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lui conseillant de ne monter dans les chaires de la capitale qu'après de longues et fortes études; et quand il fut seul avec ses illustres collègues, il leur prédit que cet enfant deviendroit une des plus grandes lumières de l'Eglise. En 1648, le prince de Condé, suivi d'un nombreux état-major, se rendit au collège de Navarre pour assister à sa tentative ou thèse de bachelier; la lutte fut vive, animée, tellement que le grand capitaine, déjà célèbre par les victoires de Rocroi, de Nordlinguen, de Fribourg, et non moins habile dans les joutes de l'école que sur les champs de bataille, ne s'empêcha pas sans peine d'attaquer ce tenant redoutable, âgé de vingt ans. Admis vers le même temps dans la confrérie du Rosaire existant au collège de Navarre, il prononça sur la dévotion à la sainte Vierge plusieurs sermons, dont ses maîtres voulurent consigner le souvenir dans le journal de l'établissement. Pendant le Carême de 1652, il alla faire à Saint-Lazare sa retraite de préparation au sacerdoce; et les deux plus grands hommes du siècle, l'un par le génie, l'autre par la charité, formèrent entre eux une liaison que la mort ne put rompre joignant un coup d'œil pénétrant à l'intuition que Dieu donne à ses saints, Vincent de Paul reconnut dans Bossuet la solidité de l'esprit, la droiture du caractère, la pureté des mœurs, la simplicité, la candeur, la modestie, l'humilité 1; et Bossuet écrivit au souverain Pontife vers la fin de sa vie, pendant le procès de canonisation qui devoit élever son saint ami sur les autels : « Le vénérable prêtre Vincent de Paul nous fut connu dès notre jeunesse, et c'est dans ses pieux discours et ses conseils que nous avons puisé les vrais et purs principes de la piété chrétienne et de la discipline ecclésiastique; souvenir qui, même à cet âge, nous est un charme merveilleux 2. » Après avoir reçu la prêtrise, suivant le conseil de l'évêque de Lisieux et aussi celui de Vincent de Paul, il se retira dans la province pour s'y fortifier par l'étude et la méditation; il alla se fixer à Metz, où son mérite et la considération de sa famille lui avoient obtenu depuis longtemps un canonicat, et tout récemment la place d'archidiacre. C'est alors, en 1652, à l'âge de vingt-cinq ans, qu'il commença d'exercer publiquement le ministère évangélique; et pendant un séjour de sept ans, il ne quitta son cabinet de travail que pour se rendre au chœur, ou dans la chaire, ou dans les établissemens de charité. Sans interrompre ses études continuelles, il fit plusieurs voyages à Paris dans l'intérêt du Chapitre; et vers 1654 il fut reçu membre de la célèbre conférence qui se tenoit à Saint-Lazare tous les mardis; Vincent de Paul n'admettoit dans ces savantes et pieuses réunions que les prêtres du plus grand mérite, si bien qu'il en vit sortir de son vivant le fondateur de Saint-Sulpice et celui des MisSaint Vincent de Paul, sa vie, son temps, etc., par M. l'abbé Maynard. 2 août 1702.

? Lettre du

sions Etrangères, vingt-trois évêques ou archevêques, une multitude de vicaires généraux, d'officiaux, d'archidiacres, de chanoines, de supérieurs de séminaires ou de communautés religieuses. D'un autre côté, les sermons que Bossuet prècha dans plusieurs églises à Paris, lui valurent de nombreux appels qu'on adressoit à son zèle de mille endroits à la fois. Il revint se fixer dans la capitale en 1659, à l'âge de trente-deux ans; et c'est de ce moment que date la grande époque de ses chefs-d'œuvre oratoires, qui ravirent l'admiration de tout ce que le clergé, la littérature, la science et la Cour renfermoient de nobles intelligences. Nommé précepteur du Dauphin en 1670, il ne reprit la parole, pendant douze ans, qu'à de rares intervalles. Il monta sur le siége de Meaux en 1682, pour inaugurer en quelque sorte une nouvelle époque dans sa mission apostolique; instruisant le peuple, dirigeant les prêtres, encourageant les religieux dans le chemin de la perfection chrétienne, il distribua le pain de la sainte parole pendant vingt-un ans, jusqu'à la dernière maladie qui vint en 1704 l'enlever à la conversion des pécheurs, à l'édification des ames, à la défense de l'Eglise. D'après cet aperçu, la mission évangélique de Bossuet se divise en trois époques celle de Metz ou de ses premiers essais dans la prédication, celle de Paris ou de ses chefs-d'oeuvre oratoires, et celle de Meaux ou de ses exhortations pastorales. La première époque date de 1652 à 1659, la deuxième de 1659 à 1669, et la troisième de 1682 à 1703.

1.

Pour bien comprendre les sermons de la première époque, il faut connoitre les circonstances qui les ont pour ainsi dire provoqués.

Pendant qu'ils étoient chassés de partout dans un de ces temps réparateurs qui leur font payer de longues années de fraudes et d'usure, les Juifs avoient su par des prêts habiles se ménager un asile dans la ville de Metz. « Ce peuple sans aucune forme de peuple, où tout est renversé, où il ne reste plus pierre sur pierre,» apparut à Bossuet portant sur le front la marque de la malédiction céleste, et fit retentir jusqu'au fond de son ame les lamentations prophétiques. Dans le même temps le fils d'un marchand d'œufs se leva, qui se dit en Orient le Messie promis pour rétablir le royaume d'Israël; ce nouveau Barcochebas, dont Bossuet nous a gardé le souvenir, se montroit tour à tour à Jérusalem, à Smyrne, à Constantinople, exerçant partout une incroyable séduction. Aussitôt les Juifs de Pologne, de Hollande, de France, de Portugal, tous allèrent offrir à Sabathai-Sevi leur culte et leur or. Le nombre de ses adorateurs allant toujours grossissant, la Porte conçut des craintes sérieuses et mit le messie judaïque en demeure de choisir entre le cordon et le turban. Il se décida pour l'isla

misme et prêcha le prophète de la Mecque avec autant de zèle qu'il s'étoit prèché lui-même ; mais comme il continuoit en secret de se faire des prosélytes pour en obtenir des présens, il fut jeté dans un cachot et mourut bientôt après. A la vue d'une si déplorable ignorance, le disciple de Vincent de Paul se sentit vivement pressé de porter la lumière évangélique parmi les Juifs: il consulta les paraphrases chaldaïques, les traditions talmudiques, les livres des rabbins; il étudia l'histoire de la nation déicide, les prédictions des prophètes, l'admirable économie de la Providence dans le mystère de la Rédemption; et son zèle ainsi dirigé par la science et vivifié par la charité chrétienne, opéra de nombreuses conversions, qui eurent un grand retentissement. Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que le résultat de ses recherches, le résumé de ses travaux, Bossuet les a consignés nonseulement dans le Discours sur l'histoire universelle, mais dans plusieurs sermons qui sont signalés dans cette édition.

D'un autre côté, le protestantisme avoit fait de grands progrès dans la ville de Metz, à tel point qu'il comptoit la moitié de la population dans ses rangs. Un ministre renommé, Paul Ferry, attaqua le catholicisme comme l'attaquent tous les hérétiques, en le défigurant, dans un livre intitulé Catéchisme général de la réforme. C'est alors que Bossuet, àgé de vingt-sept ans, prit pour la première fois cette plume qui devoit produire tant d'œuvres immortelles; il voulut « instruire ses frères errans de la pureté de notre croyance; » et traçant pour ainsi dire le premier plan de cette célèbre Exposition qui fit époque dans le monde, « il exposa la doctrine catholique en toute sa simplicité 1. » La réfutation du nouveau système évangélique eut le plus grand succès; les protestans furent profondément ébranlés, si bien qu'ils alloient en foule demander à l'auteur de nouveaux éclaircissemens. Pour donner une impulsion décisive au mouvement qui se manifestoit de toutes parts, il organisa, de concert avec Vincent de Paul, une mission qui dura trois mois. Pendant que les ouvriers évangéliques envoyés par l'apôtre de la charité prèchoient à la cathédrale, il remplissoit le mème ministère à la citadelle.

En embrassant la foi catholique, en même temps qu'ils trouvoient un abri dans la maison de leur Père céleste, les Juifs et les protestans perdoient ordinairement, avec l'affection de leurs parens terrestres, l'unique asile qu'ils avoient dans ce monde. Les personnes du sexe étoient recueillies dans l'humble demeure d'une sainte femme, appelée Alix Clerginet. Lorsque la pauvre veuve fut à bout de ressources, Bossuet s'empressa de la secourir : il sut intéresser à son œuvre les riches, les magistrats, le gouverneur de la province, Schonberg, non moins célèbre par sa piété que par ses victoires; il demanda des Réfutation du Catechisme de Ferry.

sœurs de charité, qui lui furent envoyées par Vincent de Paul; il obtint du roi des lettres patentes et des dons précieux de la Cour; il fit construire un oratoire avec un vaste bâtiment, et donna lui-même un règlement à la communauté, dont il devint le directeur. Enfin cette maison, qui avait souvent manqué de pain, comme le jeune prédicateur le dit dans ses sermons, put bientôt recevoir les hommes ainsi que les femmes, et disposoit quelques années plus tard de 5,600 livres de revenus. A cette œuvre s'en joignit une autre, celle des Bouillons, qui faisoit distribuer chez les pauvres, par huit sœurs de charité, des habits, des remèdes et des alimens.

Voilà les faits, voilà les établissemens qui réclamèrent tant de fois la parole du zélé prédicateur. Il ne cessa, pendant sept ans, d'exhorter ses frères dans la foi, ni de rappeler « ses frères errans; » à peine avoit-il quitté la chaire de la cathédrale, de la citadelle ou de l'Œuvre des Bouillons, qu'il alloit remplir son saint ministère chez les nouveaux convertis, soit pour les affermir dans la foi, soit pour rehausser la pompe des vêtures, soit pour solliciter des secours. Tant de zèle joint à tant d'éloquence opéra de nombreuses conversions; il réduisit d'un tiers la population protestante, en ramenant dans le sein de l'Eglise plus de cinq mille sectaires. Il faut rapporter à l'époque de Metz les sermons qu'il prononça dans la confrérie du Rosaire, au collège de Navarre; le troisième pour la fête de la Conception, le troisième pour la Purification, le second pour la Compassion, etc.

Tous les sermons de l'époque de Metz portent, dans certains traits, l'empreinte du temps qui les a vus naitre. Dans la première moitié du XVIIe siècle, les prédicateurs, comme les écrivains, entassoient citations sur citations, mêlant le sacré et le profane, les oracles de l'Ecriture sainte et les maximes des auteurs païens : dans la chaire, « les poëtes étoient de l'avis de saint Augustin et de tous les Pères. On parloit latin, et longtemps, devant des femmes et des marguilliers; on a parlé grec.» En 1658, deux de ces prédicateurs qu'on appelle réformateurs, faisoient encore assaut d'érudition profane : Senault commentoit longuement, pour l'édification des fidèles, de longs passages de Lucain; et Lingendes citoit de pair, dans le même discours, Martial et saint Cyprien, Sénèque et saint Grégoire de Nysse, Platon et saint Jérôme. Tous ces orateurs recherchoient en outre les formes du vieux langage, et leurs discours renferment des locutions qu'un goût tant soit peu sévère n'auroit pas avouées même de leur temps. Bossuet n'est jamais tombé dans ces écarts de style ni dans cet excès d'érudition; toutefois ses premiers essais contiennent des expressions dont le Dictionnaire de l'Académie avoit déjà dit : « Ce tour, ce terme vieillit, » et l'on trouvera peut-être qu'il citoit souvent l'Ecriture sainte avec plus de profusion 'Etudes sur la vie de Bossuet, par A. Floquet. — 2 La Bruyère, chap. xv, De la Chaire.

que d'avantage. Cela n'étonnera personne. Car « ni l'art, ni la nature, ni Dieu même ne produisent pas tout à coup leurs grands ouvrages; ils ne s'avancent que pas à pas; on crayonne avant que de peindre, on dessine avant que de bâtir, et les chefs-d'œuvre sont précédés par des coups d'essais 1. » La nature et Dieu même apprirent bientôt à Bossuet l'art de peindre et de bâtir; le zèle des ames lui fit mépriser les applaudissemens de l'opinion, l'expérience épura son goût, la réflexion mûrit son talent, et les chefs-d'œuvre vinrent annoncer la grande époque de sa mission évangélique.

II.

Appelé de toutes parts et suivant les conseils de ses directeurs, Bossuet revint, comme on l'a vu, se fixer à Paris dans le commencement de 1679, à l'âge de trente-deux ans. Pendant son séjour et dans ses précédens voyages, il habitoit au doyenné du Louvre avec plusieurs prêtres qui devinrent des évêques ou des écrivains distingués : les abbés Tallemant, Jeannon, Nepveu, Louis d'Espinay de SaintLuc, Armand d'Hocquincourt, du Plessis de la Brunetière, etc. C'est là qu'il composa toutes ces œuvres qui lui donnent le premier rang parmi les orateurs chrétiens; c'est là qu'il venoit se recueillir et s'humilier devant Dieu après ses triomphes. Il avoit déjà prêché plusieurs fois dans la capitale; mais c'est maintenant qu'il va pour ainsi dire prendre possession de la chaire, comme Lingendes venoit de la quitter. On ne pourroit signaler ici tous les discours de cette époque; il suffira de faire connoître les dates et les principales circonstances où ils furent prononcés.

-

1° Carême de 1660, aux Minimes de la Place-Royale. Deux incidens signalèrent les débuts du stationnaire. Après de grands désastres et d'immenses calamités, la paix des Pyrénées venoit de terminer la guerre qui déchira si longtemps la France et l'Espagne; la bienheureuse nouvelle fit éclater partout des transports d'allégresse; et le lendemain, premier dimanche de Carême, le prédicateur s'écria du haut de la tribune sacrée : « Voici, mes frères, une grande joie que Dieu nous donne.... Peuples, qu'on se réjouisse..... Je suis François et chrétien je sens, je sens le bonheur public, et je décharge mon cœur devant mon Dieu sur le sujet de cette paix bienheureuse, qui n'est pas moins le repos de l'Eglise que de l'Etat 1. » Quelque temps auparavant le prince de Condé, qui avoit embrassé le parti de la Fronde, fut recu en grace par le roi. A peine rentré dans la capitale, après une absence de huit années, son cœur lui rappelant le jeune théologien dont il avoit honoré les épreuves scholaires par sa présence, il se rendit IIe.Sermon pour le Ier dimanche de Carême.

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