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avoir de la haine contre ceux que nous désirons avoir éternellement pour amis? Vous ne pouvez donc pas prier pour eux sans les aimer sincèrement; et cependant Dieu vous oblige à prier pour eux. On ne considère pas jusqu'où va cette obligation. Quand vous dites : « Notre Père, délivrez-nous du mal, » vous demandez à Dieu qu'il détruise en nous ce règne du péché : vous ne parlez pas pour vous seul. Quoi! excluez-vous votre ennemi? Voulezvous qu'il soit damné? Loin de la douceur chrétienne une vengeance si enragée et digne d'un démon et non pas d'un homme! Si vous l'y comprenez, le demandez-vous sincèrement? C'est devant Dieu que vous parlez donc en demandant que Dieu le délivre d'un si grand mal, pouvez-vous lui désirer aucun mal? Il n'y a que la charité qui prie : si vous n'avez la charité, votre intention dément vos paroles; et quand la bouche les nomme, le cœur les exclut.

Qu'il n'en soit pas ainsi, chrétiens; répandons devant notre Dieu des vœux sincères pour nos ennemis, et qu'il n'y ait personne en qui nous ne souhaitions que le règne du péché se détruise (a): comprenons-y tous nos ennemis et tous les ennemis de l'Eglise. Si le péché n'eût régné en eux, ils ne se seroient pas séparés de notre unité. L'ambition, l'amour de soi-même et de ses propres opinions, c'est ce qui a causé ce schisme, c'est ce qui a fait naître cette division scandaleuse. Seigneur, vengez-nous de ces ennemis, et vengez votre Eglise à qui ils ont arraché tant de ses enfans. Dieu l'a déjà fait, chrétiens; ils se sont divisés, et il les divise : « Ils ont pris le glaive de division, » et ils ont déchiré l'Eglise de Dieu: Ipsi habent gladium divisionis. « Mais parce que le Fils de Dieu a dit véritablement que celui qui frapperoit par le glaive mourroit par le glaive, voyez ceux qui se sont retranchés de l'unité, en combien de morceaux ils sont partagés : » Sed quia verum dixerat Dominus : Qui gladio percutit, gladio morietur, videte illos, fratres mei, qui se ab unitate præciderunt, in quot frusta præcisi sunt '. Luthériens, calvinistes, anabaptistes, sociniens, arminiens et tant d'autres; autant d'opinions que de 1 De Agon. Christ., n. 31.

(a) Var.: Soit anéanti.

TOM. VIII.

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SERMON POUR LE VENDREDI APRÈS LES CENDRES.

têtes en Angleterre. Dieu a vengé son Eglise; ils n'ont pas voulu l'unité, ils seront divisés même parmi eux. Seigneur, ce n'est pas là toute la vengeance : détruisez le règne du péché en eux, ramenez-les au règne de la charité : c'est ce que l'Eglise demande, c'est pourquoi elle gémit et elle soupire.

Vous voyez des fruits de ses prières en ces nouveaux enfans, qui sont venus chercher en son sein la vie qui ne se peut trouver dans une autre source. Mes frères, je les recommande à vos charités. Vous êtes las peut-être de les entendre si souvent recommander aux prédicateurs; et nous pouvons vous avouer devant ces autels que nous sommes las de le faire : non pas que nous nous lassions de demander du secours pour des misérables, car à quoi peuvent être mieux employées nos voix? Nous ne rougissons pas de quêter pour elles, nous ne nous lassons pas de parler pour elles mais nous rougissons pour vous-mêmes de ce qu'il faut encore vous le demander; de ce qu'après qu'on a crié depuis tant d'années au secours pour ces pauvres filles qui sont venues à l'Eglise et qui n'y peuvent trouver du pain, qui ont couru à nous et que notre lâcheté abandonne, on crie et l'on crie vainement; tant de prédicateurs vous l'ont dit, et le zèle ne s'échauffe pas, etc.

SERMON

POUR

LE SAMEDI APRÈS LES CENDRES,

SUR L'ÉGLISE (a).

Erat navis in medio mari.

Le navire étoit au milieu de la mer. Marc., VI, 47.

Le mystère de l'Evangile, c'est l'infirmité et la force unies, la grandeur et la bassesse assemblées. Ce grand mystère (b), Messieurs, a paru premièrement en notre Sauveur, où la puissance divine et la foiblesse humaine s'étant alliées, composent ensemble ce tout admirable que nous appelons Jésus-Christ; mais ce qui paroît en sa personne, il a voulu aussi le faire éclater dans l'Eglise qui est son corps, « où une partie triomphe par les miracles, l'autre succombe sous les outrages qu'elle reçoit : » Unum

(a) Premier point. - Dans l'homme, un esprit de contrariété à l'Evangile. Eglise victorieuse dans les persécutions. Sæpe expugnaverunt me (Psal. CVIII, 3). Second point.-Curiosité. Ses tempêtes. Ascendunt usque ad cœlos (Psal. cv1, 26). Ses bornes comme à la mer.

Autorité, infaillibilité de l'Eglise.

Troisième point. - Eglise diminuée en sa foi par la multiplication de ses enfans. Salvien. Multiplicati sunt super numerum (Psal. XXXIX, 6).

Pourquoi les bons parmi les méchans?

Nulle impatience de ce mélange.

Ce sermon a été prêché le 21 février 1660, dans la maison des Nouveaux Catholiques.

La maison des Nouveaux Catholiques rendoit aux hommes qui embrassoient la foi, les mêmes services que la maison des Nouvelles Catholiques rendoit aux femmes dans la même circonstance. Ces deux établissemens avoient été dotés par le marquis de Morangis, et le premier se trouvoit rue de Seine-Saint-Victor. La liste des prédicateurs qui devoient prêcher le Carème de 1660, après avoir nommé Bossuet pour l'église des Minimes, ajoute: « Aux filles Nouvelles Catholiques, le premier vendredi de Carême, M. Bossuet; aux hommes Nouveaux Catholiques, le premier samedi, M. Bossuet. » Voir la note du sermon précédent.

(b) Var. Ce mystère admirable.

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horum coruscat miraculis, aliud succumbit injuriis 1. C'est pourquoi nous voyons dans son Ecriture que tantôt cette Eglise est représentée comme une maison bâtie sur une pierre immobile, et tantôt comme un navire qui flotte au milieu des ondes au gré des vents et des tempêtes; si bien qu'il paroît, chrétiens, qu'il n'est rien de plus foible que cette Eglise, puisqu'elle est ainsi agitée; et qu'il n'est rien aussi de plus fort, puisqu'on ne la peut jamais renverser et qu'elle demeure toujours immuable malgré les efforts de l'enfer. L'évangile de cette journée nous la représente « parmi les flots » Erat navis in medio mari, « portée deçà et delà par un vent contraire : » Erat enim ventus contrarius 3. Et ce qui est de plus surprenant, c'est que Jésus, qui est son appui, semble l'abandonner à la tempête; il s'approche « et il veut passer, » comme si son péril ne le touchoit pas : Et volebat præterire eos. Toutefois ne croyez pas qu'il l'oublie; il permettra bien que les flots l'agitent, mais non pas qu'ils la submergent ni qu'ils l'engloutissent. Il commande aux vents, et « ils s'apaisent; il entre dans le navire, et il arrive sûrement au port: » Ascendit in navim, et cessavit ventus et applicuerunt, afin, Messieurs, que nous entendions qu'il n'y a rien à craindre pour l'Eglise, parce que le Fils de Dieu la protége. J'entreprends aujourd'hui de vous faire voir cette vérité importante; et afin que vous en soyez convaincus plus facilement, je laisse les raisonnemens recherchés pour l'établir solidement par expérience.

Considérez en effet, Messieurs, les trois furieuses tempêtes qui ont troublé l'état de l'Eglise. Aussitôt qu'elle a paru sur la terre, l'infidélité s'est élevée, et elle a excité les persécutions; après, la curiosité s'est émue, et elle a fait naître les hérésies; enfin la corruption des mœurs a suivi, qui a si étrangement soulevé les flots, « que la nacelle y a paru (a) presque enveloppée : » Ita ut navicula operiretur fluctibus. Voilà, mes frères, les trois tempêtes qui ont successivement tourmenté l'Eglise (b). Les infidèles se sont assemblés pour la détruire par les fondemens; les hérétiques en sont

1 S. Leo, serm. III De Pass. Domin., cap. II. 2 Luc., VI, 48.
6 Matth., VIII,
5 Ibid., 51, 53.
24.

VI, 48..

Ibid.

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(6) Dont l'Eglise a été tourmentée.

3 Marc.,

sortis pour lui arracher ses enfans et lui déchirer les entrailles; et si enfin les mauvais chrétiens sont demeurés dans son sein, ce n'est que pour lui porter le venin jusque dans le cœur (a). Il faut donc bien, mes frères, que cette Eglise soit bien appuyée et bien fortement établie, puisqu'au milieu de tant de traverses, malgré l'effort des persécutions, elle s'est soutenue par sa fermeté; malgré les attaques de l'hérésie, elle a été la colonne de la vérité; malgré la licence des mœurs dépravées, elle demeure le centre de la charité. Voilà le sujet de cet entretien et les trois points de cette méditation.

PREMIER POINT.

Comme l'Eglise n'a plus à souffrir la tempête des persécutions, je passerai légèrement sur cette matière; et néanmoins je ne laisserai pas, si Dieu le permet, de toucher des vérités assez importantes. La première sera, chrétiens, qu'il ne faut pas s'étonner si l'Eglise a eu à souffrir quand elle a paru sur la terre, ni si le monde l'a combattue de toute sa force. Il étoit impossible qu'il ne fût ainsi; et vous en serez convaincus, si vous savez connoître ce que c'est que l'homme. Je dis donc que nous avons tous dans le fond du cœur un principe d'opposition et de répugnance à toutes les vérités divines; en telle sorte que l'homme laissé à lui-même, nonseulement ne peut les entendre, mais qu'ensuite il ne les peut souffrir; et qu'en étant choqué au dernier point, il est comme forcé de les combattre. Ce principe de répugnance s'appelle dans l'Ecriture « infidélité',» ailleurs « esprit de défiance',» ailleurs « esprit d'incrédulité 3. » Il est dans tous les hommes; et s'il ne produit pas en nous tous ses effets, c'est la grace de Dieu qui l'empêche.

Si vous remontez jusqu'à l'origine, vous trouverez, Messieurs, que deux choses produisent en nous cette répugnance : la première, c'est l'aveuglement; la seconde, la présomption. L'aveuglement, Messieurs, nous est représenté dans les Ecritures par une façon de parler admirable. Elles disent que « les pécheurs ont

1 Luc., IX, 41, etc. 2 Ephes., II, 2. 3 Coloss., III,

6.

(a) Var. Et enfin les mauvais chrétiens ne sont demeurés dans son sein qu'afin de porter le venin jusque dans son cœur.

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