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princes et aux rois du monde à qui David l'attribue. « Je l'ai dit : Vous êtes des dieux, et vous êtes tous enfans du Très-Haut : » Ego dixi: Dii estis et filii Excelsi omnes'. Mais remarquez ce qu'il dit ensuite. Toutefois, ajoute-t-il, ô dieux de chair et de sang, ô dieux de terre et de poussière, ne vous laissez pas éblouir par cette divinité passagère et empruntée. «Car enfin vous mourrez comme des hommes, et vous descendrez du trône au tombeau : » Verumtamen sicut homines moriemini; et sicut unus de principibus cadetis. La majesté, je l'avoue, n'est jamais dissipée ni anéantie, et on la voit tout entière aller revêtir leurs successeurs. Le roi, disons-nous, ne meurt jamais, l'image de Dieu est immortelle; mais cependant l'homme tombe, meurt, et la gloire ne le suit pas dans le sépulcre. Il n'en est pas de la sorte des citoyens immortels de notre céleste patrie. Ils sont des dieux, ils ne mourront plus; ils sont des dieux, ils ne pourront plus tromper ni être trompés (a).

David a dit en son excès : « Tout homme est menteur 3; » tout homme peut être trompeur et trompé; il est capable de mentir aux autres et de mentir à soi-même. Vous donc, ô bienheureux esprits, qui régnez avec Jésus-Christ, vous n'êtes plus simplement des hommes, puisque vous êtes tellement unis à la vérité qu'il n'y aura plus désormais ni aucune ambiguïté, aucune ignorance qui vous l'enveloppe, ni aucun nuage qui vous la couvre, ni aucun faux jour, aucune fausse lumière qui vous la déguise, ni aucune erreur qui la combatte, ni même aucun doute qui l'affoiblisse. Aussi dans cet état bienheureux ne faudra-t-il point la chercher par de grands efforts, ni la tirer de loin comme par machines et par artifice, par une longue suite de conséquences et par un grand circuit de raisonnemens. Elle s'offrira d'elle-mème et toute pure, toute manifeste, sans confusion, sans mélange; « et nous rendra, dit saint Jean, semblables à Dieu, parce que nous le verrons tel qu'il est » Cùm apparuerit, similes ei erimus, quia videbimus eum sicuti est".

Mais écoutez la suite de ce beau passage : « Celui qui a en Dieu 1 Psal. LXXXI, 6.- 2 Ibid., 7.3 Psal. CXV, 11. — I Joan., III, 2. (a) Var.: Non-seulement ils sont des dieux, parce qu'ils ne sont plus sujets à la mort; mais ils sont des dieux d'une autre manière, parce qu'ils ne sont plus sujets au mensonge et ne pourront plus tromper ni être trompés.

cette espérance, se conserve pur, ainsi que Dieu même est (a) pur » Omnis qui habet hanc spem in eo, sanctificat semetipsum, sicut et ille sanctus est'. Rien de souillé n'entrera dans le royaume de Dieu. Il faudra passer par l'épreuve (b) d'un examen rigoureux, afin qu'une si pure beauté ne soit vue ni approchée que des esprits purs; et c'est ce qui fait dire au Sauveur des ames dans l'évangile de ce jour : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu!» Ecoutez, esprits téméraires et follement curieux, qui dites: Nous voudrions voir, nous voudrions entendre toutes les vérités de la foi; - c'est ici le temps de se purifier, et non encore celui de voir. Laissez traiter vos yeux malades; souffrez qu'on les nettoie, qu'on les fortifie; après, si vous ne pouvez pas encore porter le grand jour, vous jouirez du moins agréablement de la douceur accommodante d'une clarté tempérée. Que si toutes les lumières du christianisme sont des ténèbres pour vous, faites-vous justice à vous-mêmes. De quoi vous occupez-vous? Quel est le sujet ordinaire de vos rêveries et de vos discours (c)? Oserai-je le dire dans cette chaire, retenu par le saint Apôtre : « Que ces choses ne soient pas même nommées parmi vous 3? » Pendant que vous ne méditez que chair et que sang, comme parle l'Ecriture sainte, les discours spirituels prendront-ils en vous? Par où s'insinueront les lumières pures et les chastes vérités du christianisme? La sagesse que vous ne cherchez pas, descendrat-elle de son trône pour vous enseigner? Allez, hommes corrompus et corrupteurs, purifiez vos yeux et vos cœurs, et peu à peu vos esprits s'accoutumeront aux lumières de l'Evangile.

Vivons donc chrétiennement, et la vérité nous sera un jour découverte. Jamais vous n'aurez respiré un air plus doux; jamais votre faim n'aura été rassasiée par une manne plus délicieuse, ni votre soif étanchée par un plus salutaire rafraîchissement. Rien de plus harmonieux que la vérité; nulle mélodie plus douce, nul concert mieux entendu, nulle beauté plus parfaite et plus ravissante. Quoi! me vanterez-vous toujours l'éclat de ce teint? Vous vous

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dites chrétienne, et vous étalez avec pompe cette fragile beauté, piége pour les autres, poison pour vous-même, qui se vante de trainer après soi les ames captives et qui vous fait porter à vousmême un joug plus honteux. Jetez, jetez un peu les yeux, chrétiens, sur cette immortelle beauté que le chrétien doit servir. Cette beauté divine ne montre à vos yeux ni une grace artificielle, ni des ornemens empruntés, ni une jeunesse fugitive, ni un éclať, une vivacité toujours défaillante. Là se trouve la grace avec la durée, là se trouve la majesté avec la douceur, là se trouve le sérieux avec l'agréable, là se trouve l'honnêteté avec le plaisir et avec la joie. C'est ce que nous avons à considérer dans la seconde partie.

SECOND POINT.

De toutes les passions, la plus pleine d'illusion c'est la joie; et le Sage n'a jamais parlé avec plus de sens, que quand il a dit dans l'Ecclésiaste qu'il «< estimoit le ris une erreur et la joie une tromperie » Risum reputavi errorem; et gaudio dixi: Quid frustrà deciperis'? Depuis notre ancienne désobéissance, Dieu a voulu retirer à soi tout ce qu'il avoit répandu de solide contentement sur la terre; et cette petite goutte de joie qui nous est restée pour rendre la vie supportable et tempérer par quelque douceur (a) ses amertumes infinies, n'est pas capable de satisfaire un esprit solide. Et certes il ne faut pas croire que ce lieu de confusion, où les bons sont mêlés avec les mauvais, puisse être le séjour des joies véritables. « Autres sont les biens que Dieu abandonne pour la consolation des captifs, autres ceux qu'il a réservés pour faire la félicité de ses enfans (b): » Aliud solatium captivorum, aliud gaudium liberorum2.

Mais pour vous donner une forte idée de ces plaisirs véritables qui enivrent les bienheureux, philosophons un peu avant toutes choses sur la nature des joies du monde. Car, mes frères, c'est une

1 Eccle., II, 2.-
(a) Var. Et corriger tant soit peu.

2 S. August., in Psal. CXXXVI, n. 5.

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(b) Autres sont les biens qu'i répand pour la consolation des captifs, autres les plaisirs solides qu'il réserve à ses enfans.

erreur de croire qu'il faille indifféremment recevoir la joie, quelque main qui nous la présente (a). Que m'importe, dit l'épicurien, de quoi je me réjouisse, pourvu que je sois content? Soit erreur, soit vérité, c'est toujours être trop chagrin que de refuser la joie, de quelque part qu'elle vienne. (b) Mais le Saint-Esprit prononce au contraire que celui-là est insensé, qui se réjouit dans les choses vaines; que celui-là est abandonné (c) de Dieu, qui se réjouit dans les mauvaises; et qu'enfin on est malheureux (d) quand on n'aime que les plaisirs que la raison condamne ou qu'elle méprise.

Il faut donc avant toutes choses considérer d'où nous vient la joie, et quel en est le sujet. Et premièrement, chrétiens, toutes les joies que nous donnent les biens de la terre sont pleines d'illusion et de vanité. C'est pourquoi dans les affaires du monde, le plus sage est toujours celui que la joie emporte le moins. Ecoutez la belle sentence que prononce l'Ecclésiastique : « Le fou, dit-il, indiscret, inconsidéré, fait sans cesse éclater son ris; et le sage à peine ritil doucement : » Fatuus in risu exaltat vocem suam, vir autem sapiens vix tacitè ridebit'. En effet quand on voit un homme emporté qui, ébloui de sa dignité ou de sa fortune, s'abandonne à la joie sans se retenir, c'est une marque certaine d'une ame qui n'a point de poids, et que sa légèreté rendra le jouet éternel de toutes les illusions du monde. Le sage, au contraire, toujours attentif aux misères et aux vanités de la vie humaine, ne se persuade jamais qu'il puisse avoir trouvé sur la terre, en ce lieu de mort, aucun véritable sujet de se réjouir. C'est pourquoi il rit en tremblant, comme disoit l'Ecclésiastique; c'est-à-dire qu'il supprime luimême sa joie indiscrète par une certaine hauteur d'une ame qui désavoue sa foiblesse et qui, sentant qu'elle est née pour les biens 1 Eccli., XXI, 23.

(a) Var. De quelque côté qu'elle naisse. (b) Note marg. : Ceux qui le pensent ainsi, ennemis du progrès de leur raison, qui leur fait voir tous les jours la vanité de leurs joies, estiment leur ame trop peu de chose, puisqu'ils croient qu'elle peut être heureuse sans posséder aucun bien solide, et qu'ils mettent son bonheur et par conséquent sa perfection dans un songe. Remarquez qu'il ne faut pas distinguer le bonheur de l'ame d'avec sa perfection: grand principe! — (e) Var.: Maudit. (d) On n'est pas heureux.

célestes, a honte de se voir si fort transportée par des choses si méprisables.

Après avoir regardé d'où nous vient la joie, il faut encore considérer où elle nous mène. Car, ô plaisirs, où nous menez-vous? à quel oubli de Dieu et de nous-mêmes? à quels malheurs et à quels désordres? Ne sont-ce pas les plaisirs déréglés qui ont conseillé tous les crimes? Car quel en est le principe universel, sinon qu'on se plaît où il ne faut pas? Donc la raison nous oblige à nous défier des plaisirs; flatteurs pernicieux, conseillers infidèles, qui ruinent tous les jours en nous l'ame, le corps, la gloire, la fortune, la religion et la conscience.

Enfin il faut méditer combien la joie est durable. Car Dieu, qui est la vérité même, ne permet pas à l'illusion de régner longtemps. C'est lui, dit le Roi-Prophète, qui se plaît, pour punir l'erreur volontaire de ceux qui ont pris plaisir à être trompés, « d'anéantir dans sa cité sainte toutes les félicités imaginaires, comme un songe s'anéantit quand on se réveille, et qui fait succéder des maux trop réels à la courte imposture d'une agréable rêverie » Velut somnium surgentium, Domine, in civitate tuâ imaginem ipsorum ad nihilum rediges 1.

Concluons donc, chrétiens, que si la félicité est une joie, c'est une joie fondée sur la vérité, gaudium de veritate, comme la définit saint Augustin2. Telle est la joie des bienheureux, non une joie seulement, mais une joie solide et réelle, dont la vérité est le fond, dont la sainteté est l'effet, dont l'éternité est la durée. Telle est la joie des bienheureux, dont la plénitude est infinie, dont les transports sont inconcevables et les excès tout divins. Loin de notre idée les joies sensuelles qui troublent la raison et ne permettent pas à l'ame de se posséder; en sorte qu'on n'ose pas dire qu'elle jouisse d'aucun bien, puisque sortie d'elle-même elle semble n'être plus à soi pour en jouir. Ici elle est vivement touchée dans son fond le plus intime, dans la partie la plus délicate et la plus sensible; toute hors d'elle, toute à elle-même; possédant celui qui la possède, la raison toujours attentive et toujours

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