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donner; et il l'est aussi de la nôtre, par laquelle nous promettons de nous corriger. Nous avons pris à témoin son corps et son sang qui a scellé la réconciliation à la sainte table; et après la grace obtenue, nous cassons un acte si solennel, nous nous repentons de notre pénitence, nous retirons de la main de Dieu les larmes que nous lui avions consacrées, nous désavouons nos promesses, et c'est Jésus-Christ même qui en est garant (a); nous nous étions réconciliés avec Dieu, son amitié nous est importune (b); et pour comble d'indignité, nous renouons avec le diable le traité que nous avions rompu par la pénitence (c)! Vous en frémissez; mais c'est néanmoins ce que nous faisons toutes les fois que nous perdons par de nouveaux crimes la justice réparée par la pénitence. Voilà les sentimens que nous avons de Dieu; si notre bouche ne le dit pas, nos œuvres le crient; et c'est le langage que Dieu entend.

Après des profanations si étranges, croyons-nous que la miséricorde divine nous sera toujours également accessible? Elle ne veut point être méprisée : ah! « ne vous y trompez pas, dit l'Apôtre; on ne se moque pas ainsi de Dieu1. » Et s'il est vrai ce que nous disons, que les difficultés s'augmentent toujours, que Dieu devient toujours plus inexorable, lorsque nous manquons à la foi donnée, mon Sauveur, où en sommes-nous après tant de réconciliations inutiles? Craignons-nous pas que le temps approche qu'il nous rejettera de devant sa face et que le ciel deviendra de fer sur nos têtes? Malheureux! ne sentons-nous pas que la miséricorde se lasse et que nous commençons à lui être à charge? Ah! nous la méprisons trop souvent. C'est un beau mot de Tertullien dans le livre de la Pénitence 2, que les pécheurs réconciliés qui retournent à leurs premiers crimes, sont à charge à la misericorde divine; et il importe que vous entendiez sa pensée. Un pauvre homme accablé de misère vous demande votre assistance; yous soulagez sa nécessité, mais vous ne pouvez pas l'en tirer; il revient à vous avec crainte, à peine ose-t-il vous parler; mais sa pauvreté, sa misère, et plus encore sa retenue parlent assez pour

1 Galat., VI, 7. - 2 Tertull., De Pœnit, n. 5. (a) Var. Et Jésus-Christ en est garant. (b) Nous nous lassons de son amitié. - (c) Le traité que la pénitence avoit annulé.

lui; il ne vous est pas à charge. Mais un autre vient à vous, qui vous presse, qui vous importune: vous vous excusez; il ne vous prie pas, il semble exiger, comme si votre libéralité étoit une dette; c'est celui-là qui vous est à charge, vous cherchez tous les moyens de vous en défaire. Un chrétien a succombé à quelque tentation violente; quelque temps après il revient : Qu'ai-je fait, et où me suis-je engagé? La larme à l'œil, le regret dans l'ame, la confusion sur la face, il demande qu'on lui pardonne; et ensuite il en devient plus soigneux. Je l'ose dire, il n'est point à charge à la miséricorde divine; mais c'est toi, pécheur endurci, tant de fois réconcilié et aussi souvent infidèle, qui prétends faire un circuit éternel de la grace au crime, du crime à la grace, et qui crois la pouvoir toujours perdre et recevoir quand tu le voudras, comme si c'étoit un bien qui te fût acquis : si tu lui es à charge, elle ne te fait du bien qu'à regret, et bientôt elle cessera de t'en faire. Tu es à charge à la miséricorde divine; tu es de ceux dont il est écrit que « Dieu a les oblations en horreur : » Laboravi sustinens1 : «Ils me sont à charge. » Il déteste tes pénitences stériles et tes réconciliations si souvent trompeuses. Et comment pourroit-il aimer un arbre qui ne lui produit jamais aucun fruit? Ah! réveillons-nous, il est temps; il est temps plus que jamais que nous commencions à faire des fruits dignes de la pénitence. Après cette réunion solennelle de Dieu avec nous, et ce grand renouvellement que le jubilé a fait en nos ames, commençons à vivre (a), fidèles, avec notre Dieu comme des pécheurs réconciliés, comme des rebelles reçus en grace; respectons la miséricorde qui nous a sauvés et la foi que nous lui avons engagée. Car si nous continuons à lui être à charge, à la fin elle se défera tout à fait de nous; et retirant les remèdes dont nous abusons, elle nous laissera languir dans nos maladies. C'est la seconde considération que je vous propose pour vous obliger, chrétiens, à être fidèles à la pénitence, parce que ce remède est si nécessaire qu'on se jette dans un grand péril, quand on se le rend inutile.

1 Isa., 1, 14.

(a) Var. Vivons.

SECOND POINT.

Une des qualités de l'Eglise qui est le plus (a) célébrée dans les Ecritures, c'est sa perpétuelle jeunesse et sa nouveauté qui dure toujours. Et si peut-être vous vous étonnez qu'au lieu que la nouveauté passe en un moment, je vous parle d'une nouveauté qui ne finit point, il m'est aisé, fidèles, de vous satisfaire. L'Eglise chrétienne est toujours nouvelle, parce que l'esprit qui l'anime est toujours nouveau, selon ce que dit l'apôtre saint Paul: « Ne vivons plus en l'antiquité de la lettre, mais en la nouveauté de l'esprit ; » et parce que cet esprit est toujours nouveau, il renouvelle de jour en jour les fidèles. Et pour pénétrer encore plus loin, comme dit le même saint Paul, « il est renouvelé de jour en jour » Renovatur de die in diem ; d'où résulte cet effet merveilleux, qu'au lieu que selon la vie animale plus nous avançons dans l'âge plus nous vieillissons, l'homme spirituel au contraire, plus il s'avance plus il rajeunit.

Pour comprendre cette vérité, considérons trois états divers par lesquels doivent passer les enfans de Dieu. Il y a celui de la vie présente; après, la félicité dans le ciel; et enfin la résurrection générale; et ces trois états différens sont en quelque sorte trois différens àges par lesquels les enfans de Dieu croissent à la perfection consommée de la plénitude de Jésus-Christ, comme parle l'apôtre saint Paul3. La vie présente est comme l'enfance, la force de l'âge suivra dans le ciel, et enfin la maturité dans la dernière résurrection. Dans ce premier âge, fidèles, c'est-à-dire dans le cours de la vie présente, nous apprenons du divin Apôtre que l'homme intérieur, au lieu de vieillir, se renouvelle de jour en jour; et comment ? Parce qu'il détruit en lui-même de plus en plus ce qu'il a hérité du premier Adam, c'est-à-dire le péché et la convoitise; c'est ce qui s'appelle vieillesse. De là il entrera dans le second âge, c'est-à-dire dans la vie céleste dont jouissent les saints avec Jésus-Christ. Vous voyez qu'il avance en âge; en est-il plus vieux? Nullement; au contraire il est plus nouveau, il est plus 1 Rom., VII, 6. — II Cor., IV, 16. — Ephes., IV, 13. (a) Var. Autant.

jeune qu'en son enfance, parce qu'il a moins de la vieillesse d'Adam. Enfin le dernier âge des enfans de Dieu, c'est la résurrection générale; et parce que c'est leur dernier âge, c'est aussi la jeunesse la plus florissante, où l'homme est renouvelé en corps et en ame, où toute la vieillesse d'Adam est anéantie: Renovabitur ut aquila juventus tua'. Tellement que l'Eglise, au lieu de vieillir, se renouvelle de jour en jour dans ses membres vivans et spirituels, et la raison de cette conduite est très-évidente; c'est que l'homme animal vieillit toujours, parce qu'il tend continuellement à la mort; au contraire (a) l'homme spirituel rajeunit toujours, parce qu'il tend continuellement à la vie, et à une vie immortelle.

Et c'est par là que nous entendons la nature de la pénitence. Ne nous imaginons pas (b), chrétiens, que ce soit une action qui passe, parce que c'est un renouvellement; et le renouvellement du fidèle doit être une action continuée durant tout le cours de la vie. C'est cette fausse imagination qui rend ordinairement nos confessions inutiles; nous croyons avoir assez fait, quand nous avons pourvu au passé Je me suis confessé, disent les pécheurs, j'ai mis ma conscience en repos ; pour l'avenir, on n'y pense pas. C'est là tout le fruit de la pénitence. Vous croyez avoir beaucoup fait, et moi je vous dis avec Origène : Détrompez-vous, désabusez-vous; la principale partie reste encore à faire. « Ne croyez pas que ce soit assez de vous être renouvelés une fois ; il faut renouveler la nouveauté même » Neque enim putes quòd innovatio vitæ, quæ dicitur semel facta, sufficiat ; ipsa etiam novitas innovanda est 2. C'est pourquoi il a fallu, chrétiens, que le remède de la pénitence fùt institué avec une double vertu : il falloit qu'il guérît le mal passé, il falloit qu'il prévint le mal à venir; et c'est le devoir de la pénitence de se partager également entre ces deux soins, et en voici la raison solide. Le péché a une double malignité : il a de la malignité en lui-même, il en a aussi dans ses suites: il a de la malignité en lui-même, parce qu'il nous fait perdre le don de justice, cela est bien clair; il a de la malignité dans ses suites, parce 1 Psal. CII, 5. 2 Origen., lib. V in Epist. ad Rom., n. 8. (a) Var. Par contrariété de raison.

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(b) Il ne faut pas se persuader.

qu'il abat les forces de l'ame; c'est ce qui mérite un peu plus d'explication. Je dis donc qu'il nous affoiblit parce qu'il nous divise, et tout ce qui divise les forces les affoiblit. De là vient que le Sauveur dit : « Un royaume divisé tombera bientôt1. » Et qu'est-ce qui fait gémir l'apôtre saint Paul, sinon cette division qu'il sent en luimême entre l'esprit qui se plaît au bien et la convoitise qui l'attire au mal? De là naissent toutes nos foiblesses, parce que la volonté languissante entre l'amour du bien et du mal se partage et se déchire elle-même. Or le péché laisse toujours dans notre ame une nouvelle impression qui nous porte au mal, et il joint le poids de la mauvaise habitude à celui de la convoitise; de sorte qu'il fortifie la rébellion, et ensuite il abat d'autant plus nos forces. Et, fidèles, ce qui est terrible, c'est que lorsqu'on éteint le péché, lorsqu'on l'efface par la pénitence, l'habitude ne laisse pas que de vivre. Ah! l'expérience nous l'apprend assez. Et cette pernicieuse habitude, c'est une pépinière de nouveaux péchés; c'est un germe que le péché laisse, par lequel il espère revivre bientôt; c'est un reste de racine qui fera bientôt repousser cette mauvaise herbe. Il paroît donc manifestement que le péché a une double malignité; qu'il a de la malignité en lui-même, et qu'il en a aussi dans ses suites. Contre cette double malignité, ne falloit-il pas aussi, chrétiens, que le remède de la pénitence reçût une double vertu ? Il falloit qu'elle effaçât le péché, il falloit qu'elle s'opposât à ses suites, qu'elle fût un remède pour le passé et une précaution pour l'avenir. Si nous sommes morts au péché, c'est pour n'y plus vivre : si l'on détruit en nous le corps du péché, c'est afin que nous ne retombions plus dans la servitude. Ainsi la pénitence doit guérir le mal, mais elle le doit aussi prévenir.

Telle est la nature de ce remède, telles sont ses deux qualités, toutes deux également saintes, toutes deux également nécessaires. Il ne te sert de rien de le recevoir dans la première de ses - qualités, si tu le violes dans la seconde. En effet que penses-tu faire? tu es soigneux de laver tes péchés passés, et après tu te relâches et tu te reposes, tu négliges de prévenir les maux à venir. La pénitence se plaint de toi : J'ai, dit-elle, deux qualités : je gué1 Matth., XII, 25. — 2 Rom., VII, 18 et seq.

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