr plus qu'un autre, s'il vouloit user de hauteur et de sévérité pour les réduire à leur devoir. Cependant le naturel dur et indocile de ces peuples demande une autorité vigoureuse et toujours vigilante. Il ne faut point leur faire du mal; mais ils ont besoin de sentir une main toujours levée pour leur en faire s'ils résistent. Le sieur de Chatellars, subdélégué de M. Arnoul, supplée très-bien à ce que M. Forant ne pourra pas faire de ce côté-là. La douceur de l'un et la fermeté de l'autre étant jointes, feront beaucoup de bien. Je n'ai pas manqué, monsieur, de lire publiquement ici et à Marennes ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire des bontés que le Roi aura pour les habitans de ce pays, s'ils s'en rendent dignes, et du zèle charitable avec lequel vous cherchez les moyens de les soulager. Les blés que vous leur avez fait venir à fort bon marché leur montrent que c'est une charité effective, et je ne doute point que la continuation de ces sortes de grâces ne retienne la plupart des gens de cette côte. C'est la controverse la plus persuasive pour eux: la nôtre les étonne, car on leur fait voir clairement le contraire de ce que le ministre leur avoit toujours enseigné comme incontestable, et avoué des catholiques mêmes. Nous nous servons utilement ici du ministre qui y avoit l'ențière confiance des peuples,

et qui s'est converti. Nous le menons à nos confé, rences publiques, où nous lui faisons proposer ce qu'il disoit autrefois pour animer les peuples contre l'Église catholique. Cela paroit si foible et si grossier par les réponses qu'on y fait, que le peuple est indigné contre lui. La première fois, plusieurs lui disoient, se tenant derrière lui: Pourquoi, méchant, nous as-tu trompés? Pourquoi nous disois-tu qu'il falloit mourir pour notre religion, toi, qui nous asabandonnés? Que ne défends-tu ce que tu nous as enseigné? Il a essuyé cette confusion, et j'en espère beaucoup de fruit. Ceux de Marennes sont aussi dans la même indignation contre un ministre qu'ils croyoient fort habile. Il n'étoit pas sorti du royaume, parce qu'il a été mourant pendant plusieurs mois; enfin, il est guéri. Aussitôt M. l'abbé de Bertier, dans un entretien particulier, le pressa pour une conférence publique : le peuple la souhaita avec ardeur, et le ministre n'osa la refuser, tant ses meilleurs amis furent scandalisés de le voir reculer. Il promit donc, et marqua le jour; les matières furent réglées par écrit. Nous demandâmes deux personnes sûres, qui écrivissent les réponses de part et d'autre, afin que le ministre ne pût disconvenir, après la conférence, de ce qu'il y auroit été forcé d'avouer. On s'engagea de mettre le ministre dans l'impuissance d'aller jusqu'à la troisième réponse, sans dire des absurdités qu'il n'oseroit laisser écrire, et que les enfans mêmes trouveroient ridicules. Tout étoit prêt; mais le ministre, par une abjuration dont il n'a averti personne, a prévenu le jour de la conférence. Dès que nous découvrîmes sa finesse, nous allâmes chez lui

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