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MEM AORK

DU

MARQUIS DE MONTGLAT.

VINGT-DEUXIÈME CAMPAGNE.

[1656] CETTE année commença par l'arrivée du duc de Modène à Paris, pour confirmer l'union étroite qu'il avoit faite avec la France, fut reçu au bois de Vincennes par le Roi, qui le remena dans son carrosse au Louvre, où il fut loge, defrayé et servi par les officiers de Sa Majesté ; et durant qu'il fut à la cour, on n'oublia rien pour le divertir, et tous les courtisans firent ce qu'ils purent pour lui faire voir les magnificences de la France. Cet excès de bon traitement donna jalousie au duc de Mantoue, qui n'avoit pas été reçu de même, et commença à l'aliéner du zèle qu'il avoit pour le parti de la France; mais l'alliance que le duc de Modène avoit prise avec le cardinal Mazarin étoit cause du grand empressement qu'avoient tous les grands à lui faire passer le temps, dans la pensée de plaire au favori, et par là de faire leurs affaires. Les ducs et pairs gentilshommes ne le virent point chez lui, parce qu'il ne leur voulut pas donner la main; et le duc de Guise et les autres princes de la maison de Lorraine n'en firent pas de difficulté. Ce

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I

duc demeura tout le mois de janvier à Paris; puis il en partit pour retourner en Italie.

Le 3 de janvier, mourut le garde des sceaux Molé, homme d'une grande intégrité et fermeté, comme il le témoigna étant premier président durant les troubles; mais sa promotion à la charge de garde des sceaux ne lui fut pas avantageuse: car il déchut de la grande réputation où il étoit auparavant, et trouva que l'air de la cour, où il n'avoit pas été élevé, étoit bien différent de celui du Palais. On ne savoit à qui le Roi donneroit les sceaux; mais l'embarras où le cardinal étoit pour choisir un homme, et la pente naturelle qu'il avoit à faire du bien à ceux qui lui avoient été contraires, le porta à les rendre au chancelier, qui les garda long-temps depuis.

Le 22 janvier, mourut aussi le prince Thomas de Savoie, oncle du duc, et-grand-maître de France. Le Roi en prit le deuil noir, parce qu'il étoit cousin germain de la Reine sa mère, qui le désira ainsi. Ce prince étoit homme de cœur et.d'esprit, mais malheureux dans ses entreprises. Sa charge de grand-maître fut donnée au prince de Conti. Un peu après, Henriette-Catherine de Joyeuse finit aussi ses jours à Paris dans l'hôtel de Guise; elle avoit épousé en premières noces le duc de Montpensier, prince du sang, dont elle n'eut qu'une fille mariée à M. le duc d'Orléans, laquelle mourut en couche d'une fille; et en secondes noces elle épousa le duc de Guise, dont elle eut quantité d'enfans, qu'elle vit mourir devant elle, ne lui restant plus de fils que le duc de Guise, qui ne la survécut pas long-temps.

Depuis l'an 1652 M. le duc d'Orléans s'étoit retiré à

Blois, après avoir pris l'amnistie; mais il n'avoit jamais voulu se raccommoder avec le cardinal Mazarin, et par cette raison il ne venoit point à la cour et ne bougeoit de Blois. Cette fierté désespéroit le cardinal, qui eût bien souhaité de regagner ses bonnes grâces, à cause du rang qu'il tenoit de fils de France et d'oncle du Roi. Il avoit gagné ceux qui étoient le mieux auprès de lui; mais comme ils y trouvoient grande répugnance, le cardinal, connoissant son esprit fort timide, faisoit quelquefois courir le bruit que le Roi étoit averti qu'il avoit conservé intelligence avec le prince de Condé et les Espagnols, et que Sa Majesté vouloit aller à Blois pour s'assurer de lui, ou le pousser hors du royaume. Ces bruits l'étonnoient, car il ne songeoit qu'à vivre en repos dedans sa maison: mais ce qui le fâcha le plus fut qu'on retrancha une partie de ses pensions, sans lesquelles il ne pouvoit plus vivre avec la splendeur avec laquelle il avoit toujours vécu. Là-dessus ceux qui étoient gagnés par le cardinal lui représentoient que tant qu'il seroit mal avec lui il le seroit aussi avec le Roi, et par conséquent jamais en repos. Ils le faisoient souvenir des persécutions qu'il avoit souffertes du cardinal de Richelieu, qui n'étoit pas plus puissant qu'étoit à présent le cardinal Mazarin, qui pourroit le traiter de même. Ils lui disoient qu'il étoit heureux de ce que celui-ci avoit l'esprit plus doux et moins violent que l'autre, et pardonnoit facilement les offenses, et même recherchoit ses bonnes grâces avec empressement. Ils le trouvèrent si disposé à se laisser persuader, que le cardinal Mazarin sachant que tout alloit selon son désir, voulut faire les premiers pas pour rendre ses respects à Son Altesse

Royale; et au commencement de février il envoya son neveu Mancini, avec le duc de Damville, et l'abbé de Palluau son maître de chambre, à Blois, pour témoigner à Son Altesse Royale la joie qu'il avoit d'être rentré dans ses bonnes grâces. Il fut parfaitement bien reçu et traité par ses officiers; et M. le duc d'Orléans l'assura qu'il iroit bientôt trouver le Roi, comme il fit peu de temps après. Ce même mois, la princesse royale d'Orange, sœur du roi d'Angleterre, arriva à Paris, où elle fut reçue avec beaucoup d'honneur; elle logea chez la reine d'Angleterre sa mère. Au printemps, le Roi, qui aimoit tous les exercices du corps, fit une course de bague dans le Palais-Royal, en présence de la Reine et de toute la cour; et pour faire plus de part au peuple de cette magnificence, il fit une cavalcade du Louvre au Palais-Royal, en trois bandes vêtues de différentes couleurs. Le Roi étoit , chef de la première, le duc de Guise de la seconde,

et le duc de Candale de la troisième. Le comte Du Lude emporta le prix, qu'il reçut des mains de la duchesse de Mercœur.

Après toutes ces réjouissances, la saison s'avançant, on ne pensa plus qu'à la guerre, et à mettre les armées en campagne de part et d'autre. Il y eut changement en Flandre au gouvernement; car l'archiduc Léopold, qui commandoit dans les Pays-Bas depuis neuf ans, retourna en Allemagne, et don Juan d'Autriche, fils naturel du roi d'Espagne, passa de Catalogne en Italie, et de là vint dans les Pays-Bas pour lui succéder. Il y eut difficulté à son arrivée pour aceorder le rang qu'il tiendroit avec le prince de Condé, qui prétendoit le précéder partout, étant premier

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