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SECONDE PÉRORAISON

POUR

LES DEUX SERMONS PRÉCÉDENS (a).

Pour nous préparer à entrer dans cette joie abondante, accoutumons-nous à la recevoir quand elle descend du ciel dans nos cœurs. Mais, ô Dieu! à quelle joie abandonnons-nous notre cœur? Jésus-Christ est né, et avec lui, ô douleur! les profanes divertissemens vont prendre naissance. Masquer, déguiser (b), danser, courir, aller deçà et delà; dégoût, renouvellement d'ardeur, encore dégoût, mouvemens alternatifs : voilà la grande occupation de ceux qui se disent chrétiens. (c) O Dieu! pouvons-nous penser que parmi tous ces changemens et toutes les joies sensuelles, nous puissions jamais conserver en nous une seule goutte de la joie du ciel? Les autres joies se peuvent mêler; la variété et le mélange en font même le plus doux assaisonnement. Mais cette joie dont je parle est sévère, chaste, sérieuse, solitaire et incompatible; le moindre mélange la corrompt, et elle perd tout son goût si elle n'est goûtée toute seule. Ne me dites donc pas : Je ne fais rien d'illicite, etc. Vous perdez tout (d), dès là seulement

(a) C'est ici la péroraison que Déforis avoit mise à la fin des deux sermons précédens fondus en un seul. (b) On disoit autrefois masquer et déguiser dans le sens neutre, pour, aller en masque et pour, se produire sous un déguisement. − (c) Note marg. : Pendant que Jésus commence le cours d'une vie pénible, nous allons non pas commencer, mais continuer avec un renouvellement d'ardeur une vie toute dissolue. Le carnaval mieux observé que le Carême va devenir la grande affaire du monde. Les forces épuisées, on n'en trouvera plus pour le saint Carême; infatigable pour les plaisirs, on commence à devenir infirme pour la pénitence. Les médecins ne suffiront pas à écrire les attestations des infirmités, ni les prélats à en donner les dispenses. Chrétiens, consultez-les donc; ne les croyez pas seulement quand il s'agit de transgresser les lois de l'Eglise; demandez-leur si vos courses, si vos veilles, ces inquiétudes, ces chagrins dans le jeu, et cette ardeur qui vous transporte hors de vous-mêmes, n'altèrent pas beaucoup plus un tempérament que le jeûne et l'abstinence. Mais je laisse ces pensées, quoiqu'elles soient assez importantes : je veux bien ne parler pas, si vous voulez, de tous ces vains divertissemens considérés en eux-mêmes. Parlons des circonstances qui les accompagnent: oserions-nous y penser dans cette chaire? — (d) Var.: Ainsi, quand vous ne feriez rien d'illicite, et plût à Dieu que nous n'eussions pas à nous en plaindre! Ce n'est pas une vie chrétienne; vous perdez tout, etc.

que vous vous abandonnez à la joie mondaine. Est-ce en vain que Jésus a dit : « Malheur à vous qui riez1!» Et encore : « Malheur à vous, riches! car vous avez votre consolation 2. » Les richesses ne sont pas mauvaises; mais n'employer les richesses que pour vivre dans les plaisirs et dans les délices, pendant que les pauvres meurent de faim et de froid, est-ce une vie chrétienne? Que reproche Abraham au mauvais riche? ses rapines, ses excès, ses concussions, ses impuretés, ses débauches? Recepisti bona3: voilà son crime, voilà sa sentence. N'y a-t-il donc que des excès dans l'Evangile? Jésus-Christ n'a-t-il parlé qu'en exagérant? Ne faut-il rien entendre à la lettre; ou faudra-t-il forcer toutes les paroles, faire violence à tous les préceptes en faveur de vos passions et pour leur trouver des excuses? Non, non, l'Evangile ne le souffre pas.

Mais je ne veux plus appeler que votre propre conscience : voulez-vous passer parmi ces plaisirs la dernière année de votre vie? (a) Quelle folie, quelle illusion, que penchant toujours à la mort et plutôt mourant que vivant, nous ne pouvons imprimer en nous les sentimens que la mort inspire! Peut-être que cette année nous sera funeste. O Dieu, détournez le coup; combien menacés! Je veux bien ne pas craindre encore les irrégularités des saisons, les fléaux qui accablent nos voisins; (b) ce n'est pas aussi ce qui me fait craindre, c'est notre vie mondaine et toute profane, etc. Je sais comment Dieu éprouve son peuple, comment 1 Luc., VI, 25. 2 Ibid., VI, 24. 3 Ibid., XVI, 25. (a) Note marg. A cette heure tant chantée et si peu attendue, quand Jésus viendra frapper à la porte, voulez-vous qu'il vous trouve ainsi occupé ? (b) Je ne veux point faire de mauvais présages. Il y a dans cet auditoire des têtes trop précieuses dont nous souhaitons de prolonger les jours, et même sans hésiter aux dépens des nôtres. Je ne consulte point les astres ni leurs fabuleuses influences. Des chrétiens s'amuser à ces rêveries criminelles, et attendre leur bonne fortune d'une autre source que de la divine Providence! Non. Loin de nous ces prédictions! Je trouve tous les mauvais pronostics dans nos consciences, dans notre vie licencieuse et toute profane. J'ai peur que Dieu ne se lasse de supporter nos ingratitudes. Que ne vous éveillez-vous donc, et que ne pensez-vous à votre salut? Toujours circoncire, aujourd'hui un plaisir et demain un autre, une vanité et demain une autre; enfin vous n'aurez plus besoin que de Dieu, vous n'aurez plus soif que de la justice. Si vous pleuriez de bonne foi vos péchés, si vous pouviez vous déprendre de ces plaisirs fatigans, de ces ennuyeuses délices dont vous devriez déjà être rassasié, dont les sages espèrent toujours revenir; mais Dieu n'en donne pas toujours le temps ou la grace.

il abat la fleur du monde et comment il circoncit les cœurs, etc. Vous trouverez dans vos consciences tous les mauvais pronostics. Donc, retirez-vous des plaisirs du monde. Par la vérité de celui dont j'annonce la parole, de ce mépris des plaisirs et des joies mondaines, naîtra un autre plaisir, plaisir sublime qui naît non du trouble de l'ame, etc. Une goutte rassasiera votre cœur, mais cette goutte croîtra toujours, et enfin elle vous fera posséder l'océan tout entier et l'abîme infini de félicités que je vous souhaite au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

SERMON

POUR

LE II DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE (a).

Nuptiæ facta sunt in Cana Galilææ, et erat mater Jesu ibi. Vocatus est autem et Jesus, et discipuli ejus. Joan., II, 1 et 2.

Jésus et sa sainte Mère avec ses disciples: chères sœurs, quelle compagnie! Ils sont invités à un festin, ô festin pieux! et à un festin nuptial, ô noces mystérieuses! Mais à ce festin le vin y manque; le vin, que les délicats appellent l'ame des banquets. Est-ce avarice, est-ce pauvreté, est-ce négligence? ou bien n'estce pas plutôt quelque grand mystère que le Saint-Esprit nous

(a) Prêché à Metz, chez les Nouvelles Converties, probablement en 1657. La maison des Nouvelles Converties recevoit les juives et les protestantes que Bossuet ramenoit en grand nombre à la vraie foi. L'orateur leur dit dans sa péroraison : « Voyez combien l'erreur est répandue par toute la ville. Dieu vous a triées deux ou trois..... Persévérez.....; n'écoutez ni les larmes ni les reproches de vos parens, » etc. Ces paroles désignent manifestement le lieu, et le mot triées révéleroit à lui seul l'époque de notre sermon.

Dans une brillante improvisation, chez le brave et pieux maréchal de Schonberg, l'archidiacre de Metz avoit tracé précédemment les caractères des deux alliances, montrant dans l'eau changée en vin la figure remplacée par la vérité, la lettre par l'esprit, la crainte par l'amour. Ce sont ces idées que l'auteur reproduit dans le sermon qu'on va lire.

propose pour exercer nos intelligences? Certes il est ainsi, mes très-chères sœurs. Car je vois que le Sauveur Jésus, pour suppléer à ce défaut, change l'eau en vin excellent, et ce vin se sert à la fin du repas au grand étonnement de la compagnie. O vin admirable et plein de mystères, fourni par la charité de Jésus aux prières de la sainte Vierge! Je vous demande, mes sœurs, quel intérêt prend le Maître de sobriété à ce que cette compagnie ne soit pas sans vin. Etoit-ce chose qui méritât que sa toute-puissance y fût employée ? Etoit-ce en une pareille rencontre où il devoit commencer à manifester sa gloire, et un ouvrage de cette nature devoit-il être son premier miracle? Croyez-vous que ceci soit sans mystère? à Dieu ne plaise, ames chrétiennes, que nous ayons une telle opinion de notre Sauveur! Il est la Sagesse et la Parole du Père : tous ses discours et toutes ses actions sont esprit et vie; tout y est lumière, tout y est intelligence, tout y est raison. O Sagesse éternelle, éclairez par votre Esprit-Saint notre foible et impuissante raison, pour nous faire entendre la vôtre.

Dans cette histoire miraculeuse, tout me représente le Sauveur Jésus. Il y est lui-même en personne; mais si j'ose parler de la sorte, il y est encore plus en mystère. Il est invité selon la vérité de l'histoire ; et si nous le savons entendre, il est lui-même l'Epoux selon la vérité du mystère. C'est une chose connue que Jésus est l'Epoux des ames fidèles. Et néanmoins si vous me le permettez, je vous déduirai sur ce point quelques vérités chrétiennes merveilleusement pieuses.

Dieu remplit le ciel et la terre, et il se trouve en tous lieux, comme l'enseigne la théologie; mais il sait encore se communiquer d'une façon toute particulière aux créatures intelligentes: Ad ipsum veniemus, et mansionem apud eum faciemus 1. Certes il est incompréhensible, mes sœurs, comment la nature divine s'unit aux esprits purs par de chastes embrassemens; et bien que ce soit un secret ineffable, si est-ce toutefois que les Ecritures divines nous le représentent en diverses manières et par de différentes figures. Tantôt elles nous disent que Dieu est une fontaine de vie qui se répandant en nos ames, les lave et les nettoie, leur 1 Joan., XIV, 23.

:

communique une divine fraîcheur et étanche leur soif ardente par les ondes de ses vérités: Fons aquæ salientis ... Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum. Tantôt elles nous le décrivent tout ainsi qu'une douce rosée qui arrosant nos esprits comme par une féconde humidité, y fait germer les semences célestes: Rorate, cæli, desuper ". Quelquefois elles nous le représentent à la manière d'un feu consumant qui pénétrant toutes nos puissances, dévore toutes les affections étrangères et épure nos ames comme l'or dans une fournaise: Ignis consumens est. Elles nous disent ailleurs que Dieu est une nourriture admirable car de même que toutes les parties de nos corps attirent à elles une certaine substance sans laquelle elles défaudroient, et ensuite se l'incorporent par la vertu d'une secrète chaleur que la nature leur a donnée : ainsi seroient nos ames destituées de toute vigueur, si par de fidèles désirs que le Saint-Esprit leur excite, elles n'attiroient à elles-mêmes cette vérité éternelle qui seule est capable de les sustenter. C'est ce qui nous est signifié par ce pain des anges qui est devenu le pain des hommes : « pain céleste que nous désirons par un appétit de vie éternelle, que nous prenons par l'ouïe, que nous ruminons par l'entendement, que nous digérons par la foi: » In causam vitæ appetendus, et devorandus auditu, et ruminandus intellectu, et fide digerendus. Telles sont à peu près les comparaisons dont se servent les Ecritures pour nous faire en quelque sorte comprendre cette sainte union de la nature divine avec les ames élues. Mais de toutes ces comparaisons, la plus douce, la plus aimable et la plus ordinaire dans les saintes Lettres est celle où notre grand Dieu est comparé à un chaste époux, qui par un sentiment de miséricorde, épris de l'amour de nos ames, après mille amoureuses caresses, après mille recherches de ses saintes inspirations, s'unit enfin à elles par des embrassemens ineffables, et les ravissant d'une certaine douceur que le monde ne peut entendre, les remplit d'un germe divin qui fructifie en bonnes œuvres pour la vie éternelle.

Trois conditions du mariage. Union : Erunt duo in carne und'.

1 Joan., IV, 14. 2 Psal., XLI, 2. 3 Tertull., De Resurr. carnis, n. 37.

3 Isa., XLV, 8. 6 Genes., 11, 24.

↳ Deuter., IV, 24. — .

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