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veut, mais pour vouloir ce qu'il entend. » Aimons donc qu'on nous mène par les sentiers droits, laissons les voies détournées à ceux qui ne craignent pas de hasarder leur éternité. Aimons ce qui abat le règne du péché, la tyrannie de la convoitise, ce qui fait vivre l'esprit. Si cette voie est pénible, consolons-nous, chrétiens; la voie des passions ne l'est guère moins, elle l'est même beaucoup davantage : ce n'est pas seulement la raison qui les combat, elles se contrarient les unes les autres; le monde les traverse. Nul ne fait moins ce qu'il veut que celui qui veut faire tout ce qu'il veut. Car pendant que chacun s'abandonne à ses volontés, elles se heurtent mutuellement; et pendant que je lâche la bride à ma volonté, je me trouve arrêté tout court par la volonté d'autrui, qui n'est pas moins violente (a). Tales cupiditates faciliùs resecantur in eis qui Deum diligunt, quàm in eis qui mundum diligunt aliquando satiantur. Modérons-les donc plutôt dans la source même; que ce soit plutôt la raison qui retienne nos volontés précipitées, qu'une malheureuse nécessité qui ajoute au désir d'avoir la rage de n'avoir pas. (b) Si la vertu est un fardeau, celui que le monde impose est beaucoup plus dur; et le joug de Jésus-Christ n'est pas seulement le plus honnête, mais encore le plus doux et le plus léger : Onus meum leve 2.

Mais pendant que vous vous ferez à vous-mêmes une sainte violence pour mortifier en vous les mauvais désirs et dompter vos passions déréglées, ne croyez pas, ô enfans de Dieu, que ce bon Père vous laisse en repos de son côté. Autrefois, durant la loi de Moïse, il promettoit les fruits de la terre à ceux qui marchoient dans ses commandemens (c). Il n'en est pas de la sorte sous celui qui a dit dans son Evangile que « son royaume n'est pas de ce monde. » Au contraire, depuis qu'il s'est livré lui-même à la mort, et à la mort de la croix comme une victime volontaire, il veut que nous croyions malgré tous nos sens que les souffrances

1 S. August., Epist. ccxx ad Bonif., n. 6.—2 Matth., XI, 30.— 3 Joan., XVIII, 36. (a) Var.: Pendant que notre volonté surmonte les empèchemens que la raison formoit au dedans, elle se trouve empêchée par la volonté des autres. (b) Note marg. Quiconque ne résiste pas à ses volontés, il est injuste au prochain, incommode au monde, outrageux à Dieu, pénible à lui-même. (c) Var. Qui gardoient ses commandemens.

sont une grace, et les persécutions une récompense. « Personne, dit le Fils de Dieu, ne quittera les avantages du monde pour moi et pour l'Evangile, qu'il ne reçoive le centuple dès le temps présent, avec des persécutions, et dans le siècle à venir la vie éternelle: » Qui non accipiet centies tantùm, nunc in tempore hoc..., cum persecutionibus, et in futuro sæculo vitam æternam 1. Pour la peine d'avoir tout quitté, vous recevrez d'autres peines. Tous n'entendent pas cette parole; mais qui a des oreilles pour écouter, qu'il écoute; qui a le cœur ouvert à l'Evangile, qu'il entende ces vérités et qu'il adore leur salutaire (a) rigueur. Oui, je le dis encore une fois, les grandes prospérités ordinairement sont des supplices, et les châtimens sont des graces. « Car qui est le fils, dit l'Apôtre 2, que son père ne corrige pas? car le Seigneur châtie miséricordieusement les enfans qu'il aime. Ainsi persévérez (b) sous sa discipline. Que s'il néglige de vous corriger, poursuit le grand Paul, c'est donc qu'il ne vous tient pas pour des enfans légitimes, mais pour des enfans d'adultère: » Ergo adulteri, et non filii estis. S'il vous épargne la verge et la correction, craignez qu'il ne vous réserve au supplice.

Il n'est pas à propos que tout nous succède : il est juste que la terre refuse ses fruits à qui a voulu goûter le fruit défendu. Après avoir été chassés du paradis, il faut que nous travaillions avec Adam, et que ce soit par nos fatigues et par nos sueurs que nous achetions (c) le pain de vie. Quand tout nous rit dans le monde, nous nous y attachons trop facilement; le charme est trop puissant et l'enchantement est trop fort. Ainsi, mes frères, si Dieu nous aime, croyez qu'il ne permet pas que nous dormions à notre aise dans ce lieu d'exil. Il nous trouve dans nos vains divertissemens, il interrompt le cours de nos imaginaires félicités, de peur que nous ne nous laissions entraîner aux fleuves de Babylone, c'est-à-dire au courant des plaisirs qui passent. Croyez donc trèscertainement, ô enfans de la nouvelle alliance, que lorsque Dieu vous envoie des afflictions, c'est qu'il veut briser les liens (d) qui

1 Marc., x, 29, 30.

(a) Var. Sainte.

2 Hebr., XII, 6, 7,

(b) Demeurez done.

8.

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(c) Que nous mangions. (d) Lorsqu'il vous arrive des afflictions, c'est que Dieu veut briser les liens, etc.

vous tenoient attachés au monde, et vous rappeler à votre patrie. Ce soldat est trop lâche qui veut toujours être à l'ombre, et c'est être trop délicat que de vouloir vivre à son aise et en ce monde et en l'autre. Il est écrit : « Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez un jour 1. » Ne t'étonne donc pas, chrétien, si Jésus-Christ te donne part à ses souffrances, afin de t'en donner à sa gloire; et si de tant d'épines qui percent sa tête, il t'en fait sentir quelquesunes (a). Est-ce être maltraité que d'être traité comme JésusChrist? Est-ce être maltraité que d'être inquiété où le plus grand malheur c'est d'être en repos?

Par conséquent, chrétiens, montons avec Jésus-Christ en Jérusalem prenons part à ses opprobres et à ses souffrances, buvons avec lui le calice de sa passion. La matière ne manquera pas à la patience. La nature a assez d'infirmités, le monde assez d'injustices, ses affaires assez d'épines, ses faveurs assez d'inconstances, ses rebuts assez d'amertumes, ses engagemens les plus agréables assez de captivités. Il y a assez de bizarreries dans le jugement des hommes et assez de contrariétés dans leurs humeurs. Ainsi de quelque côté et par quelque main que la croix de Jésus-Christ nous soit présentée, embrassons-la avec joie, et portons-la du moins avec patience. « Regardez, dit le saint Apôtre, Jésus-Christ qui nous a donné et qui couronne notre foi. Songez que la joie lui étant offerte, il a préféré la croix, il a choisi la confusion; et maintenant il est assis glorieux à la droite de son Père. Pensez donc sérieusement à celui qui a souffert une si horrible persécution par la malice des pécheurs, afin que votre courage ne défaille pas et que votre espérance demeure ferme » Ut ne fatigemini animis vestris deficientes *.

Quels vices avons-nous corrigés? quelles passions avons-nous domptées? quel usage avons-nous fait des biens et des maux de la vie? Et populus ejus non est reversus ad percutientem se, et Dominum exercituum non exquisierunt. Quand Dieu a diminué nos biens, avons-nous songé en même temps à modérer nos excès ? Quand la fortune nous a trompés, avons-nous tourné notre 3 Isa., IX, 13.

1 Luc., VI, 25.

- 2 Hebr., XII, 3.

(a) Var. Et s'il te fait sentir les piqûres des épines qui percent sa tête.

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cœur aux biens qui ne sont point de son ressort ni de son empire? Au contraire n'avons-nous pas été de ceux dont il est écrit: Dissi– pati sunt, nec compuncti : « Ils ont été affligés sans être touchés de componction? » Serviteurs opiniâtres et incorrigibles, qui se révoltent même sous la verge, frappés et non corrigés, abattus et non humiliés, châtiés et non convertis. Pharaon endurcit son cœur sous les coups redoublés de la justice : la mer l'engloutit dans ses abîmes.

O Dieu, que nous recevons mal les afflictions! Nous sentons la peine du péché, et nous n'en fuyons pas (a) la malice. Notre foiblesse gémit sous les fléaux de Dieu, et notre cœur endurci ne se change pas. «Quand il appuie sa main, nous promettons de nous convertir; s'il retire son glaive, nos promesses s'évanouissent; s'il frappe, nous crions qu'il nous pardonne; s'il pardonne, nous le contraignons de redoubler ses coups: » Si feriat, clamamus ut parcat; si parcit, iterum provocamus ut feriat 2. L'impatience nous emporte, s'il tarde à nous secourir; nous redevenons insolens, s'il est prompt et facile à se relâcher; sous les coups nous reconnoissons la justice qui nous châtie, et après nous oublions la bonté qui nous épargne. Quand nous sommes pressés par la maladie, nous demandons du temps pour nous convertir; si Dieu nous rend la santé, nous nous moquons, nous abusons de la patience qui nous attend. Prenez garde seulement; n'irritez pas Dieu par vos murmures et n'aigrissez pas vos mâux par l'impatience.

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Vous qui n'avez que Dieu pour témoin, vous qui êtes à la croix avec Jésus-Christ, non comme le voleur qui blasphème, mais comme le pénitent qui se convertit, hodie mecum eris in paradiso: hodie, aujourd'hui, quelle promptitude! mecum, avec moi, quelle compagnie! in paradiso, dans le paradis, quel repos!

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2 Ex Miss. Gallic., tom. II Annal. Eccl. Franc., p. 505.

(a) Var.: Nous n'en évitons pas.

SECOND SERMON

POUR

LE DIMANCHE DE LA QUINQUAGÉSIME (a).

Cogitavi vias meas, et converti pedes meos in testimonia tua. Psal. cxvIII, 59.

Puisque la licence effrénée tient maintenant ses grands jours; puisqu'en haine de la pénitence que nous allons bientôt commencer, le diable s'efforce de noircir ces jours par l'infamie de tant d'excessives débauches, c'est une institution sainte et salutaire de les sanctifier autant que nous le pourrons par des prières publiques et par la parole divine. Mais comme durant ce temps les hommes ensevelis dans le vin, la bonne chère, les délices brutales, semblent avoir oublié qu'ils sont faits à l'image de Dieu (b), puisqu'ils égalent leur félicité à celle des bêtes brutes, j'ai cru que je ferois une chose fort profitable à votre salut, si je vous représentois aujourd'hui avec le prophète David les vrais devoirs de la vie humaine. C'est pourquoi j'ai choisi ce verset du psaume cxvi, où ce grand roi et ce grand prophète, après avoir considéré ce qu'il a à faire en ce monde, nous déclare tout ouvertement qu'il n'a point trouvé de meilleures voies que celles de la loi de Dieu : « J'ai étudié mes

(a) Ce sermon, ou du moins le fond de ce sermon a été prêché deux fois; car il a deux exordes, dont l'un porte dans l'appellation, mes frères, et l'autre, mes sœurs. Les critiques pensent qu'il a été prêché la seconde fois dans le Carême de 1661, aux Carmélites de la rue Saint-Jacques. La noblesse du style et l'élévation des idées révèlent manifestement la grande époque de l'orateur; mais quelques expressions surannées ne permettent pas de revenir dans cette époque en deçà de la date indiquée. Nous lisons, par exemple: «Si est-ce toutefois. Durant ces trois jours (de carnaval) des hommes de terre et de boue mènent... une vie plus brutale que les bêtes brutes... Ils me font parade de leur bonne chère, ils se vantent de leurs bons morceaux. - L'utilité de cette médecine (la pénitence) nous en fera digérer l'amertume. »

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Disons maintenant que le commencement du manuscrit porte ces mots : « Pour les jours du carnaval, prêché avant le Carême. » Notre sermon a donc été prononcé, la première fois, dans les jours du carnaval qui précéda le Carême de 1661. Enfin les éditeurs avoient mêlé plusieurs phrases et plusieurs passages du second exorde dans le premier.

(b) Var. De leur Créateur.

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