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424 SERMON ABRÉGÉ POUR LE V DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE.

colligentes zizania, eradicetis simul cum eis et triticum1. Considérez, mes sœurs, que comme en ce monde les bons et les méchans sont mêlés, aussi la colère et la miséricorde divines sont en quelque façon tempérées l'une par l'autre. C'est pourquoi le Prophète a dit que « le calice qui est en la main de Dieu est mêlé. » Le vin signifie la joie, Vinum lætificat 2; et l'eau, les tribulations: Salvum me fac, Deus, quoniam intraverunt aquæ . Le prophète David dit que son ame est environnée d'eaux, c'est-à-dire de tribulations Vini meri plenus mixto*. C'est ce mélange que le siècle doit boire. Sa vengeance est toujours mêlée de miséricorde, sa miséricorde de même : Parcente manu sævit et donat. Mais après ce siècle il ne restera plus que la lie: Verumtamen fæx ejus non est exinanita : bibent omnes peccatores terræ 3. Ces pécheurs séparés des bons, ces pécheurs surpris dans leur crime, ces pécheurs qui ne seront jamais gens de bien, ils boiront toute la lie et toute l'amertume de la vengeance divine. Fuyons, fuyons, mes sœurs, fuyons de leur compagnie, n'ayons point de commerce avec eux. Votre profession vous en a déjà en quelque sorte séparées. Mais ne faites pas comme les Israélites : ne désirez point les plaisirs de l'Egypte, ne retournez pas la tête en arrière pour voir ce que vous avez quitté ; mais tenez vos yeux fichés éternellement à l'héritage qui vous est promis, aux saints qui vous attendent, à Jésus qui vous tend les bras pour vous recevoir en sa gloire.

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Psal. CII, 15. — 3 Psal. LXVIII, 2. — ↳ Psal. LXXIV, 9.

SERMON

POUR

LE DIMANCHE DE LA SEPTUAGÉSIME (a).

Erunt novissimi primi, et primi novissimi. Matth., xx, 16.

Parcet pauperi et inopi, et animas pauperum salvas faciet.

Il pardonnera au pauvre et à l'indigent, et il sauvera les ames des pauvres. Psal. LXXI, 23.

Encore que ce qu'a dit le Sauveur Jésus, que les premiers seront les derniers et que les derniers seront les premiers, n'ait son entier accomplissement que dans la résurrection générale où les justes, que le monde avoit méprisés, rempliront les premières places, pendant que les méchans et les impies, qui ont eu leur règne sur la terre, seront honteusement relégués aux ténèbres extérieures; toutefois ce renversement admirable des conditions humaines est déjà commencé (b) dès cette vie, et nous en voyons les premiers traits (c) dans l'institution de l'Eglise. Cette cité merveilleuse dont Dieu même a jeté les fondemens, a ses lois et sa police, par laquelle elle est gouvernée. Mais comme Jésus-Christ

(a) Prêché dans le mois de février 1659, aux Filles de la Providence, devant Vincent de Paul et les fondatrices de l'ordre, la princesse de Condé, les duchesses d'Orléans, d'Aiguillon, de Vendôme, mesdames de Brienne, de Séguier, etc.

Une sainte veuve, Marie de Lumague, après avoir quitté la Cour, renvoyé sa suite et vendu ses parures, recueilloit dans sa maison les filles repentantes. Quand ses ressources furent épuisées, Vincent de Paul vint à son aide; et bientôt l'on vit s'élever près du Val-de-Grace, par les libéralités de la reine mère, de vastes bâtimens pour les pauvres orphelines.

C'est là que Bossuet, à la prière de Vincent de Paul, prononça notre sermon. La péroraison, qui commence par ces mots : « Ouvrez les yeux sur cette maison indigente,» justifie la plupart des indications précédentes; et tout le discours réfute d'une manière éclatante l'accusation portée contre l'orateur, que << jamais la pauvreté ne lui arracha un seul cri. »

Ajoutons rapidement que l'auteur a écrit deux pages de ce sermon sur le dos de deux lettres adressées, l'une « à Monsieur l'abbé de Bossuet, à Paris ; » l'autre « à Monsieur Bossuet, grand archidiacre de la cathédrale de Metz, à Paris. » (6) Var. Ebauché. (c) Un commencement.

on instituteur est venu au monde pour renverser l'ordre que l'orgueil y a établi, de là vient que sa politique est directement opposée à celle du siècle, et je remarque cette opposition principalement en trois choses. Premièrement, dans le monde les riches ont tout l'avantage et tiennent les premiers rangs : dans le royaume de Jésus-Christ la prééminence appartient aux pauvres, qui sont les premiers-nés de l'Eglise et ses véritables enfans. Secondement, dans le monde les pauvres sont soumis aux riches et ne semblent nés que pour les servir; au contraire, dans la sainte Eglise, les riches n'y sont admis qu'à condition de servir les pauvres. Troisièmement, dans le monde les graces et les priviléges sont pour les puissans et les riches, les pauvres n'y ont de part que par leur appui : au lieu que dans l'Eglise de Jésus-Christ les graces et les bénédictions sont pour les pauvres, et les riches n'ont de priviléges que par leur moyen. Ainsi cette parole de l'Evangile que j'ai choisie pour mon texte, s'accomplit déjà dès la vie présente: «Les derniers sont les premiers, et les premiers sont les derniers,» puisque les pauvres qui sont les derniers dans le monde sont les premiers dans l'Eglise ; puisque les riches qui s'imaginent que tout leur est dù, et qui foulent aux pieds les pauvres, ne sont dans l'Eglise que pour les servir; puisque les graces du Nouveau Testament appartiennent de droit aux pauvres, et que les riches ne les reçoivent que par leurs mains. Vérités certainement importantes et qui vous doivent apprendre, ô riches du siècle, ce que vous devez faire à l'égard des pauvres, c'est-à-dire honorer leur condition, soulager leurs nécessités, prendre part à leurs priviléges. C'est ce que je me propose de vous faire entendre avec le secours de la grace.

PREMIER POINT.

Le docte et éloquent saint Jean Chrysostome nous propose une belle idée pour connoître les avantages de la pauvreté sur les richesses; il nous représente deux villes, dont l'une n'est composée que de riches, l'autre n'a que des pauvres (a) dans son enceinte,

(a) Var. Dont l'une ne soit composée que de riches, l'autre n'ait que des

pauvres.

et il examine ensuite laquelle des deux est la plus puissante. Si nous consultions la plupart des hommes sur cette proposition, je ne doute pas, chrétiens, que les riches ne l'emportassent; mais le grand saint Chrysostome conclut pour les pauvres1, et il se fonde sur cette raison que cette ville de riches auroit beaucoup d'éclat et de pompe, mais qu'elle seroit sans force et sans fondement assuré. L'abondance ennemie du travail, incapable de se contraindre, et par conséquent toujours emportée dans la recherche des voluptés, corromproit tous les esprits et amolliroit tous les courages par le luxe, par l'orgueil, par l'oisiveté. Ainsi les arts seroient négligés, la terre peu cultivée (a), les ouvrages laborieux par lesquels le genre humain se conserve entièrement délaissés; et cette ville pompeuse, sans avoir besoin d'autres ennemis, tomberoit enfin par elle-même, ruinée par son opulence. Au contraire dans l'autre ville où il n'y auroit que des pauvres, la nécessité industrieuse, féconde en inventions et mère des arts profitables, appliqueroit les esprits par le besoin, les aiguiseroit par l'étude, leur inspireroit une vigueur mâle par l'exercice de la patience; et n'épargnant pas les sueurs, elle achèveroit les grands ouvrages qui exigent nécessairement un grand travail. C'est à peu près ce que nous dit saint Jean Chrysostome au sujet de ces deux villes différentes. Il se sert de cette pensée pour adjuger (b) la préférence à la pauvreté.

Mais à parler des choses véritablement, nous savons que la distinction de ces deux villes n'est qu'une fiction agréable. Les villes, qui sont des corps politiques, demandent, aussi bien que les naturels, le tempérament et le mélange: tellement que selon la police humaine cette ville de pauvres de saint Chrysostome ne peut subsister qu'en idée. Il n'appartenoit qu'au Sauveur et à la politique du ciel de nous bâtir une ville qui fût véritablement la ville des pauvres : cette ville c'est la sainte Eglise; et si vous me demandez, chrétiens, pourquoi je l'appelle la ville des pauvres, je vous en dirai la raison par cette proposition que j'avance, que l'Eglise dans son premier plan n'a été bâtie que pour les pauvres, et qu'ils

1 Homil. XI De Divit. et paup., tom. XII, p. 505, 506.

(a) Var.: La terre mal cultivée, la terre inculte et abandonnée. — (6) Donner.

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sont les véritables citoyens de cette bienheureuse cité que l'Ecriture a nommée la cité de Dieu. Encore que cette doctrine vous paroisse peut-être extraordinaire, elle ne laisse pas d'être véritable; et afin de vous en convaincre, remarquez, s'il vous plaît, Messieurs, qu'il y a cette différence entre la Synagogue et l'Eglise, que Dieu a promis à la Synagogue des bénédictions temporelles, au lieu que, comme dit le divin Psalmiste, « toute la gloire de la sainte Eglise est cachée et intérieure: » Omnis gloria ejus filiæ regis ab intus1. « Dieu te donne, disoit Isaac à son fils Jacob, la rosée du ciel et la graisse de la terre. » C'est la bénédiction de la Synagogue. Et qui ne sait que dans les Ecritures anciennes, Dieu ne promet à ses serviteurs que de prolonger leurs jours, que d'enrichir leurs familles, que de multiplier leurs troupeaux, que de bénir leurs terres et leurs héritages? Selon ces promesses, Messieurs, il est bien aisé de comprendre que les richesses et l'abondance étant le partage de la Synagogue, dans sa propre institution elle devoit avoir des hommes puissans et des maisons opulentes. Mais il n'en est pas ainsi de l'Eglise. Dans les promesses de l'Evangile, il ne se parle plus des biens temporels par lesquels l'on attiroit ces grossiers ou l'on amusoit ces enfans. Jésus-Christ a substitué en leur place les afflictions et les croix; et par ce merveilleux changement, les derniers sont devenus les premiers, et les premiers sont devenus les derniers, parce que les riches qui étoient les premiers dans la Synagogue n'ont plus aucun rang dans l'Eglise, et que les pauvres et les indigens sont ses véritables citoyens.

Quoique ces différentes conduites de Dieu dans l'ancienne et dans la nouvelle alliance soient fondées sur de grandes raisons qu'il seroit trop long de rapporter, nous en pouvons dire ce mot en passant, que dans le Vieux Testament Dieu se plaisant à se faire voir avec un appareil majestueux, il étoit convenable que la Synagogue son épouse eût des marques de grandeur extérieure: et au contraire que dans le Nouveau, dans lequel Dieu a caché toute sa puissance sous une forme servile, l'Eglise son corps mystique devoit être une image de sa bassesse et porter sur elle 1 Psal. XLIV, 14.· - 2 Genes., XXVII, 39.

L

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