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que Dieu n'a donné qu'aux natures intelligentes la puissance de s'en servir, sans doute ce n'est que pour elles qu'il les a faites. Aussi l'homme est établi de Dieu comme leur arbitre; et si le péché n'eût point ruiné cette disposition admirable du Créateur dès son commencement, nous verrions encore durer cette belle république. Dieu donc a fait pour les créatures raisonnables les natures inférieures. Et quant aux créatures intelligentes, il les a destinées à la souveraine béatitude, qui regarde la possession du souverain bien; il les a faites immédiatement pour soi-même. Voilà donc l'ordre de la Providence divine, de faire les choses insensibles et privées de connoissance pour les intelligentes et raisonnables, et les raisonnables pour la possession de sa propre essence. Donc ce qui regarde la souveraine béatitude, est le dernier accomplissement des ouvrages de Dieu. C'est pourquoi dans le dernier jugement Dieu dit à ses élus : « Venez, les bien-aimés de mon Père, au royaume qui vous est préparé dès la constitution du monde'. » Il dit bien aux malheureux : « Allez au feu qui vous est préparé,» mais il ne dit pas qu'il fût préparé dès le commencement du monde. Cela ne veut dire autre chose, sinon que la création de ce monde n'étoit qu'un préparatif de l'ouvrage de Dieu, et que la gloire de ses élus en seroit le dernier accomplissement. Comme s'il disoit : Venez, les bien-aimés de mon Père; c'est vous qu'il regardoit quand il faisoit le monde, et il ne faisoit alors que vous préparer un royaume.

Que si nous venons à considérer la qualité de la Providence, nous le jugerons encore plus infailliblement. La parfaite prudence ne se doit proposer qu'une même fin, d'autant que son objet est de mettre l'ordre partout; et l'ordre ne se trouve que dans la disposition des moyens et dans leur liaison avec la fin. Ainsi elle doit tout ramasser pour paroître universelle, tout digérer par ordre pour paroître sage, tout lier pour paroître uniforme; et c'est pourquoi il y doit avoir une dépendance de tous les moyens, afin que le corps du dessein soit plus ferme et que toutes les parties s'entretiennent. L'imparfait se doit rapporter au parfait, la nature à la grace, la grace à la gloire. C'est pourquoi si les cieux se meuvent 1 Matth., XXV, 34. 2 Ibid., 41.

de ces mouvemens éternels, si les choses inférieures se maintiennent par ces agitations si réglées, si la nature fait voir dans les différentes saisons ses propriétés diverses, ce n'est que pour les élus de Dieu que tous les ressorts se remuent. Les peuples ne durent que tant qu'il y a des élus à tirer de leur multitude : Constituit terminos populorum juxta numerum filiorum Israel'. Les élémens et les causes créées ne persistent que parce que Dieu a enveloppé ses élus dans leur ordre, et qu'il les veut faire sortir de leurs actions. « Aussi elles sont comme dans les douleurs de l'enfantement » Omnis creatura ingemiscit et parturit usque adhuc. « Elles attendent avec impatience que Dieu fasse la découverte de ses enfans: » Revelationem filiorum Dei expectat3. L'auteur de leur nature, qui leur a donné leurs inclinations, leur a imprimé un amour comme naturel de ceux à qui il les a destinées. Elles ne font point encore de discernement; c'est à Dieu de commencer, c'est à lui à faire voir ceux qu'il reconnoît pour ses enfans légitimes. Et quand il les aura marqués, qu'il aura débrouillé cette confusion qui les mêle, elles tourneront toute leur fureur contre ses ennemis : Pugnabit cum eo orbis terrarum contra insensatos. Elles se soumettront volontiers à ses enfans : Omnis creatura ingemiscit et parturit usque adhuc....., revelationem expectans filiorum Dei.

Si nous allons encore plus avant dans le dessein de Dieu, nous trouverons quatre communications de sa nature. La première dans la création, la seconde se fait par la grace, la troisième de sa gloire, la quatrième de sa personne. Et si le moins parfait est pour le plus excellent, donc la création regardoit la justification, et la justification étoit pour la communication de la gloire, et la communication de la gloire pour la personnelle. C'est la gradation de saint Paul: Omnia vestra sunt, vos autem Christi, Christus autem Dei. Mais il ne faut pas séparer Jésus-Christ d'avec ses élus, d'autant que c'est le même esprit de Jésus-Christ qui se répand sur eux, tanquam unguentum in cupite. Ce sont ses membres, et la glorification n'est que la consommation du corps de Jésus-Christ :

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Donec occurramus ei in virum perfectum, secundùm mensuram plenitudinis Christi. Et nous sommes tous bénis en Jésus-Christ, tanquam in uno2. Donc les prédestinés sont ceux qui ont toutes les pensées de Dieu dès l'éternité, ce sont ceux à qui aboutissent tous ses desseins. C'est pourquoi, omnia propter electos, c'est pourquoi encore, diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum : omnia; d'autant que tout étant fait pour leur gloire, il n'y a rien à qui le Créateur n'ait donné une puissance et même une secrète inclination de les y servir. Et il y a ici deux choses à remarquer : l'une, que c'est à eux que se terminent tous les desseins de Dieu; la seconde, qu'ils se terminent à eux conjointement avec Jésus-Christ.

Quel doit être cet ouvrage à qui la création de cet univers n'a servi que de préparation, que Dieu a regardé dans toutes ses actions, qui étoit le but de tous ses désirs, enfin après l'exécution duquel il se veut reposer toute l'éternité? Il y aura assez de quoi contenter cette nature infinie. Lui qui a trouvé que la création du monde n'étoit pas une entreprise digne de lui, se contentera après avoir consommé le nombre de ses élus. Toute l'éternité il ne fera que leur dire : Voilà ce que j'ai fait; voyez, n'ai-je pas bien réussi dans mes desseins? Pouvois-je me proposer une fin plus excellente?

Et qui peut douter que ce dessein ne soit tout extraordinaire, puisque Dieu y agit avec passion? Il s'est contenté de dire un mot pour créer le ciel et la terre. Nous ne voyons pas là une émotion véhémente. Mais pour ce qui regarde la gloire de ses élus, vous diriez qu'il s'y applique de toutes ses forces; au moins y a-t-il employé le plus grand de tous les miracles, l'incarnation de son Fils. « Ne s'est-il pas lié et comme collé d'affection avec son peuple? >> Conglutinatus est Dominus patribus nostris 5. Tantôt il se compare à une aigle qui excite ses petits à voler, tantôt à une poule qui ramasse ses petits poussins sous ses ailes. Il condescend à toutes leurs foiblesses; son amour le porte à l'excès et lui fait faire des actions qui paroissent extravagantes. Ecoutez comme il crie au milieu du temple: Si quis sitit, veniat ad me, et bibat. Il n'en faut pas

1 Ephes., IV, 13. 8 Deut., X, 15.

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2 Galat., III, 16. 3 II Cor., IV, 15. 4 Rom., VIII, 28. 6 Joan., VII, 37.

douter, il y a ici une inclination véhémente. Jamais Dieu n'a rien voulu avec tant de passion. Or vouloir, à Dieu, c'est faire. Donc ce qu'il fera pour ses élus sera si grand, que tout l'univers ne paroìtra rien à comparaison de cet ouvrage. Sa passion est si grande, qu'elle passe à tous ses amis, et fait remuer à ses ennemis tous leurs artifices pour s'opposer à l'exécution de ce grand dessein. C'est le propre des grands desseins de s'étendre à beaucoup de personnes. Et nous ne jugeons jamais un dessein si grand, que lorsque nous voyons que tous les amis y prennent part et que tous les ennemis s'en remuent. Comme ils ne s'excitent qu'à cause de nous, et que nous donnons le branle à leurs mouvemens, il faut que notre émotion soit bien grande pour porter son coup si loin.

Elle paroît bien, son affection envers ses élus, par les soins qu'il a de les rechercher. N'est-ce pas lui qui les a assemblés de tous les coins de la terre, qui leur a donné le sang de son Fils? Et celui qui leur a donné son Fils, que leur peut-il refuser? Il a pris plaisir lui-même de les faire aimables, afin de leur donner sans réserve son affection: Dedit semetipsum pro nobis, ut mundaret sibi populum acceptabilem, sectatorem bonorum operum1. Quoi! en ce monde, qui est un lieu d'épreuve et de larmes, où il ne leur promet que des misères, où il veut les séparer de toutes choses: Veni separare...; non veni pacem mittere, sed gladium! Cependant il les comble de bénédictions. Ils sont inébranlables, voient tout le monde sous leurs pieds; ils se réjouissent dans leurs peines: Gaudentes quia digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati3. Au reste ils sont dans un repos, une fermeté et une égalité merveilleuse. Leurs chaînes délivrent les infirmes de leurs maladies; il donne de la gloire jusqu'à leurs ombres. Vous diriez que quelque résolution qu'il ait prise, il ne sauroit s'empêcher de leur faire du bien et de leur laisser tomber un petit avant-goût de leur béatitude. Et cependant cela n'est rien, il leur en prépare bien davantage. Il n'estime pas que cela rompe la résolution de les affliger, tant il estime peu ces biens à comparaison de ceux qu'il leur garde. Ce monde même, quoiqu'il ait été fait pour les élus, 1 Tit., 11, 14. Matth., x, 34, 35.3 Act., v,

2

41.

il semble que Dieu n'estime pas ce présent, ou s'il l'estime, c'est à peu près comme un père estimeroit cette partie du bien de ses enfans de laquelle ils auroient l'usage commun avec les valets. Ce soleil, tout beau qu'il est, luit également sur les bons et sur les impies. Et quelles seront donc les choses qu'il réserve pour ses enfans! Avec combien de magnificence les régalera-t-il dans ce banquet de la gloire, où il n'y aura que des personnes choisies, electi, et où il ne craindra plus de profaner ses bienfaits! Avec quelle abondance cette nature souverainement bonne se laissera-t-elle répandre! Abondance d'autant plus grande, qu'elle se sera rétrécie si longtemps durant le cours de ce temps misérable, et qu'il faudra alors qu'elle se débonde. Vivez, heureux favoris du Dieu des armées; il a tout fait pour vous; il vous a préservés parmi tous les périls de ce monde; il vous a gardés, quasi pupillam oculi sui 1. Il ne s'est pas contenté de vous faire du bien par miséricorde, il a voulu vous être redevable, afin de vous donner plus abondamment. Il a voulu vous donner le contentement de mériter votre bonheur, et a mieux aimé partager avec vous la gloire de votre salut et de son dessein dernier, que de diminuer la satisfaction de votre ame. Vous êtes les successeurs de son héritage; c'est vous que regardent les promesses qu'il a faites à Abraham et à Isaac; mais c'est vous que regarde l'héritage promis à Jésus-Christ.

SECOND POINT.

Il faut donc savoir que tous les biens que Dieu promet aux prédestinés, c'est conjointement avec Jésus-Christ; il ne faut point séparer leurs intérêts. Dieu promet à Abraham de bénir toutes les nations: In semine tuo 2, « dans ton fils; » où l'apôtre saint Paul remarque: Non in seminibus, sed tanquam in uno3. Cette bénédiction, c'est ce qui fait cette nouvelle vie que Dieu nous donne. Donc cette vie nouvelle réside dans Jésus-Christ comme dans le chef, et de là elle se répand sur les membres; mais ce n'est que la même vie : Vivo ego, jam non ego; vivit verò in mẻ Christus". 1 Deut., XXXII, 10. 2 Gen., XXII, 18. 3 Galat., III, 16.

11, 20.

Ibid,

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