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IV.

Les critiques besoigneux disent que Bossuet pèche, non comme les autres écrivains par foiblesse et par pauvreté, mais par excès de force et de richesse. C'est que ce grand génie avoit une étonnante fécondité; partout les termes se présentent en foule à son esprit, toujours les expressions se pressent serrées sous sa plume; les interlignes et quelquefois les marges de ses manuscrits portent de nombreuses variantes, qui revêtent les mêmes idées de formes variées, les mêmes conceptions d'images multiples. Dans le choix qu'il fait de ces variantes pour former le texte des discours, Déforis n'a pas toujours, telle est du moins ma conviction, la main sùre et judicieuse. Voici quelques citations :

Textes des éditions.

Le juste est le miracle de sa grâce et le chef-d'œuvre de sa main puissante 1.

Pourrai-je éveiller ces yeux spirituels et intérieurs, qui sont cachés bien avant au fond de votre ame ??

Ceux qui sont dans les grandes charges, étant élevés plus haut, découvrent sans doute de plus loin les choses 3.

Non-seulement ils (les élus glorifiés) sont des dieux, parce qu'ils ne sont plus sujets à la mort; mais ils sont des dieux d'une autre manière, parce qu'ils ne sont plus sujets au mensonge, et ne pourront plus tromper ni être trompés .

Au milieu de cette action si vive et si empressée qui paroît principalement à la cour.

Il falloit, et faire les choses qui sont pénibles et croire les choses incroyabes 6.

La bonté l'introduisoit près du trône 7. Voyez cette majesté souveraine que les anges n'osent regarder, devant laquelle toute la nature est émue 8.

Rendons graces au Père éternel de ce que, dans le choix des moyens par lesquels il a voulu nous sauver, il n'a pas choisi ceux qui étoient les plus

Variantes des manuscrits.

Le juste est le chef-d'œuvre de son art et le miracle de sa grace.

Pourrai-je ouvrir ces yeux spirituels et intérieurs, que vous avez tout au fond de votre ame?

Les grands, qui sont élevés plus haut, découvrent de plus loin les choses.

Ils sont des dieux, ils ne mourront plus; ils sont des dieux, ils ne pourront plus tromper ni être trompés.

'Edition de Versailles, vol. XI, pag. 66. — pag. 71. — Ibid, pag. 139. — Ibid., pag. 259,

Parmi ces empressemens et dans cette activité qui paroit principalement à la cour.

Il falloit et faire les choses difficiles et croire les incroyables.

La bonté l'introduisoit à la majesté. Voyez cette majesté souveraine, devant laquelle tous les anges tombent et toute la nature est émue.

Rendons graces au Père éternel de ce que, parmi les moyens par lesquels il auroit pu nous sauver, il a voulu choisir celui qui nous assure le plus sa miséri

Ibid., pag. 67. - 3 Ibid., pag. 70. — Ibid.,
Ibid., pag. 305,- Ibid. pag. 309.

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Textes des éditions. plausibles selon le monde, mais les plus. propres à toucher les cœurs; ni ce qui sembloit plus digne de lui, mais ce qui étoit le plus utile pour nous 1.

Les afflictions que vous avez autrefois senties 2.

Hommes errans, hommes vagabonds, déserteurs de votre ame et fugitifs de vous-mêmes, « prévaricateurs, retour>> nez au cœur » : Redite, prævaricatores, ad cor. Commencez à réfléchir, et à entendre la voix qui vous rappelle au dedans 3.

<< Cet innocent subit ce qu'il ne doit » pas, et il acquitte tous les pécheurs » de ce qu'ils doivent». Ailleurs : «Un >> seul est frappé, et tous sont guéris ; » le juste est déshonoré, et les criminels » sont rétablis dans leur honneur ».

Variantes des manuscrits. corde, qui appuie le mieux notre espérance, qui enflamme le plus fortement

notre amour.

Les afflictions dont vous avez autrefois senti la rigueur.

Hommes errans, hommes vagabonds, déserteurs de votre ame et fugitifs de vous-mêmes, écoutez, il est temps, la voix qui vous rappelle au dedans.

Dieu frappe son Fils innocent pour l'amour des hommes coupables, et pardonne aux hommes coupables pour l'amour de son Fils innocent.

Déforis prend ordinairement les variantes les plus longues, et partant les moins heureuses. Et comme si cela ne lui suffisoit pas, pour allonger encore le texte, il les double souvent les unes à la suite des autres. Dans les quelques citations qui vont suivre, afin de tout présenter au lecteur sous le même coup d'œil, on a fait venir immédiatement après le texte, les variantes qui se trouvent au bas des pages dans l'édition.

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Edition de Versailles, vol. XI, pag. 270.-2 Ibid., pag. 275 et 276.
Ibid., pag. 314.
Ibid., pag. 527.

pag. 29.

TOM. VIII.

5 Ibid., pag. 328.

-3 Ibid., pag. 287. Ibid., vol. XII,

d

Les manuscrits renferment aussi des variantes qui ont pour but d'approprier les discours à des circonstances différentes. Celles qui suivent adaptent au jour de Noël le sermon de la Circoncision. Bossuet dit d'abord : « Dans le dessein que je me propose de vous expliquer le mystère du nom de Jésus, et le salut qui nous est donné en notre Seigneur, je ne trouve rien de plus convenable que de vous proposer 1... » A quoi il rattache ces variantes :

Pour expliquer ce mystère, je ne trouve rien de plus convenable que de vous exposer... Pour expliquer à fond le mystère de ce salut qui nous est donné en Jésus-Christ, je ne trouve rien de plus convenable que de vous proposer... Au jour de la naissance du Sauveur, j'entreprends de vous faire voir quelle est la cause de son arrivée, quel est le mal dont il nous sauve, et quel est le salut qu'il nous apporte.

Les variantes des sermons formeroient un volume. Déforis remarque lui-même, pour faire comprendre la difficulté de son travail, qu'elles sont fort nombreuses; il dit dans sa Préface : « Bossuet avoit coutume, lorsqu'il écrivoit ses sermons, de mettre plusieurs mots, et souvent des phrases différentes les uns sur les autres, se réservant, dans la prononciation du discours, le choix de l'expression ou de la pensée qui lui paroîtroit plus propre et mieux convenir à son sujet. » Ces phrases différentes mises les uns sur les autres, présentent autant d'intérêt que d'avantage. Bossuet dit que les écrits de Balzac, bien que manquant d'un fond solide, sont très-propres à former le style, parce qu'ils expriment souvent la même chose de plusieurs manières : que sera-ce quand le plus sublime de nos écrivains nous trace plusieurs images de la même idée, plusieurs portraits de la même conception? Ces touches redoublées, ces coups multiples de pinceau nous montrent par quel art, à l'aide de quels efforts le peintre donnoit à ses tableaux le fini qui commande l'admiration des siècles. De toutes les éditions qu'on a données jusqu'à ce jour, aucune ne nous montre ces traits variés du génie, aucune ne nous fait assister à ce perfectionnement progressif de tant de chefs-d'œuvre. Si Déforis indique quelques variantes, il ne les rapporte presque jamais tout entières, et ses successeurs les rejettent sans réserve. Suppression regrettable, perte immense, qui nous ravit les plus belles formes de la parole humaine et la plus précieuse leçon de style!

Passons tout de suite aux notes marginales intercalées dans le texte.

V.

Bossuet corrigeoit ses œuvres, non-seulement dans le travail de la composition, mais dans des lectures subséquentes; souvent il reEdition de Versailles, vol. XI, pag. 332.

passoit ses sermons la plume à la main, faisant de nombreuses remarques qui couvrent les marges de ses manuscrits. Quelques-unes de ces remarques se rattachent au texte principal par des signes de rapport ou par les termes de la rédaction; la plupart sont comme des pierres d'attente que l'auteur se propose de mettre en œuvre, soit de vive voix dans le débit oratoire, soit de sa main dans une nouvelle composition. Déforis s'est chargé de remplir, dans mille endroits, la dernière partie de cette tâche; il met dans le texte toutes les notes marginales qu'il peut y joindre par quelque endroit.

Quoique j'aie choisi les passages les plus courts, ils demandent encore une certaine application de l'esprit. Il faut se rappeler que les notes, mises ici de suite après le texte, sont au bas des pages dans l'édition.

Textes des éditeurs.

Où la vois-je moi-même (la vérité)? Sans doute dans une lumière intérieure qui me la découvre; et c'est là aussi que vous la voyez. Je vous prie, suivezmoi, Messieurs, et soyez un peu attentifs à l'état présent où vous êtes. Car comme si je vous montre du doigt quelque tableau..., j'adresse votre vue, mais je ne vous donne pas la clarté 1.

Que m'importe, dit l'épicurien, de quoi je me réjouisse, pourvu que je sois content? Soit erreur, soit vérité, c'est toujours être trop chagrin que de refuser la joie, de quelque part qu'elle vienne. Ceux qui le pensent ainsi, ennemis du progrès de leur raison, qui leur fait voir tous les jours la vanité de leurs joies, estiment leur ame trop peu de chose, puisqu'ils croient qu'elle peut être heureuse sans posséder aucun bien solide, et qu'ils mettent son bonheur, et par conséquent sa perfection, dans un songe. (Remarquez qu'il ne faut pas distinguer le bonheur de l'ame d'avec sa perfection: grand principe!) Mais le Saint-Esprit prononce au contraire que celui-là est insensé, qui se réjouit dans les choses vaines 2.

Textes des manuscrits.

Où la vois-je moi-même (la vérité ) ? Sans doute dans une lumière intérieure qui me la découvre, et c'est là aussi que vous la voyez. (a) Car comme si je vous montre du doigt quelque tableau..., j'adresse votre vue, mais je ne vous donne pas la clarté.

(a) Note marg. Je vous prie, suivez-moi, Messieurs, et soyez un peu attentifs à l'état où vous êtes.

Que m'importe, dit l'épicurien, de quoi je me réjouisse, pourvu que je sois content? Soit erreur, soit vérité, c'est toujours être trop chagrin que de refuser la joie, de quelque part qu'elle vienne. (b) Mais le Saint-Esprit prononce au contraire que celui-là est insensé, qui se réjouit dans les choses

vaines...

(b) Note Marg.: Ceux qui le pensent ainsi, ennemis du progrès de leur raison..... (Comme dans le texte des éditeurs.)

Parlant de la résurrection, Bossuet dit que Dieu, « avant d'adresser aux morts, à la fin des temps, la parole qui ressuscite, adresse dans le

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