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Mais, mes frères, ce n'est pas à moi de publier ces merveilles (a), pendant que le Saint-Esprit nous représente si vivement la joie triomphante de la céleste Jérusalem par la bouche du prophète Isaïe. « Je créerai, dit le Seigneur, un nouveau ciel et une nouvelle terre, et toutes les angoisses seront oubliées et ne reviendront jamais » Oblivioni traditæ sunt angustiæ priores, et non ascendent super cor1. « Mais vous vous réjouirez, et votre ame nagera dans la joie (b) durant toute l'éternité dans les choses que je crée pour votre bonheur : » Gaudebitis et exultabitis usque in sempiternum in his quæ ego creo. « Car je ferai que Jérusalem sera toute transportée d'allégresse et que son peuple sera dans le ravissement: » Quia ecce ego creo Jerusalem exultationem et populum ejus gaudium. «Et moi-même je me réjouirai en Jérusalem, et je triompherai de joie dans la félicité de mon peuple : » Et exultabo in Jerusalem, et gaudebo in populo meo.

Voilà de quelle manière le Saint-Esprit nous représente les joies de ses enfans bienheureux. Puis se tournant à ceux qui sont sur la terre, à l'Eglise militante, il les invite en ces termes à prendre part aux transports de la sainte et triomphante Jérusalem. « Réjouissez-vous, dit-il, avec elle, ô vous qui l'aimez : réjouissez-vous avec elle d'une grande joie, et sucez avec elle par une foi vive la mamelle de ses consolations divines, afin que vous abondiez en délices spirituelles, parce que le Seigneur a dit: Je ferai couler sur elle un fleuve de paix, et ce torrent se débordera avec abondance: toutes les nations de la terre y auront part; et avec la même tendresse qu'une mère qui caresse son enfant (c), ainsi je vous consolerai, dit le Seigneur.» (d) Quel cœur seroit insensible à ces divines tendresses? Aspirons à ces joies célestes, qui seront d'autant plus touchantes qu'elles seront accompagnées d'un parfait repos, parce que nous ne les pourrons jamais perdre. Quittons, mes 1 Isa., LXV, 16 et seq.

(a) Vur.: Ces divines joies. — (b) Tressaillera d'allégresse. (c) Et de même qu'une mère flatte son enfant. (d) Note marg. : Lætamini cum Jerusalem, et exultate in eâ omnes qui diligitis eam; gaudete cum eâ gaudio....., ut sugatis et repleamini ab ubere consolationis ejus, ut mulgeatis et deliciis affluatis ab omnimodâ gloriâ ejus. Quia hæc dicit Dominus: Ecce ego declinabo super eam quasi fluvium pacis et quasi torrentem inundantem gloriam gentium..... Quomodo si cui mater blandiatur, ita ego consolabor vos (Isa., LXVI, 10 et seq.)..

frères, tous nos vains plaisirs; c'est la maladie qui les désire. (a) Que de désirs différens sentent les malades! La santé revient et tous ces appétits déréglés s'évanouissent. Ne mettons point notre bonheur à contenter ces appétits irréguliers que la maladie a fait naître. Qu'a le monde de comparable? Mais s'il se vante de donner des joies, il n'ose pas même promettre de vous y donner du repos : c'est l'héritage des saints, c'est le partage des bienheureux; et c'est par où je m'en vais conclure.

TROISIÈME POINT.

Le repos éternel des bienheureux nous a été figuré dès l'origine du monde, lorsque Dieu ayant tiré du néant ses créatures et les ayant disposées dans un si bel ordre (b) durant six jours, établit et sanctifia le jour du repos dans lequel, comme dit la sainte Ecriture, « il se reposa de tout son ouvrage 1. » Vous savez assez, chrétiens, que Dieu qui fait tout sans peine par sa volonté, n'a pas besoin de se délasser de son travail; et vous n'ignorez pas non plus qu'en consacrant ce jour de repos, il n'a pas laissé depuis d'agir sans cesse. « Mon Père, dit le Fils de Dieu, agit sans relâche 2. Et s'il cessoit un moment de soutenir l'univers par la force de sa puissance (c), le soleil s'égareroit de sa route, la mer forceroit toutes ses bornes, la terre trembleroit sur son axe; en un mot, toute la nature seroit en un moment replongée, je ne dis pas dans l'ancien chaos, mais dans une perte totale et dans le non-être. Quand done il a plu à Dieu de sanctifier le septième jour et d'y établir son repos, il a voulu nous faire comprendre qu'après la continuelle action par laquelle il développe tout l'ordre des siècles, il a désigné un dernier jour qui est le jour, immuable de l'éternité, dans lequel il se reposera avec ses élus; disons mieux, que ses élus se reposeront éternellement en lui-même. Tel est le sabbat mystérieux, tel est le « jour de repos qui est réservé au peuple de Dieu,» selon la

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(a) Note marg.: « Hélas! que cet artisan de tromperies nous joue d'une manière bien puérile..., pour nous empêcher, malgré toute notre avidité pour la joie, de discerner d'où nous vient la véritable joie!» Heu! quàm pueriliter nos ille decipiendi artifex fallit..., ut non discernamus, gaudendi avidi, unde veriùs gaudeamus (Julian. Pomer., De Vità contemplat., lib. II, cap. xIII), — (b) Var. ; Arrangées dans une si belle ordonnance. (c) De sa parole.

doctrine de l'Apôtre: Itaque relinquitur sabbatismus populo Dei, dit la savante Epitre aux Hébreux1.

Le fondement de ce repos des prédestinés, c'est que l'éternité leur est assurée. Car, mes frères, l'Eternel médite des choses éternelles; et tout l'ordre de ses conseils, par diverses révolutions et par divers changemens, se doit enfin terminer à un état immuable. C'est pourquoi après ces jours de fatigue, après ces jours de l'ancien Adam, jours pénibles, jours laborieux, jours de gémissement et de pénitence, où nous devons subsister et gagner le pain de vie par nos sueurs, nous serons conduits à « la cité sainte que Dieu, dit le même Apôtre, nous a préparée2, » et où le Saint-Esprit nous assure que «<nous nous reposerons à jamais de toutes nos peines 3. »

C'est en vue de l'éternité de cette cité triomphante, que saint Paul l'appelle «< une cité ferme et qui a un fondement, » fundamenta habentem civitatem. Nul fondement sur la terre. Nous pensons nous reposer; et cependant le temps nous enlève, et nous sommes la proie de notre propre durée. Fixez un peu vos yeux, et vous verrez tout en mouvement autour de vous. Est-ce donc que tout tourne, ou bien si nous-mêmes nous tournons? Tout tourne, et nous tournons tout ensemble, parce que la figure de ce monde passe. Et si nous ne sentons pas toujours cette violente agitation, c'est que nous sommes emportés avec tout le reste par une même rapidité. Où est donc la solidité et la consistance? En vous, ô sainte Sion, cité éternelle « dont Dieu est l'architecte et le fondateur, cujus artifex et conditor Deus". En vous est la consistance, parce que sa main souveraine est votre soutien immuable et sa puissance invincible votre inébranlable fondement. « Efforcons-nous donc, dit le saint Apôtre, d'entrer dans ce repos éternel". » Qui de nous ne désire pas le repos? Et celui qui agit dans sa maison, et celui qui travaille à la campagne, et celui qui navigue sur les mers, et celui qui négocie sur la terre, et celui qui sert dans les armées, et celui qui s'intrigue et s'empresse dans les cours, tous aspirent de loin à quelque repos; mais nous le voulons honnête, mais surtout nous le voulons assuré.

1 Hebr., IV, 9.- 2 Ibid., XI, 16.—3 Apoc., XIV, 13.- Hebr., XI, 10.— Ibid. 6 Ibid., IV, 11.

S'il est ainsi, chrétiens, ne le cherchez pas sur la terre. « Levez-vous, marchez sans relâche, dit le prophète Michée, parce qu'il n'y a point ici de repos pour vous (a): » Surgite et ite, quia non habetis hic requiem1. Entrez un peu avec moi en raisonnement sur cette matière importante, ou plutôt entrez-y avec vousmêmes; et pendant que je parlerai, consultez votre expérience. Je laisse les grandes paroles, j'abandonne les grands mouvemens de l'art oratoire, pour peser avec vous les choses froidement et de sens rassis.

Dans cette inconstance des choses humaines et parmi tant de violentes agitations qui nous troublent ou qui nous menacent, celui-là me semble heureux (b) qui peut avoir un refuge; et sans cela, chrétiens, nous sommes trop exposés aux attaques de la fortune pour pouvoir trouver du repos (c). Par exemple, vous vivez ici dans la Cour; et sans entrer plus avant dans l'état de vos affaires, je veux croire que la vie vous y semble douce; mais certes vous n'avez pas si fort oublié les tempêtes dont cette mer est si souvent agitée, que vous osiez vous fier tout à fait à cette bonace. Et c'est pourquoi je ne vois point d'homme sensé qui ne se destine un lieu de retraite, qu'il regarde de loin comme un port dans lequel il se jettera quand il sera poussé par les vents contraires. Mais cet asile que vous vous préparez contre la fortune, est encore de son ressort; et si loin que vous étendiez votre prévoyance, jamais vous n'égalerez ses bizarreries. Vous penserez vous être muni d'un côté, la ruine (d) viendra de l'autre. Vous aurez tout assuré aux environs, l'édifice manquera (e) tout à coup par le fondement. Si le fondement est solide, un coup de foudre viendra d'en haut qui renversera tout de fond en comble. Je veux dire simplement et sans figure que les malheurs nous assaillent et nous pénètrent par trop d'endroits, pour pouvoir être prévus et arrêtés de toutes parts. Il n'y a rien sur la terre où nous mettions notre appui (f), enfans, amis, dignités, emplois, qui non-seulement ne puisse manquer, mais encore ne puisse nous tourner en une amer1 Mich., II, 10.

(a) Var. Parce que vous n'avez point de repos. (b) Celui-là m'a toujours semblé heureux. — (c) Nous somines trop découverts aux attaques de la fortune pour espérer du repos.- (d) La disgrace. (e) Fondra.- (f) Notre confiance.

tume infinie; et nous serions trop novices dans l'histoire de la vie humaine, si nous avions encore besoin qu'on nous prouvat cette vérité. Posons (a) donc que ce qui peut arriver, ce que vous avez vu mille fois arriver aux autres, vous arrive aussi à vous-mêmes. Car sans doute, mes frères, vous n'avez point parmi vos titres (b) de sauvegarde contre la fortune : vous n'avez ni de priviléges, ni d'exemptions contre les communes foiblesses. Qu'il arrive donc (c) que l'espérance de votre fortune, que votre bonheur et vos établissemens soient minés (d) par quelque disgrace imprévue, votre famille désolée par quelque mort désastreuse, votre santé ruinée par quelque cruelle maladie; si vous n'avez quelque lieu d'abri où vous vous mettiez à couvert, vous essuierez tout du long la fureur des vents et de la tempête. Mais où trouverez-vous cet abri? Jetez les yeux de tous côtés, le déluge a inondé toute la terre, les maux en couvrent toute la surface, et vous ne trouverez pas même où mettre le pied (e). Il faut donc chercher le moyen de sortir de toute l'enceinte du monde.

Il est vrai qu'il y a en nous une secrète partie (f) sur laquelle la fortune n'avoit aucun droit: notre esprit, notre raison, notre intelligence. Et c'est la faute que nous avons faite; ce qui étoit libre et indépendant, nous l'avons été engager dans les biens du monde, et par là nous l'avons soumis comme tout le reste aux prises de la fortune. Imprudens! la nature même a enseigné aux animaux poursuivis, quand le corps est découvert, de cacher la tête; nous dont la partie principale étoit naturellement à couvert de toutes les insultes, nous la produisons toute au dehors, et nous exposons aux coups ce qui étoit inaccessible et invulnérable! Que reste-t-il donc maintenant, sinon que démêlant du milieu du monde cette partie immortelle, nous l'allions établir dans la cité sainte que Dieu nous a préparée?

Peut-être que vous penserez que vous ne pouvez vous établir où vous n'êtes pas, et que je vous parle en vain de la terre et de

ou renversés.

(b) Dans vos titres.

(a) Var. Pour: supposons, posons le cas que. (c) Faisons donc qu'il arrive que l'espérance de votre fortune..... (d) Troublés, (e) Les maux sont répandus de toutes parts, et vous ne trouverez pas où vous arrêter. sur laquelle.....

(f) Il est vrai qu'il y a une partie de nous-mêmes

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