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inopinément à l'église des Minimes, le dimanche des Rameaux. Prèchant sur le faux honneur du monde, le ministre de la sainte parole alloit << abattre devant la croix » la vaine idole de la gloire, à laquelle son nouvel auditeur avoit tout sacrifié, jusqu'au devoir; quelle situation! comment concilier ces extrèmes opposés? Bien loin de le déconcerter, ce contraste lui fournit un des plus beaux traits de l'éloquence humaine; reconnoissant le héros dans la foule, il lui adressa cette allocution qui fut tant admirée, si grande et si simple, dont malheureusement l'orateur ne nous a transmis qu'une courte analyse 1. Parmi son nombreux auditoire, on remarquoit François de Noüe et François Giry, l'un célèbre savant, l'autre auteur des Vies des Saints.

2o Carême de 1661, aux grandes Carmélites du faubourg SaintJacques. Les religieuses de ce monastère appartenoient aux plus nobles familles du royaume. Hier dans le monde, elles vivoient au milieu de la mollesse des palais et faisoient l'ornement de la Cour la plus brillante de l'univers; aujourd'hui dans le cloitre, elles pratiquent toutes les rigueurs de la pénitence et se livrent à tous les abaissemens de l'humilité chrétienne. La parole de l'orateur fit tant d'impression sur ces ames d'élite, qu'elles voulurent en consacrer le souvenir dans les mémoires de la communauté : « On ne pourroit avoir, dit l'une d'elles, un plus grand concours de monde et plus d'applaudissemens... Je me souviens que les gens doctes qui y assistoient s'attroupoient ensuite dans notre cour pour en parler ensemble. » Ces gens doctes, c'étoit Santeuil, qui a reproduit dans une de ses plus belles strophes. la division du discours sur la purification; c'étoient aussi les solitaires de Port-Royal, Antoine Arnauld, Robert Arnauld d'Andilly, Nicole, Thomas du Fossé, Lancelot, Lemaistre de Sacy. Souvent pendant le sermon, subjugués par la force de l'éloquence, ces hommes si renommés trahissoient leur étonnement et leur admiration; et quand la voix du prédicateur ne vibroit plus que dans leur ame, réunis par groupes aux abords de l'église, ils répétoient les passages qui les avoient le plus frappés 2. On remarque entre Bossuet et Pascal des rapports de pensées et mème d'expressions, et les critiques prononcent ordinairement dans la question de priorité en faveur du dernier contre le premier. Cependant Bossuet avoit prononcé presque tous ses discours en 1669, et les Pensées de Pascal parurent en 1670. Si donc l'un a profité des travaux de l'autre, c'est Pascal et non Bossuet. Notre édition signale ces emprunts à mesure qu'ils se présentent.

Bossuet prêcha dans

3o Carême de 1662, au Louvre, devant le roi. la chapelle récemment construite au grand pavillon du Louvre, en présence de Louis XIV, de, la reine Marie-Thérèse d'Autriche, de la reine mère d'Angleterre, de Monsieur frère du roi, de Mademoiselle 1 Jer Sermon pour le dimanche des Rameaur - Mémoires de l'abbé Ledien.

fille de feu le duc d'Orléans, de Gaston de France et de toute la Cour1. Le roi qui l'écoute avec bonheur n'a que vingt-trois ans, et la mort d'un ministre tout-puissant vient à peine de lui faire passer dans la main les rènes d'un grand royaume. Le ministre de Dieu s'efforce, avec une admirable prudence, de le prémunir contre les périls et les séductions qui vont l'entourer de toutes parts. «Ne nous persuadons pas, lui dit-il, que nous vivions sans plaisir, pour le vouloir transporter du corps à l'esprit, de la partie terrestre et mortelle à la partie divine et incorruptible. C'est là au contraire, dit Tertullien, qu'il se forme une volupté toute céleste du mépris des voluptés sensuelles..... Que ce plaisir est délicat! qu'il est généreux! qu'il est digne d'un grand courage, et qu'il est digne principalement de ceux qui sont nés pour commander 2! » C'est aussi dans ce Carème, au milieu de la famine, que Bossuet plaida si chaleureusement la cause du pauvre peuple, et flétrit la dureté des heureux du siècle avec cette hardiesse apostolique dont on ne retrouve plus d'exemple. Ses plaintes, ses gémissemens, ses lamentations portèrent la bienfaisance dans toutes les ames; les seigneurs de la Cour ouvrirent leurs trésors, les dames vendirent leurs joyaux, le monarque fit de grandes provisions de blé, qu'on distribuoit au Louvre ; ainsi l'indigence fut secourue, la pauvreté soulagée, la faim calmée; et la charité publique sauva d'une ruine imminente l'hôpital général, « cette ville hors de la ville, cet assemblage de toutes les misères, » qui servoit d'asile à dix mille nécessiteux. A la fin de la station, apprenant que le père du prédicateur étoit conseiller au parlement de Metz: « Je veux, s'écria le roi, qu'on écrive en mon nom à cet heureux père pour le féliciter d'avoir un tel fils. >> Cette marque d'estime singulière, qui n'honore pas moins le sujet que le souverain, ne fut accordée que cette fois-là. Dans le même temps, Bossuet reçut le brevet royal qui le nommoit prédicateur ordinaire du roi. On lui offrit aussi le grand doyenné de Metz et la cure de SaintEustache; il refusa ces deux places, la première pour la faire donner à un saint prêtre qui servoit l'Eglise depuis un demi-siècle; la seconde, pour y proposer un de ses amis, qui devoit être pourvu le premier, dit-il, parce qu'il étoit le plus âgé.

4o Carème de 1663, aux Bénédictines du Val-de-Grace, devant la reine mère. Le Val-de-Grace avoit un attrait particulier pour Anne d'Autriche; sous un règne et pendant une régence qui ne lui donnèrent que des amertumes, au milieu des troubles civils qui agitèrent son cœur maternel de tant de frayeurs, c'est là qu'elle alloit chercher des

'D'après les indications recueillies par M. Floquet dans les journaux de l'époque, Bossuet prècha les jours suivants : le 2 février, jour de la Purification; le 26 du mème mois; le fer, le 3, le 5, le 8, le 10, le 12, le 13, le 21, le 25 et le 29 mars; puis le 2, le 7 et le 9 avril, c'est-à-dire le dimanche des Rameaux, le vendredi saint et le jour de Pâques.

Jer Sermon pour le jour de la Purification.

forces et des consolations. Sa munificence éleva non-seulement les vastes édifices du monastère, mais cette magnifique église, monument des talens de Mignard et du génie de Mansart. Voulant s'y préparer aux fètes de Pâques dans le silence et la retraite, elle pria Bossuet d'y prècher la sainte quarantaine, et parce qu'elle lui avoit donné toute sa confiance, et parce qu'elle recherchoit, disent les mémoires du temps, les prédicateurs qui annonçoient la parole divine dans son austère sévérité, sans craindre de blesser la susceptibilité de l'orgueil et la délicatesse des passions. Le disciple et l'ami de Vincent de Paul ne trahira point son attente. Dès le commencement de la station, après avoir établi les rapports qui existent entre l'autel et la chaire, entre le mystère eucharistique et le ministère évangélique, il montre qu'il faut traiter la parole de Jésus-Christ avec le même respect que son divin corps; puis il adresse ces paroles à la reine : « C'est principalement aux rois de la terre qu'il faut apprendre à écouter Jésus-Christ dans les saintes prédications, afin qu'ils entendent du moins en public cette vérité qu'on leur déguise en particulier par tant de sortes d'artifices, et que la parole de Dieu, qui est un ami qui ne flatte pas, les désabuse des flatteries de leurs courtisans 1. » L'éloquence du stationnaire attiroit à chaque discours, autour de sa chaire, une foule de seigneurs et de dames de la Cour, des littérateurs et des savans, des prêtres et

des docteurs.

5o Avent de 1663, au Louvre, devant le roi. Bossuet ne prècha pas le jour de la Toussaint: il étoit retenu à Metz, où il venoit d'être nommé grand doyen du Chapitre, après la mort du prêtre qu'il avoit fait élire à sa place deux ans auparavant. Autre empêchement le troisième dimanche de l'Avent. Le duc de Foix avoit perdu son épouse, à la fleur de l'âge comme lui. Déjà frappé mortellement par la douleur, il fut atteint de la petite vérole, épidémie redoutable en ce temps-là. Bossuet voulant porter à son ami les secours suprêmes, alla s'ensevelir, avec l'agrément du roi, dans cette maison de deuil et de mort. Le duc, dont les paupières étoient fermées par la cruelle maladie, ne pouvoit plus le voir; ravi par ses paroles au point d'oublier les ulcères qui couvroient son corps, il lui pressoit la main dans les siennes, et mourut plein d'espérance et de consolation. Dans un des sermons qu'il précha les autres dimanches, l'orateur prédit la grande plaie de notre époque, l'indifférence dogmatique : « Je vois, dit-il, un autre malheur bien plus universel dans le monde; ce n'est point cette ardeur inconsidérée de vouloir aller trop avant, c'est une extrême négligence de tous les mystères. Qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas, les hommes, trop dédaigneux, ne s'en soucient plus et n'y veulent pas seulement penser; ils ne savent s'ils croient ou s'ils ne croient pas, tout prêts à IIe Sermon pour le IIe dimanche de Carême. - 2 Le cardinal de Bausset.

vous avouer ce qu'il vous plaira, pourvu que vous les laissiez agir à leur mode et passer la vie à leur gré..... Ainsi je prévois que les libertins et les esprits forts pourront être décrédités, non par aucune horreur de leurs sentimens, mais parce qu'on tiendra tout dans l'indifférence, excepté les plaisirs et les affaires 1. » Le ministre de Dieu continua d'annoncer les grandes vérités de la religion. Prèchant sur le jugement dernier, il demande au roi, dans une allocution justement admirée, que lui servira d'avoir porté à un si haut point la gloire de la France, s'il ne travaille encore à des œuvres qui puissent plaider sa cause « au jour effroyable où Jésus-Christ paraitra en sa majesté; » puis il continue : « Ne voyez-vous pas ce feu dévorant qui précède la face du Juge terrible, qui abolira en un même jour et les villes, et les forteresses, et les citadelles, et les palais, et les maisons de plaisance, et les arsenaux, et les marbres, et les inscriptions, et les titres, et les histoires, et ne fera qu'un grand feu, et un peu après qu'un amas de cendres de tous les monumens des rois? Peut-on imaginer de la grandeur en ce qui ne sera un jour que de la poussière? Il faut remplir d'autres fastes et d'autres annales. Dieu, Messieurs, fait un journal de notre vie : une main divine écrit notre histoire, qui nous sera un jour représentée. Songeons donc à la faire belle; effaçons par la pénitence ce qui nous y couvriroit de confusion et de honte 2. » Ainsi Bossuet savoit unir la prudence à la hardiesse du ministère apostolique : « sa sagesse, dit un de ses contemporains, son zèle au-dessus des considérations de la chair et du sang, ce courage rare même dans les premiers siècles de l'Eglise..., lui acquit la haute estime de Louis XIV 3. » — Pendant toute la station, un auditeur, qui sembloit plus attentif que les autres, se tenoit devant la chaire et trahissoit souvent une vive émotion. Apprenant que ce vieillard étoit le père de l'orateur : « Qu'il doit être heureux, dit le roi, d'entendre son fils prècher si bien! » Le père de Bourdaloue n'eut pas le même bonheur; il venoit de Bourges à Paris pour entendre son fils, qui obtenoit de grands succès dans l'église des Jésuites; il mourut en chemin!

6o Carème de 1666, à Saint-Germain en Laye, devant le roi. C'est la mort d'Anne d'Autriche qui avait conduit la Cour dans cette résidence royale, c'est aussi ce triste événement qui inspira les premières paroles du stationnaire. Après avoir rappelé les vertus de la reine défunte, Bossuet fit entendre comme un prélude des oraisons funèbres; il s'écria : « 0 vie glorieuse et éternellement mémorable, mais ô vie trop courte et trop tôt précipitée? Qui nous a sitôt enlevé cette reine, que nous ne voyions point vieillir et que les années ne changeoient pas ?

IIe Sermon pour le Ie dimanche de l'Avent. Jer Sermon pour le Ier dimanche de l'Avent.- 3 Un jour que Bourdaloue s'étoit élevé avec beaucoup de force contre les desordres de la Cour, les seigneurs se plaignirent au roi : « Messieurs, leur repondit Louis XIV, le prédicateur a fait son devoir, faísous le nôtre » (Saurin, Journal des Savans, 8 septembre 1701).

Comment cette merveilleuse constitution est-elle devenue si soudainement la proie de la mort ?... Oh! que nous ne sommes rien ! oh! que la force et l'embonpoint ne sont que des noms trompeurs 1! » Dans les autres discours de la station, le prédicateur parla contre l'astrologie, dont les prédictions jetoient la frayeur dans beaucoup d'esprits; il peignit avec des couleurs saisissantes tous les désastres de la guerre, au moment même où le souverain venoit de la déclarer à l'Angleterre; il combattit l'ambition, qui « torture nuit et jour tant d'illustres malheureux; » enfin il demanda la réforme de la justice et le soulagement du pauvre peuple. Après avoir montré comment Dieu est juste et bon tout ensemble, il dit au roi : « Vous, Sire, qui ètes sur la terre l'image vivante de cette Majesté suprême, imitez sa justice et sa bonté, afin que l'univers admire en votre personne sacrée un roi juste et un roi sauveur, à l'exemple de Jésus-Christ; un roi juste qui rétablisse les lois, un roi sauveur qui soulage les misères 2. » Le roi continua d'écouter le prédicateur avec autant d'attention que de déférence; il répétoit souvent au milieu de la Cour de longs passages de ses discours.

7° Avent de 1668, à Saint-Thomas du Louvre. - Pendant cette station, Bossuet célébra trois martyrs dans trois panégyriques : saint Etienne, qui versa le premier son sang pour Jésus-Christ; puis les deux patrons de l'église qui entendit sa voix, saint Thomas apòtre, et saint Thomas de Cantorbéry. En montrant la constance de ces généreux athlètes de l'Evangile, le prédicateur avoit pour but secondaire d'affermir dans la foi un illustre néophyte, Turenne, qu'il venoit de ramener dans le sein de l'Eglise. La jeune reine, avec toute sa Cour, entendit le panégyrique de saint Thomas apôtre; elle en parla avec tant de ravissement et d'admiration, que Louis XIV voulut entendre Bossuet l'année suivante.

8o Avent de 1669, à Saint-Germain en Laye, devant le roi. — Le jour de la Toussaint, après avoir réfuté les sublimes philosophes qui se ravalent au niveau des bêtes, le prédicateur s'écria : « Homme sensuel, qui ne renoncez à la vie future que parce que vous craignez les justes supplices, n'espérez plus au néant; non, non, n'y espérez plus; voulez-le, ne le voulez pas, votre éternité vous est assurée 3. » Dans le discours suivant, annonçant le jugement dernier, « les grandes assises de Dieu,» il dit : « Oh! quel renversement en ce jour! oh! combien descendront des hautes places! oh! combien chercheront leurs anciens titres!... Fasse le Dieu que j'adore, que tant de grands qui m'écoutent ne perdent pas leur rang en ce jour! Que cet auguste monarque ne voie jamais tomber sa couronne! » Continuant d'annon

IIe Sermon pour la Purification. — 2 IVe Sermon pour le dimanche des Rameñux. IIIe Serm. pour la fête de tous les Saints.— III Serm. pour le Ier dimanche de l'Avent.

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