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-dans le sein de l'Eglise; souvent il parloit quatre fois dans ces touchantes cérémonies, avant l'abjuration, avant la confirmation, avant la messe et avant la communion. «Pendant vingt-deux années de son épiscopat, poursuit notre témoin, l'abbé Ledieu, il a donné toute son application à l'instruction des peuples, auxquels il annonçoit la parole de Dieu en toute rencontre, selon les grands talens qu'il avoit reçus; à l'instruction des prêtres, dans les conférences des curés qu'il fréquentoit exprès dans tous les cantons...; dans les synodes de son diocèse, qu'il a célébrés toutes les années; dans son séminaire, pour l'instruction des clercs; à la discipline régulière des monastères, par de fréquentes visites et par ses discours. » Ses discours n'étoient pas moins recherchés dans la province qu'ils l'avoient été dans la capitale. Les prètres se rendoient en foule partout où devoit se faire entendre sa parole, et voici le témoignage d'un vieillard de Meaux, qui parle des simples fidèles : « Ce vieillard, dit Déforis dans la Préface des Sermons, se souvenoit d'avoir entendu ces sermons, où l'on accouroit de toutes les campagnes voisines et où le prélat, comme un père au milieu de ses enfans, remontroit à chacun ses obligations, pressoit, exhortoit les uns et les autres avec une tendresse, un zèle qui montroit l'affection qu'il portoit à tous et combien il désiroit leur salut. >>

Si l'on avoit toutes ces exhortations, toutes ces instructions, tous ces discours, ils formeroient une collection qui égaleroit celle de n'importe quel Père par le nombre des volumes, et la surpasseroit certainement par la beauté du langage, et peut-être par la profondeur de la doctrine et par l'importance des sujets. Malheureusement, presque tous ces chefs-d'œuvre sont perdus sans retour. Dès les dernières années de la grande époque de son ministère évangélique, Bossuet abrégeoit quelquefois dans l'écriture certaines parties de ses discours; pendant son épiscopat, il se contentoit souvent de méditer son sujet et de jeter sur le papier quelques traits rapides; puis, lorsqu'il étoit en chaire, il trouvoit dans son génie et dans son cœur animé par la charité les accens les plus pathétiques et les mouvemens les plus propres à faire triompher la vérité. Lorsqu'il avoit satisfait l'ardeur de son zèle, il ne se servoit plus de ces analyses, car il ne s'est jamais répété; il ne s'en soucioit pas plus que de ses sermons, car il n'a jamais eu la pensée de les livrer à l'impression. Il ne concevoit pas, disoit-il souvent, qu'on pût écrire uniquement pour devenir auteur. Quand il voyoit l'ordre de la Providence dans une nécessité pressante, alors, mais seulement alors il prenoit la plume. Il étoit déjà évêque, qu'il n'avoit encore publié que la Refutation du Catéchisme de Ferry, et plus tard il fallut les prières les plus pressantes pour le décider à donner au public l'Oraison funébre de la reine d'Angleterre.

Cependant quelques-uns des sermons qu'il prononça pendant son

TOM. VIII.

épiscopat, nous ont été conservés, soit dans ses cartons, soit par les religieuses de Meaux : les quatre exhortations aux Ursulines de cette ville, le deuxième sermon pour le jour de Noël, le troisième pour la Circoncision, l'abrégé pour le jour de la Pentecôte, etc.

Résumons-nous. La carrière apostolique de Bossuet se divise comme en trois époques: celle de Metz, celle de Paris et celle de Meaux. On ne peut pénétrer l'esprit ni le style des sermons, si je ne me trompe, sans savoir à laquelle de ces époques ils appartiennent. Il est plus facile qu'on ne pourroit le penser au premier aperçu, de faire ce discernement. Les sermons de la première époque se distinguent par la longueur des développemens, par l'accumulation des textes, par les formes du vieux langage et une certaine emphase mêlée de rudesse et d'afféterie; ceux de la deuxième ont pour traits distinctifs la rapidité, l'entrainement, la force, le pathétique, la noblesse, la grandeur et le sublime; ceux de la troisième présentent plus d'ordre, plus de régularité, plus de symétrie, plus d'art, mais le lecteur jugera s'ils ont au mème degré la spontanéité du trait, la véhémence du sentiment et l'énergie de l'expression. L'écriture des manuscrits facilite aussi le discernement de nos époques, car elle semble en reproduire les caractères. Dans ses premiers essais le jeune archidiacre de Metz trace rapidement sur de mauvais papier, avec une mauvaise plume et de mauvaise encre, de longues barres verticales qui forment des lettres ou à peu près; dans ses chefs-d'œuvre le grand prédicateur de la capitale moule avec une bonne plume des caractères nettement dessinés, régulièrement espacés, tels que nos pères les traçoient d'une main ferme avant l'invasion de l'anglaise ; dans les instructions pastorales les traits n'ont plus la même hauteur, ni les caractères la même force, et l'écriture amoindrie semble sortir d'une plume qui a perdu de sa souplesse et de sa vigueur. On pourroit ajouter que Bossuet traçoit quelquefois les dates lui-même, ou qu'il écrivoit sur le dos de lettres ou d'imprimés qui les portent. Les sermons renferment d'ailleurs des appellations, des titres, des allusions, des particularités qui font connoître les personnes, le temps ou le lieu. Enfin les ouvrages d'histoire ou de critique offrent d'utiles renseignemens.

Par tous ces moyens, grace à toutes ces indications, on croit avoir marqué dans cette édition les dates des sermons sans beaucoup d'er

Dans sa vieillesse, Bossuet réclamoit l'indulgence en faveur de « sa méchante écriture. » Il écrit sous la date du 3 août 1701: « Mon écriture devient tous les jours plus pénible pour moi et plus difficile aux autres. »

Comme on le voit dans les livres annotés de sa main, dans les Extraits d'Aristote et même dans les manuscrits des Sermons, il écrivoit le grec rapidement, mais d'une manière peu lisible.

reurs; à coup sûr on ne s'est pas trompé pour les époques, et c'est là tout ce qu'il importe réellement de savoir.

Si l'on en croyoit certains critiques, on devroit classer les sermons d'après les dates de leur apparition. L'ordre du temps réel pourroit convenir au petit nombre des écrivains qui cherchent dans les chefsd'œuvre de l'art oratoire la forme plutôt que le fond; mais l'ordre de l'année liturgique présente plus d'avantages à la foule des lecteurs qui les étudient pour la doctrine. Au reste, les indications qui précèdent les discours dans des notes succinctes, pourroient déjà satisfaire le vœu des littérateurs, et notre édition renferme une table disposée d'après l'ordre chronologique.

Voilà pour les époques où Bossuet a prononcé ses sermons; il faut voir maintenant comment il les composoit.

§ II.

Bossuet avoit reçu de Dieu les facultés les plus brillantes; mais il les a fécondées par un travail continuel, qui n'a cessé qu'avec sa vie. Suivant l'attrait de la science, de la piété et du beau, il étudia profondément la théologie, l'Ecriture et les Pères; il puisa par de longues méditations, dans ce triple dépôt de la vérité divine, le fond de ses œuvres et les modèles de son éloquence; enfin il composa ses sermons avec le plus grand soin.

I.

On sait quel vif éclat l'école de Paris a jeté dans l'Eglise durant une longue suite de siècles. C'est à ce foyer de lumières que Bossuet fut éclairé de la science divine; il étudia la théologie d'après les traditions des plus grands docteurs, selon la méthode universelle qui fait de la raison l'auxiliaire et la servante de la révélation, sur un plan vaste, embrassant le dogme et son histoire, la morale et ses devoirs, le culte et ses cérémonies. Il parcourut tous les grades jusqu'au doctorat. Notre édition renferme un ouvrage inédit, le Plan d'une théologie, qui montre dans quelle idée large et profonde il avoit conçu cette science, mère de toutes les sciences.

En étudiant la théologie avec tant de discernement et sous des maitres si habiles, il ne pouvoit négliger l'étude de l'Ecriture sainte, qui en est la première source. Un de ses oncles, qui lui servit de précepteur à Dijon, lui remit une Bible entre les mains. La céleste parole frappa si vivement cette intelligence délicate, ouverte à tous les attraits du beau, du sublime, du divin; elle alla remuer si profondé

ment toutes les puissances de son ame, qu'il emporta dans la tombe le souvenir de cette première impression, dont il parloit encore sur la fin de sa vie. Alors, suivant le conseil qu'il nous a donné plus tard, il savouroit en quelque sorte les passages simples et faciles qui enseignent les vérités de la religion et nourrissent la piété sans faire naitre les contentions de l'orgueil; et les endroits difficiles, les rapports des textes, les obscurités des secrets bibliques, il les réservoit à des recherches ultérieures. Mais Bossuet nous l'a dit, « les ministres de Jésus-Christ ont deux principales fonctions : ils doivent parler à Dieu, ils doivent parler aux peuples; parler à Dieu par l'oraison, parler aux peuples fidèles par la prédication de l'Evangile 1; » l'heure vint où la lecture du livre divin fut pour lui, non-seulement une prière, mais une étude, et de ce moment pas un jour ne se passa sans qu'il écrivit quelque note sur son exemplaire. Il se servoit ordinairement de la Bible de Vatable, qui, renfermant le texte de la Vulgate avec la traduction littérale de l'hébreu, lui faisoit « prendre le génie de la langue sainte et de ses manières de parler. » Il y avoit toujours une bible et sur son bureau et dans sa voiture « Je ne pourrois vivre sans cela, » disoit-il; et pour faire partager aux autres son propre bonheur, il ré-pétoit souvent les paroles de saint Jérôme à Népotien : « Que ce livre divin ne sorte jamais de vos mains. » Pendant qu'il étoit précepteur du Dauphin, tout à l'étude au milieu de la Cour, il approfondissoit les saintes pages en se promenant dans l'Allée des Philosophes, suivi des abbes Renaudot, la Broue, Langeron, Saint-Luc, Fleury, Fénelon, et souvent aussi de Pellisson et la Bruyère; c'est ainsi qu'il commenta, non-seulement les livres qu'on a publiés avec ses doctes élucubrations, mais probablement toute l'Ecriture. Tous ses ouvrages dérivent de cette source divine; si bien qu'on peut dire de ce dernier Père de l'Eglise ce qu'il dit de saint Augustin : « Son fond est d'ètre nourri de l'Ecriture sainte, d'en prendre les plus hauts principes, de les manier en maitre et avec la diversité qu'exigent les sujets qu'il a entrepris de traiter 3. >>

Comme l'Ecriture est un des fondemens de la théologie, ainsi la Tradition est l'interprète de l'Ecriture; les Pères sont les canaux qui nous apportent le vrai sens des oracles divins. C'est dans ces eaux vives que Bossuet alloit étancher sa soif de la doctrine et de la piété ; c'est à cette école qu'il convie les aspirans à la science divine et les interprètes des pages sacrées : « Quiconque, dit-il, veut devenir un habile théologien et un solide interprète, qu'il lise et relise les Pères. S'il trouve quelquefois dans les modernes plus de minuties, il trouvera très-souvent dans un seul livre des Pères plus de principes, plus de cette première séve du christianisme que dans beaucoup de volumes des interprètes nou

2

Oraison funèbre du P. Bourgoing. - Opuscule publié par M. Floquet, Des études propres à former à la prédication. -3Défense de la Tradition et des saints Pères, liv. IV, chap. XVIII,

veaux ; et la substance qu'il y puisera des anciennes traditions le récompensera très-abondamment de tout le temps qu'il aura donné à cette lecture... Ces grands hommes sont nourris de ce froment des élus, de cette pure substance de la religion, et pleins de cet esprit primitif qu'ils ont reçu de plus près et avec plus d'abondance de la source même; souvent ce qui leur échappe et sort naturellement de leur plénitude, est plus nourrissant que ce qui a été médité depuis 1.» Bossuet affectionnoit particulièrement saint Augustin, « ce docteur des docteurs, ce maitre si maitre, » l'aigle des théologiens et le modèle des prédicateurs. Tandis que les autres Pères combattent l'un une hérésie, l'autre une autre, ce « tenant de l'Eglise » les a toutes renversées par terre ; il fut « choisi de Dieu pour nous donner, non pas seulement des traités particuliers, mais un corps de théologie, fruit de sa lecture profonde et constante des livres saints 2. » On a dit avec raison que le plus illustre disciple de l'évêque d'Hippone, Bossuet, à force de citer son maître, l'a mis en lambeaux. Trois exemplaires différens lui servoient alternativement, l'édition in-8° dans ses voyages, celle de Lyon à Paris, et celle des Bénédictins à Meaux. Sa prédilection pour saint Augustin ne lui fit pas négliger l'étude des autres Pères; encyclopédie vivante, » comme l'appeloient ses contemporains, de ces illustres docteurs qui brillent de la double auréole de la science et de la sainteté, il les a tous approfondis, tous vengés d'injustes attaques, tous caractérisés d'un seul mot : saint Athanase, « grand partout, » qui joint « à la force de l'expression cette noble simplicité qui fait les Démosthènes; » le grave Tertullien, «< ce dur Africain, » l'homme à la sauvage énergie du style; l'érudit saint Jérôme, «< ce lien pour ainsi dire de l'Orient et de l'Occident, » qui « réunit en lui seul les témoignages de tous les auteurs ; » le docte et l'éloquent saint Jean Chrysostome, «ce Démosthène chrétien, le plus illustre des prédicateurs qui aient jamais enseigné l'Eglise; » le grand saint Grégoire de Nazianze, « ce philosophe de l'Orient, » que les Grecs ont surnommé « l'auguste théologien ; » saint Bernard, ce fidèle disciple de saint Augustin, ce thaumaturge à l'élocution touchante, à la tendre piété. N'oublions pas Origène, « moindre que les autres Pères en autorité, » mais non moins grand par son érudition profonde et par son éloquence douce et insinuante3. Déjà pendant ses études théologiques, il avoit pénétré dans les vastes spéculations de saint Thomas ; et c'est alors que ses condisciples, témoins de son application continuelle et se souvenant du surnom de Bœuf muet, qui fut donné à son illustre maître, l'appelèrent Bos-suetus-aratro. On pourroit ajouter à tout cela qu'il connoissoit à fond les monumens littéraires d'Athènes et de Rome, si bien qu'il savoit par cœur presque toute l'Iliade et récitoit

Défense de la Tradition et des saints Peres, liv. IV, chap. XVI. - 2 Ibid. - Défense de la Tradition et des saints Pères, et les Sermons, passim.

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