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brasser; sa perfection, de l'exactitude de ses divisions, de la clarté de ses définitions, du nombre, de la vérité, de la fécondité de ses principes. Elle peut faire des progrès, tandis que les ouvrages produits dans le même temps seraient tout à fait médiocres, si l'on vient à marquer des distinctions nouvelles et bien fondées; elle peut rester stationnaire, lors même que les ouvrages contemporains s'élèveraient audessus de tous les précédents, s'ils sont toujours dans les mêmes genres, si les critiques n'y trouvent le sujet d'aucune observation, d'aucune règle nouvelle. Bref, les ouvrages sont le produit pratique de l'industrie individuelle de quelques hommes favorisés du ciel; la littérature est, comme toute science digne de ce nom, le produit théorique du travail collectif de l'humanité, appliquant son attention aux œuvres des auteurs, augmentant sans cesse et distribuant mieux ses remarques.

Il importe de ne pas perdre de vue cette distinction, si l'on veut se faire une idée juste des progrès de l'esprit humain. Ceux-ci, en effet, se rattachent par plusieurs points aux œuvres des écrivains ou des poëtes; ils en dépendent même en quelque façon et peuvent s'y appuyer sans cesse : mais enfin ils ne doivent pas se confondre avec elles, puisque l'on a vu des compositions de la plus grande beauté, comme l'Iliade, à une époque où il n'y avait pas même de principes de littérature; et que, d'un autre côté, des ouvrages jugés autrefois et regardés encore aujourd'hui avec raison comme très-beaux, les tragédies de Sophocle, par exemple, nous semblent le produit d'un art si peu avancé, qu'ils ne seraient pas aujourd'hui supportés à la scène dans leur forme exacte.

L'histoire des genres de littérature doit nous rendre ce progrès sensible; il faut pour cela que sans analyser en particulier les ouvrages ni les caractériser d'une manière précise, elle nous en fasse connaître la forme générale, et nous

montre comment cette forme s'est perfectionnée successivement pour arriver à ce que nous possédons aujourd'hui.

Cela suppose la série entière des écrits ou des poëmes faits depuis l'antiquité grecque jusqu'à nos jours, partagée en un certain nombre d'époques, dont chacune se distingue, soit par le nombre des compositions reconnues, soit par leur forme, soit par les règles admises; et, en effet, c'est là le tableau que je vais tâcher de présenter brièvement, sous les divisions et les dénominations qui suivent.

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I. Temps fabuleux. Il est d'abord évident qu'à l'origine les ouvrages, et à plus forte raison les genres, étaient fort peu nombreux. Les harangues ou discours prononcés dans de petites assemblées furent certainement les premières productions de l'esprit; elles précèdent non-seulement tout autre produit de la parole, elles précèdent même l'état social, du moins si l'on s'en rapporte à ce que dit Cicéron avec beaucoup de vraisemblance', que « au temps où le genre humain vivait encore dans les bois, comme les bêtes sauvages, un homme d'une intelligence supérieure réunit ses semblables par le discours, et leur persuada de remplacer la violence par le droit et la justice. »

Bientôt l'esprit humain s'ouvrit une nouvelle carrière : des hommes doués d'une certaine facilité de parole, et en même temps du sentiment de l'harmonie et de l'éclat des images, s'exprimèrent dans cette forme de langage qu'on a plus tard appelée des vers. On les distingua des harangueurs; et l'on voit en effet que dès le temps de la guerre de Troie, peut-être même un peu auparavant, on ne vante pas seulement les agorètes, qui discouraient avec talent, mais aussi les aèdes, c'est-à-dire les chanteurs.

Ceux-ci devaient céder la place aux poëtes, dont le nom signifie faiseur, compositeur. Mais alors, il n'y avait aucun

1. De invent., I, 2.

art dans leurs chansons; ils improvisaient en un langage vivement accentué; et c'est pour cela qu'on les nommait aèdes. Du reste, le goût des peuples hellènes les entourait déjà d'admiration et de louanges, puisque Homère représente1 le héraut amenant le chanteur Démodocus aimable et honoré du peuple; et qu'Ulysse, en lui faisant remettre une portion de viande très-distinguée, a soin d'ajouter que les aèdes sont en honneur chez tous les peuple du monde, parce que c'est la muse elle-même qui les a instruits, et qui les chérit tous?.

Tel paraît avoir été, dans ces temps reculés, tel est encore aujourd'hui chez les sauvages ce que l'on pourrait appeler l'état primitif de la littérature, si ce dernier mot, par cela seul qu'il suppose l'écriture inventée, n'indiquait un état social plus avancé que l'âge des aèdes et des agorètes.

L'histoire ou plutôt la tradition est assez d'accord avec ce tableau tracé en quelque sorte à priori. En effet, dans les temps obscurs qui précèdent la guerre de Troie, du xv au r siècle avant notre ère, les chefs ne sont pas seulement des guerriers vaillants; ce sont des agorètes habiles comme Thésée, Nestor, Ulysse, Achille; et les chanteurs se chargent de conserver le souvenir des grandes actions. Les noms de quelques-uns d'entre eux ont survécu au grand naufrage du passé; Eumyclée de Cypre, Darès de Phrygie, Dictys de Gnosse, Orobantius de Trézène, Mélixandre de Milet et d'autres, avaient raconté les faits des héros dans des récits en vers classés depuis sous le nom de poëmes cycliques. Tous sont antérieurs à Homère; car avant le poëme épique, tels

1. Odyss., VIII, v. 471.

2. Odyss., VIII, v. 478.

3. Voy. l'Histoire des premiers temps de la Grèce, de Clavier.

4. Voyez à la suite du Voyage du jeune Anacharsis, la fiste chronologique des hommes illustres dans les lettres, les sciences et les arts, rédigée par Sainte-Croix.

que l'Iliade et l'Odyssée, soumis à des règles sévères et difficiles, il s'en était certainement produit d'autres, fruits de l'inspiration seule, et sans l'observation d'aucune règle savante ou théorique. Ce sont là précisément les poëmes que nous appelons cycliques : plusieurs étaient assez courts et indépendants des poëmes voisins. C'est à une époque plus rapprochée de nous qu'on les a réunis entre eux et avec d'autres pour former ce cycle poétique si célèbre chez les Grees, et qui leur a donné son nom.

En même temps à peu près que la poésie cyclique, naissent les poëmes lyriques et didactiques. Orphée, Musée, Eumolpe, Mélampus d'Argos, Pamphus d'Athènes, Linus de Thèbes, Olen de Lycie nous sont donnés, comme des hymnographes, c'est-à-dire des aèdes qui faisaient des chants en l'honneur des dieux, ou comme des poëtes télétiques, c'est-à-dire qui composaient des prières, des exhortations, des rituels en vers pour les cérémonies des mystères et des initiations. Or, les hymnes appartiennent essentiellement à la poésie lyrique, et les prières et les exhortations participent de ce genre et du genre didactique.

Il est remarquable que, dans le même temps, en Judée, David s'illustre par ses psaumes, et Salomon, son fils, par des livres entièrement didactiques. On ne doit pas douter que les ouvrages primitifs des Grecs, perdus dès le temps d'Aristote, ne fussent bien inférieurs aux chefs-d'œuvre qui nous sont restés des Juifs. Il est toujours intéressant de reconnaître que les productions poétiques se faisaient suivant des intentions semblables, dans des contrées assez éloignées et sans aucune communication entre les poëtes.

1. Voyez la même liste.

2. Ce mot est tiré de teletý qui signifie rite, mystère, initiation; mais 1 est de fabrique moderne. Ni les Grecs ni les Latins n'employaient cet adjectif.

3. Arist., Poet., c. 4, n° 3; Cic., De nat. deor., I, 38, no 107.

II. Temps homériques. — L'âge suivant, qui s'étend depuis la fin de l'époque troyenne jusqu'à l'ère des olympiades, de 1180 à 776 avant Jésus-Christ, n'apporte aucun changement dans ce que nous nommerions les ouvrages en prose. Il n'y a encore que des harangues, et ces harangues ne sont point écrites. Il n'en est pas de même des poëmes qui prennent une forme à la fois plus distincte et mieux arrêtée. Homère écrit l'Iliade et l'Odyssée, deux poëmes épiques où sont observées, probablement sans parti pris d'avance, mais par l'heureux instinct du poëte (ou des poëtes), les règles que l'on a depuis assignées à ce genre d'ouvrage.

Aristote attribue aussi à Homère le Margitès, sorte d'épopée ironique, dont le héros était un fainéant. Il ajoute que ce poëme était à l'épopée sérieuse ce que la comédie était à la tragédie; et, comme pour Aristote, la comédie n'était guère qu'une parodie, une moquerie perpétuelle, nous voyons que le Margitès n'avait qu'un rapport fort éloigné avec les poëmes badins ou héroï-comiques que nous connaissons. Il se rapprochait plutôt, sauf le style, de ce que nous hommons un poëme travesti ou burlesque, et avait certainement un caractère satirique. Mais il est difficile de croire que ce genre d'ouvrage ait été dû au génie sérieux qui avait créé l'Iliade. On ne conçoit pas même qu'il appartienne à un siècle si reculé.

Peu de temps après Homère, Hésiode donna dans Les travaux et les jours un poëme didactique nettement caractérisé.

Sa Théogonie tient à la fois de ce poëme et du poëme cyclique déjà connu dans l'âge précédent, et que de nombreux poëtes continuaient de faire.

On met encore parmi les ouvrages homériques, des hymnes et la Batrachomyomachie, qui n'appartiennent probablement en aucune façon à l'auteur de l'Iliade. Toutefois quelques

1. Poet., c. 4; toutefois la chose est bien contestée. Voyez dans l'Essai sur la critique, de M. Egger, p. 416, une note relative à ce passage.

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