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vigilant, et nos passions qui ne sont que trop attentives à leurs objets, nous surprennent, nous emportent (a), nous mettent entièrement sous le joug et traînent nos ames captives devant le redoutable tribunal de Jésus-Christ, avant que nous ayons seulement songé à en prévenir les rigueurs par la pénitence. C'est ce dangereux assoupissement que craignoit le divin Psalmiste, lorsqu'il faisoit cette prière : « Eclairez mes yeux, ô Seigneur, de peur que je ne m'endorme dans la mort1. » C'est pour prévenir l'effet de cette mortelle léthargie que l'Apôtre nous dit aujourd'hui : « Mes frères, l'heure est venue de vous réveiller de votre sommeil. »

Et moi pour suivre ses intentions, je combattrai tout ensemble le sommeil et la langueur : le sommeil qui nous rend insensibles; la langueur qui nous empêchant de nous éveiller tout à fait et de nous lever promptement, nous replonge de nouveau dans le sommeil. Je vous montrerai en deux points, premièrement, chrétiens, que ceux-là sont trop nonchalamment et trop malheureusement endormis, qui ne pensent pas à Dieu ni à sa justice; secondement, que l'heure est venue de nous réveiller de ce sommeil, et que cette heure c'est l'heure même où nous sommes présentement (b), et celle où je vous excite et où je vous parle. Ainsi après avoir éveillé ceux qui dorment dans leurs péchés, je tâcherai de vaincre les délais de ceux qui disputent trop longtemps avec leur paresse. Voilà simplement et en peu de mots le partage de mon discours. Donnez-moi du moins vos attentions dans un discours où il s'agit de l'attention elle-même (c).

PREMIER POINT.

Afin que personne ne croie que ce soit un crime léger de ne penser pas à Dieu, ou d'y penser sans considérer combien c'est une chose terrible de tomber entre ses mains, j'entreprends de vous faire voir que ce crime est une espèce d'athéisme.

Dixit insipiens in corde suo: Non est Deus, dit le psaume LII; « L'insensé a dit en son cœur : Il n'y a point de Dieu. » Les saints Pères nous enseignent que nous pouvons nous rendre coupables

1 Psal. XII, 4.

(a) Var. :Aveuglent.—(b) A présent.—(c) Voilà simplement et en peu de mots le partage de mon discours et le sujet de vos attentions.

en plusieurs façons de cette erreur insensée, par erreur, par volonté, par oubli. Il y a en premier lieu les athées et les libertins, qui disent ouvertement que les choses vont au hasard et à l'aventure, sans ordre, sans gouvernement, sans conduite supérieure. Insensés, qui dans l'empire de Dieu, parmi ses ouvrages, parmi ses bienfaits, osent dire qu'il n'est pas et ravir l'être à celui par lequel subsiste toute la nature! La terre porte peu de tels monstres; les idolâtres mêmes et les infidèles les ont en horreur. Et lorsque dans la lumière du christianisme on en découvre quelqu'un, on en doit estimer la rencontre malheureuse et abominable. Mais que l'homme de plaisir, sensuel, qui laisse dominer les sens et ne songe qu'à les satisfaire, prenne garde que Dieu ne le livre tellement à leur tyrannie, qu'à la fin il vienne à croire que ce qui n'est pas sensible n'est pas réel; que ce qu'on ne voit ni ne touche n'est qu'une ombre et un fantôme; et que les idées sensibles prenant le dessus, toutes les autres ne paroissent douteuses ou tout à fait vaines. Car c'est

que sont conduits insensiblement ceux qui laissent dominer les sens et ne pensent qu'à les satisfaire. On en voit d'autres, dit le docte Théodoret', qui ne viennent pas jusqu'à cet excès de nier la divinité; mais qui pressés et incommodés dans leurs passions déréglées par ses lois qui les contraignent, par ses menaces qui les étonnent, par la crainte de ses jugemens qui les troublent, désireroient que Dieu ne fût pas; bien plus, ils voudroient pouvoir croire que Dieu n'est qu'un nom et disent dans leur cœur, non par persuasion, mais par désir: Non est Deus: « Il n'y a point de Dieu. >> Ils voudroient pouvoir réduire au néant cette source féconde de l'être. « Ingrats et insensés, dit saint Augustin, qui, parce qu'ils sont déréglés, voudroient détruire la règle et souhaitent qu'il n'y ait ni loi ni justice: » Qui dùm nolunt esse justi, nolunt esse veritatem quâ damnantur injusti. Je laisse encore ceux-ci, et je veux croire qu'aucuns de mes auditeurs ne sont si dépravés et si corrompus (a). Je viens à une troisième manière de dire que Dieu n'est pas, de laquelle nous ne pourrons pas nous excuser.

1 In Psal. LII, tom. I, p. 603.

2 Tract. XC, in Joan., n. 3.

(a) Var.: Qu'il y a peu de mes auditeurs qui soient aussi dépravés et aussi corrompus.

Voici le principe que je pose. Ce à quoi nous ne daignons penser est comme nul à notre égard. Ceux-là donc disent en leur cœur que Dieu n'est pas, qui ne le jugent pas digne qu'on pense à lui sérieusement; à peine sont-ils attentifs à sa vérité quand on prêche, à sa majesté quand on sacrifie, à sa justice quand il frappe, à sa bonté quand il donne (a); enfin ils le comptent tellement pour rien, qu'ils pensent en effet n'avoir rien à craindre, tant qu'ils n'ont que lui pour témoin. Qui de nous n'est pas de ce nombre? Qui n'est pas arrêté dans ses entreprises (b) par la rencontre d'un homme qui n'est pas de son secret ni de sa cabale? Et cependant ou nous méprisons, ou nous oublions le regard de Dieu (c). N'apportons pas ici l'exemple de ceux qui roulent en leur esprit quelque vol ou quelque meurtre : tout ce qu'ils rencontrent les trouble, et la lumière du jour et leur ombre propre leur fait peur. Ils ont peine à porter eux-mêmes l'horreur de leur funeste secret, et ils vivent cependant dans une souveraine tranquillité des regards de. Dieu. Laissons ces tragiques attentats; disons ce qui se voit tous les jours. Quand vous déchirez en secret ceux que vous caressez en public; quand vous les percez de cent plaies mortelles par les coups incessamment redoublés de votre dangereuse langue; quand vous mêlez artificieusement le vrai et le faux pour donner de la vraisemblance à vos histoires malicieuses; quand vous violez le sacré dépôt du secret qu'un ami trop simple a versé tout entier dans votre cœur, et que vous faites servir à vos intérêts sa confiance qui vous obligeoit à penser aux siens, combien prenez-vous de précautions pour ne point paroître? combien regardez-vous à droite et à gauche? Et si vous ne voyez pas de témoin qui puisse vous reprocher votre lâcheté dans le monde, si vous avez tendu vos piéges si subtilement qu'ils soient imperceptibles aux regards humains, vous dites : « Qui nous a vus?» Narraverunt ut absconderent laqueos; dixerunt: Quis videbit eos1? comme dit le divin Psalmiste. Vous ne comptez donc pas parmi les voyans celui qui habite aux cieux? Et cependant entendez le même Psalmiste:

Psal. LXIII, 5.

(a) Quand il est favorable. (b) Dans une action malhonnête. - (c) Et cependant de quel front savons-nous soutenir le regard de Dieu?

« Quoi ! celui qui a formé l'oreille n'écoute-t-il pas ? et celui qui a fait les yeux est-il aveugle? » Qui plantavit aurem non audiet? aut qui finxit oculum non considerat'? Pourquoi ne songez-vous pas qu'il est tout vue, tout ouïe, tout intelligence; que vos pensées lui parlent, que votre cœur lui découvre tout, que votre propre conscience est sa surveillante et son témoin contre vous-même? Et cependant sous ces yeux si vifs, sous ces regards si percans, vous jouissez sans inquiétude du plaisir d'être caché; vous vous abandonnez à la joie et vous vivez en repos parmi vos délices criminelles, sans songer que celui qui vous les défend et qui vous en a laissé tant d'innocentes, viendra quelque jour inopinément troubler vos plaisirs d'une manière terrible par les rigueurs de son jugement, lorsque vous l'attendrez le moins! N'est-ce pas manifestement le compter pour rien, et « dire en son cœur insensé : Il n'y a point de Dieu? » Dixit insipiens in corde suo: Non est Deus.

Quand je recherche les causes profondes d'un si prodigieux oubli, que je considère en moi-même d'où vient que l'homme si sensible à ses intérêts et si attentif à ses affaires, perd néanmoins de vue si facilement la chose du monde la plus nécessaire, la plus redoutable et la plus présente, c'est-à-dire Dieu et sa justice, voici ce qui me vient en la pensée. Je trouve que notre esprit, dont les bornes sont si étroites, n'a pas une assez vaste compréhension pour s'étendre hors de son enceinte; c'est pourquoi il n'imagine vivement que ce qu'il ressent en lui-même, et nous fait juger des choses qui nous environnent par notre propre disposition. Celui qui est en colère croit que tout le monde est ému de l'injure que lui seul ressent, pendant qu'il en fatigue toutes les oreilles. On voit que le paresseux qui laisse aller toutes choses avec nonchalance, ne s'imagine jamais combien vive est l'activité de ceux qui attaquent sa fortune. Pendant qu'il dort à son aise et qu'il se repose, il croit que tout dort avec lui, et n'est réveillé que par le coup. C'est une illusion semblable, mais bien plus universelle, qui persuade à tous, les pécheurs que pendant qu'ils languissent dans l'oisiveté, dans le plaisir, dans l'impénitence, la justice divine languit aussi et qu'elle est tout à fait endormie. Parce qu'ils ont oublié Dieu, ils pensent 1 Psal. XCIII, 9.

TOM. VIII.

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aussi que Dieu les oublie : Dixit enim in corde suo: Oblitus est Deus. Mais leur erreur est extrême; si Dieu se tait quelque temps, il ne se taira pas toujours : « Je veillerai (a), dit-il, sur les pécheurs pour leur mal et non pour leur bien : » Vigilabo super eos in malum et non in bonum 2. « Je me suis tu, dit-il ailleurs, j'ai gardé le silence, j'ai été patient, j'éclaterai tout à coup, longtemps j'ai retenu ma colère dans mon sein, à la fin j'enfanterai, je dissiperai mes ennemis et les envelopperai tous ensemble dans une même vengeance: » Tacui semper, silui, patiens fui, sicut parturiens loquar, dissipabo et absorbebo simul3. Par conséquent, chrétiens, ne prenons pas son silence pour un aveu, ni sa patience pour un pardon, ni sa longue dissimulation pour un oubli, ni sa bonté pour une foiblesse. Il attend parce qu'il est miséricordieux ; et si l'on méprise ses miséricordes, souvent il attend encore et ne presse pas sa vengeance, parce qu'il sait que ses mains sont inévitables. Comme un roi qui sent son trône affermi et sa puissance établie, apprend qu'il se machine dans son Etat des pratiques contre son service (b) (car il est malaisé de tromper un roi qui a les yeux ouverts et qui veille) : il pourroit étouffer dans sa naissance cette cabale découverte; mais assuré de lui-même et de sa propre puissance, il est bien aise de voir jusqu'où iront les téméraires complots de ses sujets infidèles, et ne précipite pas sa juste vengeance jusqu'à ce qu'ils soient parvenus au terme fatal où il a résolu de les arrêter: ainsi et à plus forte raison ce Dieu tout-puissant, qui du centre de son éternité développe tout l'ordre des siècles, et qui, sage dispensateur des temps, a fait la destination de tous les momens devant l'origine des choses, n'a rien à précipiter. (c) Les pécheurs sont sous ses yeux et sous sa main. Il sait le temps qu'il leur a donné pour se repentir, et celui où il les attend pour les confondre. Cependant qu'ils mêlent le ciel et la terre pour se cacher, s'ils pouvoient, dans la confusion de toutes choses; que ces femmes infidèles et ces hommes corrompus et corrupteurs se couvrent eux-mêmes, s'ils peuvent, de toutes - 2 Jerem., XLIV, 27. — 3 Isa., XLII, 14.

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1 Psal. x, H. XI.
(a) Var. Je m'éveillerai.

de révolte.

(b) Qu'il se fait dans son Etat de secrets desseins (c) Note marg. Ceux-là se hâtent et se précipitent, dont les conseils sont dominés par la rapidité des occasions et emportés par la fortune. 11 n'en est pas ainsi du Tout-Puissant.

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