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Jean: « Mes bien-aimés, nous sommes enfans de Dieu, et ce que nous devons être un jour ne paroît pas encore1. » Ainsi ce n'est pas le temps d'en discourir. « Tout ce que nous savons, c'est que, quand notre gloire paroîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est. » Comme un nuage que le soleil perce de ses rayons devient tout éclatant (a); vous y voyez un or, un brillant ainsi notre ame exposée à Dieu, à mesure qu'elle le pénètre, elle en est aussi pénétrée, et nous devenons dieux en regardant attentivement la Divinité. Deus diis unitus, dit saint Grégoire de Nazianze. Videbitur Deus deorum in Sion 3. Dieu, mais Dieu des dieux, parce qu'il les fera des dieux par la claire vue de sa face. La plénitude; rien ne manque; le comble y est, la dernière main.

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Qui ne désire pas, qui ne gémit pas, qui ne soupire pas dans cette vie? Toute la nature est dans l'indigence. Gloire, puissance, richesses, abondance, noms superbes et magnifiques, choses vaines et stériles! Les biens que le monde donne accroissent certains désirs et en poussent d'autres semblables à ces viandes creuses et légères, qui pour n'avoir que du vent et non du suc ni de la substance, enflent et ne nourrissent pas, et amusent la faim plutôt qu'elles ne la contentent. Les grandes fortunes ont des besoins que les médiocres ne connoissent pas. Cette avidité de nouveaux plaisirs, de nouvelles inventions, marque de la pauvreté intérieure de l'ame. L'ambition compte pour rien tout ce qu'elle tient. Ne vous laissez pas éblouir à ces apparences, ce qui est richement couvert par le dehors n'est pas toujours rempli au dedans, et souvent ce qui semble regorger est vide.

Voulez-vous entendre la plénitude de la joie des saints: Alleluia, Amen, «louange à Dieu !» Ils ne prient plus, ils ne gémissent plus, la créature ne soupire plus et n'est plus dans les douleurs de l'enfantement. Elle ne dit plus : « Malheureux homme que je suis!» etc. Elle loue, elle triomphe, elle rend graces. Amen, hoc est verum; tota actio nostra, Amen et Alleluia erit. Tædium, l'ennui; fastidium, le dégoût. Non sonis transeuntibus dicemus :

1 I Joan., III, 2.

3 Psal. LXXXIII, 8.

2 Orat. XXI, tom. 1, p. 374; Epist. LXIII, ibid., p. 820.

(a) Var. Tout lumineux.

Amen, Alleluia, sed affectu animi. Deus veritas perpetua et incommutabiliter manens..... Amen utique dicemus, sed insatiabili satietate. Quia non deerit aliquid, ideo satietas; quia semper delectabit, ideo quædam, si dici potest, insatiabilis satietas erit. Quàm ergo insatiabiliter satiaberis veritate, tam insatiabili veritate dices: Amen, hoc est verum..... Vacate et videte..... Sabbatum perpetuum..... Et hæc erit vita sanctorum, hæc actio quietorum'..... Stabilitas ibi magna erit, et ipsa immortalitas corporis nostri jam suspendetur in contemplatione Dei..... Noli timere ne non possis semper laudare quem semper poteris amare2.

Les esprits impies n'entendent point cette joie : Hæc dicit Dominus populo huic, qui dilexit movere pedes suos, et non quievit, et Domino non placuit. Vacate et videte, gustate et videte. Quando dicitur quòd cætera subtrahuntur et solus Deus erit quo delectemur, quasi angustatur anima quæ consuevit multis delectari, et dicit sibi anima carnalis, carni addicta, visco malarum cupiditatum involutas pennas habens ne volet ad Deum, dicit sibi: Quid mihi erit ubi non manducabo, ubi non bibam, ubi cum uxore non dormiam? Quale gaudium mihi tunc erit? Hoc gaudium tuum de ægritudine est, non de sanitate..... Sunt quædam ægrotantium desideria ardent desiderio aut alicujus fontis, aut alicujus pomi; et sic ardent ut existiment quia... frui debeant desideriis suis. Venit sanitas, et perit cupiditas: quod desiderabat, fastidit, quia hoc in illo febris quærebat..... Cùm multa sint ægrotantium desideria quæ ista sanitas tollit.....:sic omnia tollit immortalitas, quia sanitas nostra immortalitas est".

Spes lactat nos, nutrit nos, confirmat nos.

Vacate et videte: ils ne connoissent point d'action sans agitation et ne croient pas s'exercer s'ils ne se tourmentent. Vacate et videte action paisible et tranquille. Voulez-vous, mes frères, que je vous en donne quelque idée? Souffrez que je vous fasse réfléchir encore une fois sur l'action qui vous occupe dans cette église. Vous m'écoutez, ou plutôt vous écoutez Dieu qui vous parle par ma bouche. Car je ne puis parler qu'aux oreilles, et

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c'est dans le cœur que vous êtes attentifs, où ma parole n'est pas capable de pénétrer. Je ne sais si cette parole a eu la grace de réveiller au dedans de vous cette attention secrète à la vérité qui vous parle au cœur; je l'espère, je le conjecture. J'ai vu, ce me semble, vos yeux et vos regards attentifs; je vous ai vus arrêtés et suspendus, avides de la vérité et de la parole de vie (a). Vous at-elle délectés? Vous a-t-elle fait oublier pour un temps les embarras des affaires, les soins empressés de votre maison, la recherche trop ardente des vains divertissemens (b)? Il me le semble, mes frères; vous étiez doucement occupés de la suavité de la parole. Qu'avez-vous vu? qu'avez-vous goûté? quel plaisir secret a touché vos cœurs? Ce n'est point le son de ma voix qui a été capable de vous délecter. Foible instrument de l'esprit de Dieu, discours fade et insipide, éloquence sans force et sans agrément, c'est ce qu'on peut par soi-même (c). Ce qui vous a nourris, ce qui vous a plu, ce qui vous a délectés, c'est la vue de la vérité.

Ainsi Marie, sœur de Marthe, étoit attentive aux pieds de Jésus et écoutoit sa parole. Ne vous étonnez pas de cette comparaison. Car encore que nous ne soyons que des hommes mortels et pécheurs, c'est cette même parole que nous vous prêchons. Ainsi elle s'occupoit du seul nécessaire, et prenoit pour soi la meilleure part qui ne pouvoit lui être ôtée. Qu'est-ce à dire qui ne peut lui être ôtée? Les troubles passent, les affaires passent, les plaisirs passent; la vérité demeure toujours et n'est jamais ôtée à l'ame qui s'y attache; elle la croit en cette vie, elle la voit en l'autre; en cette vie et en l'autre elle la goûte (d), elle en fait son plaisir et sa vie. Mais si cette vérité nous délecte quand elle nous est exprimée par des sons qui passent, combien nous ravira-t-elle quand elle nous parlera de sa propre voix éternellement permanente (e)? Ombres, énigmes, imperfection. Quelle sera notre vie lorsque nous la verrons à découvert! Ici nous proférons plusieurs paroles, et nous ne pouvons égaler même la simplicité de nos idées; nous parlons beaucoup, et disons peu. Combien donc sommes-nous éloignés de la grandeur de l'objet que nos idées représentent d'une

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(b) Plaisirs. (c) C'est ce que je puis par moi-même.— (e) Quand elle nous parlera par elle-même.

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manière si basse et si ravalée? Là une seule parole découvrira tout: Semel locutus est Deus : « Dieu a parlé une fois, » et il a tout dit. Il a parlé une fois, et en parlant il a engendré son Verbe (a), sa Parole, son Fils en un mot. C'est en ce Verbe que nous verrons tout. C'est en cette Parole que toute vérité sera ramassée. Et nous ne concevons pas une telle joie? Vacate et videte; sortez de l'empressement et du trouble, quittez les soins turbulens. Ecoutez la vérité et la parole: Gustate et videte: Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux; et vous concevrez ce ravissement, ce triomphe, cette joie infinie, intime, de la Jérusalem céleste.

Mais, mes frères, pour parvenir à ce repos, il ne nous faut donner aucun repos (b). Nul travail quand nous serons au lieu de repos; nul repos tant que nous serons au lieu de travail. Pour être chrétien, il faut sentir qu'on est voyageur; et celui-là ne le connoît pas, qui ne court point sans relâche à sa bienheureuse patrie. Ecoutez un beau mot de saint Augustin: Qui non gemit peregrinus, non gaudebit civis 2: « Celui qui ne gémit pas comme voyageur, ne se réjouira pas comme citoyen. » Il ne sera jamais habitant du ciel, parce qu'il séjourne trop volontiers sur la terre; et s'arrêtant où il faut marcher, il n'arrivera pas où il faut parvenir.

Mes frères, nous ne sommes pas encore parvenus, comme dit le saint Apôtre; notre consolation, c'est que nous sommes sur la voie. Jésus-Christ est « la voie, la vérité et la vie *. » C'est à lui qu'il faut tendre, et c'est par lui qu'il faut avancer. Mais, mes frères, dit saint Augustin, « cette voie veut des hommes qui marchent,» via ista ambulantes quærit; c'est-à-dire des hommes qui ne se reposent jamais, qui ne cessent jamais d'avancer, en un mot des hommes généreux et infatigables: Via ista ambulantes quærit; tria sunt genera hominum quæ odit : remanentem, retrò redeuntem, aberrantem ; écoutez: « Elle ne peut souffrir trois sortes d'hommes: ceux qui s'égarent, ceux qui retournent, ceux qui s'arrêtent; » ceux qui se détournent, ceux qui s'égarent, ceux

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1 Psal. LXI, 12.— a In Psal. CXLVIII, n. 4. — 3 Philip., 111, 12. — ↳ Joan., XIV, 6. – Serm. de Cantic. novo, n. 4.

(a) Var. : Il a parlé une fois; et toutefois cette expression telle quelle de la vérité a engendré son Verbe.....(b) Pour: il ne faut nous donner aucun repos.

qui sortent entièrement de la voie, ceux qui suivent leurs passions insensées et qui se précipitent aux péchés damnables.

Je n'entreprends pas de vous dire tous les égaremens et tous les détours; mais je vous veux donner une marque pour reconnoître la voie, la marque de l'Evangile, celle que le Sauveur nous a enseignée. Marchez-vous dans une voie large, dans une voie spacieuse; y marche-t-on à son aise, y marche-t-on avec la troupe et la multitude, avec le grand monde, etc.? ce n'est pas la voie de votre patrie. Vous n'êtes pas sur la voie; c'est la voie de perdition; le chemin de votre patrie est un sentier étroit et serré. Le train et l'équipage embarrasse dans cette voie; je veux dire l'abondance, la commodité. Les vastes désirs du monde ne trouvent pas de quoi s'y étendre. Les épines qui l'environnent se prennent à nos habits et nous arrêtent. Tous les jours il nous en coûte quelque chose, tantôt un désir et tantôt un autre, comme dans un chemin difficile le train diminue toujours; et tous les jours dans un sentier si serré, il faut laisser quelque partie de notre suite, c'est-à-dire quelqu'un de nos vices, quelqu'une de nos passions; tant qu'enfin nous demeurions seuls, nus et dépouillés, non-seulement de nos biens, mais de nous-mêmes. C'est Jésus-Christ, c'est l'Evangile! Qui de nous est tous les jours plus à l'étroit?

Ceux qui retournent en arrière, ils sont sur la voie, mais ils reculent plutôt que d'avancer. Entendons et pénétrons. Vous avez embrassé la perfection, vous avez choisi la retraite, vous vous êtes consacré à Dieu d'une façon particulière, vous avez banni les pompes du monde, vous avez appréhendé de plaire trop. Vous avez recherché les véritables ornemens d'une femme chrétienne, c'est-à-dire la retenue et la modestie, retranchant les vanités et le superflu. La prière, la prédication, les saintes lectures ont fait votre exercice le plus ordinaire. Vous vous lassez dans cette vie : vous ne sortez pas de la voie, vous ne vous précipitez pas aux péchés damnables; mais vous faites néanmoins un pas en arrière. Vous prêtez de nouveau l'oreille aux dangereuses flatteries du monde; vous rentrez dans ses joies, dans ses jeux et dans son commerce; vous prodiguez le temps que vous ménagiez; vous ôtez à la piété ses meilleures heures. Si vous ne quittez pas votre

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