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nous environnent, autant de pierres de scandale, autant d'occasions de déréglemens. Et pour le dedans, ô Dieu ! quel désordre! Premièrement pour la connoissance, ou l'ignorance nous l'ôte, ou la passion l'obscurcit, ou le défaut de réflexion la rend inutile, ou la témérité ruineuse. Tout ce qu'il y a de meilleur en nous tourne et dégénère en excès. Les simples sont grossiers, les subtils sont présomptueux. Les biens réels sont les moins connus, les idées les plus véritables sont les moins touchantes; le spirituel est plus fort, le sensible est plus décevant; la raison y succombe. Après cela, chrétiens, aurons-nous peine à connoître que nous avons besoin d'un Sauveur qui nous excite à chaque moment, nous soutienne en chaque occasion (a), nous prête la main à chaque pas pour empêcher nos égaremens et nos chutes ruineuses?

Ajoutons encore à toutes ces plaies celles que nous recevons par nos habitudes vicieuses; car on ne sort pas de ce labyrinthe aussi facilement qu'on s'y engage. La volonté humaine, il est vrai, est naturellement indéterminée; mais il n'est pas moins assuré qu'elle a aussi cela de naturel, qu'elle se fixe elle-même par son propre mouvement et se donne un certain penchant dont il est presque impossible qu'elle revienne. Ainsi par sa liberté naturelle elle est maîtresse de ses objets, qu'elle peut prendre ou rejeter comme il lui plaît; mais autant qu'elle est maîtresse de ses objets, autant est-elle capable de se lier par ses actes. Elle s'enveloppe elle-même dans son propre ouvrage comme un ver à soie; et si les lacets dont elle s'entoure semblent de soie par leur agrément, ils ne laissent pas toutefois de surmonter le fer par leur dureté. Non, elle ne peut pas si facilement percer la prison qu'elle se fait, ni rompre les entraves dont elle se lie. Et ne me dites pas ici que puisque vos engagemens sont si volontaires, la même volonté qui les fait les pourra facilement dénouer. Au contraire c'est ce qui fait la difficulté, de ce que la même volonté qui s'est engagée est aussi obligée de se dégager; c'est elle qui fait les liens et qui les veut faire, et elle-même qu'il faut employer pour les dénouer, elle-même qui doit tout ensemble soutenir le choc et livrer l'assaut. Qui ne voit donc manifestement que s'il ne lui vient du (a) Var. En chaque besoin.

dehors quelque force et quelque secours, elle combattra en vain et ne fera que s'épuiser par des efforts inutiles? Car, comme dit saint Ambroise, «< on n'est pas longtemps fort et vigoureux, quand c'est soi-même..... (a). » Va, tu périras misérablement, et ta perte sera signalée par un infâme naufrage.

Par conséquent, chrétiens, soyons sobres et vigilans, marchons avec crainte et circonspection. Méditons ces paroles de Tertullien : Hos inter scopulos, has inter tempestates fides navigat, tuta si sollicita, secura si attonita ' : « Parmi tant d'orages, parmi tant d'écueils, la foi sera ferme si elle est craintive, et naviguera (b) sûrement si elle marche toujours tremblante et étonnée de ses périls. » Et c'est après les bienfaits, c'est après les graces et les indulgences (c) que la crainte doit être plus grande. Car la vengeance suit de près l'ingratitude, et rien n'irrite tant la bonté (d) que le mépris qu'on en fait. C'est pourquoi le Saint-Esprit ayant représenté aux Galates par la bouche de l'Apôtre les immenses bontés de Dieu, leur adresse ces paroles: Nolite errare, Deus non irridetur: « Ne vous y trompez pas, on ne se moque pas de Dieu. » Non, non, ne vous trompez pas par cette fausse idée que vous concevez des miséricordes divines. Cette bonté de Dieu que vous vantez tant et que vous faites l'appui de vos crimes, n'est pas une bonté insensible et déraisonnable sous laquelle les pécheurs vivent à leur aise. C'est une bonté vigoureuse et juste. Dieu est bon, parce qu'il est ennemi du mal, et il exerce l'amour qu'il a pour le bien par la haine qu'il a pour le crime. Sa justice est lente, mais non endormie. Ne vous persuadez pas qu'il prétende flatter (e) par sa patience l'espérance de l'impunité; autrement vous vous feriez, non un Dieu vivant, mais une idole muette et insensible, un Dieu bon jusqu'au mépris et indulgent jusqu'à la foiblesse. Nolite errare; il n'en est pas de la sorte, on ne se moque pas de lui. Et qui sont ceux qui s'en moquent, sinon ceux qui 1 De Idololat., n. 24. (a) Il manque dans le manuscrit un feuillet renfermant deux pages. Déforis a comblé la lacune par un morceau de sa façon, que tous les éditeurs ont reproduit. Nous le supprimons. (b) Var.: Marchera. (c) C'est après les bienfaits, c'est après les indulgences, c'est après les graces que.....

pousse tant la bonté à bout.

2 Galat., VI, 7.

-

(e) Il ne prétend pas flatter.....

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(d) Et rien ne

abusent de ses bontés; qui croient qu'on leur donne le temps de pécher, parce qu'on leur en donne pour se repentir; qui font un jeu sacrilége de ses sacremens, du ministère des clefs et des indulgences de sa sainte Eglise; qui tournent contre lui tous ses bienfaits, et font de ses miséricordieuses facilités un chemin à la rébellion et à la licence? Donc, mes frères, que ce jubilé finisse nos ingratitudes. Ne nous moquons pas de Dieu, de peur qu'il ne se moque à son tour, et que nous ne puissions soutenir cette cruelle et insupportable moquerie; car, comme ajoute l'Apôtre, l'homme recueillera ce qu'il aura semé. (a) Prions le divin Sauveur qui a lavé tous nos péchés, qu'il guérisse encore toutes nos langueurs, et par là nous obtiendrons la dernière grace, qui est celle d'être à jamais impeccables. C'est ma dernière partie.

TROISIÈME POINT.

C'est donc ici, chrétiens, la dernière grace, le prix, la perfection et le comble de toutes les autres, d'être menés à la vie où nous serons impeccables, où nous jouirons éternellement avec les saints anges de cette heureuse nécessité de ne pouvoir plus être soumis au péché. (b) C'est là le bonheur parfait, c'est le salut accompli, c'est enfin le dernier repos qui nous est promis en Notre-Seigneur. Le commencement de notre repos, c'est de pouvoir ne plus pécher; la fin de notre repos, c'est de ne pouvoir plus pécher. Le commencement de notre repos, c'est de pouvoir être justes; la fin de notre repos, c'est d'avoir une assurance infaillible (c) de ne déchoir jamais aux siècles des siècles de la grace ni de la justice.

Pour comprendre profondément la différence de ces deux repos, dont l'un est la consolation de la vie présente et l'autre est la félicité de la vie future, il faut remarquer, Messieurs, que nous sommes très-assurés par la grace de la nouvelle alliance que Dieu ne nous délaissera pas le premier; mais nous ne sommes point

(a) Note marg.: Ah! mes frères, détournons nos yeux; je veux espérer de vous de meilleures... (6) C'est pour cela qu'il nous est né un Sauveur sur qui le péché ne pouvoit jamais avoir de prise, afin que, régénérés du même Esprit dont il a été conçu, nous pussions par sa grace devenir un jour heureusement incapables de succomber au péché. (Cette note a pour but d'approprier le sermon à la Nativité de Notre-Seigneur.) (c) Var. : Certaine.

assurés que nous ne manquerons pas à la foi donnée (a). C'est-àdire, si nous l'entendons, que nous sommes assurés de Dieu, mais toujours incertains de nous et de notre propre foiblesse. Nous sommes assurés de Dieu; car il ne change pas comme un homme, et «ses dons, dit le saint Apôtre, sont sans retour et sans repentance.» Jésus invite à lui tous ceux qui ont soif de la vérité et de la justice; mais lui-même il a soif des ames, il donne plus volontiers que les autres ne reçoivent. Il ouvre ses bras à tous, à tous son sang et ses plaies, à tous sa miséricorde et sa grace; et « si on ne l'abandonne, il n'abandonne jamais : » Non deserit, nisi deseratur 2. C'est la doctrine de tous les saints, c'est la foi constante de tous les conciles, si quelqu'un ne le croit pas, qu'il soit anathème! C'est pourquoi tous les oracles divins nous assurent que le traité qu'il fait avec nous est un traité éternel: Feriam vobiscum pactum sempiternum ; et ailleurs Despondi te mihi in fide: «Je t'ai épousée en foi. » C'est-à-dire que cet Epoux, toujours fidèle à lui-même et à ses saintes promesses, ne fera jamais divorce; mais cette ame, ingrate et perfide épouse, qui tant de fois s'est souillée d'un amour indigne et profane, l'obligera peut-être à se séparer; et ainsi, dit le prophète Isaïe, «elle casse et annule (b) le pacte éternel: » Dissipaverunt fœdus sempiternum 5. Comment est-il annulé, s'il est éternel et irrévocable? « C'est à cause de nous, dit le prophète; les hommes ont transgressé la loi ancienne et changé le droit établi : » Transgressi sunt leges, mutaverunt jus ‘. C'est-à-dire, si nous l'entendons, le pacte étoit éternel de la part de Dieu, mais il a été rompu de la part des hommes. Celui qui est immuable est toujours prêt à demeurer ferme; mais l'homme qui change à tout vent (c), comme la face de la mer, a tout renversé en manquant à la foi donnée. Voilà donc, ames chrétiennes, quelle est notre espérance durant cette vie, voilà quel est notre repos durant cet exil. Grand et admirable repos! car qu'y a-t-il de plus 4 Isa., LV, 3.

1 Rom., XI, 29.

2 S. August., In Psal. CXLV, n. 9. II, 20. 5 Isa., XXIV, 5. — Ibid.

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Ose.,

(a) Var. Nous sommes très-assurés..... que Dieu ne manquera pas à nos besoins, mais nous ne sommes pas assurés que nous ne manquerons pas à ses graces. (b) Elle casse et anéantit. (c) Qui change au premier vent,

sans cesse.

grand que d'être assuré de Dieu ? Mais incertitude terrible! car qu'y a-t-il de plus misérable que de n'être pas assurés de nous ? Viendra donc enfin le dernier repos et l'assurance parfaite où notre fidélité ne sera pas moins inébranlable que celle de Dieu, parce qu'il fixera nos désirs errans par la pleine communication (a) du bien véritable. Cette dernière grace nous sera donnée, ainsi que toutes les autres, par Jésus-Christ notre Sauveur. Car il faut que nous participions successivement à la grace de sa mort et à celle de sa glorieuse résurrection. «Il est mort une fois pour nos péchés, et il est ressuscité pour ne mourir plus1. » Il se donne à nous comme mort, et il faut qu'il se donne à nous comme immortel. Nous participons à la grace de sa mort lorsque nous faisons mourir en nous le péché avec ses mauvais désirs, et nous participerons à la grace de sa glorieuse immortalité lorsque nous vivrons, pour ne mourir plus, à la sainteté et à la justice. Alors nous aurons la plénitude de la grace que Jésus-Christ nous a apportée: alors nous serons semblables aux anges; possédant Dieu, possédés de Dieu, nous vivrons entièrement sauvés du péché, sans trouble, sans péril, sans tentation, « sans avoir jamais aucun vice, ni dont il nous faille secouer le joug, ni dont il faille effacer les restes, ni dont il faille combattre les attraits (b) trompeurs : » Nullum habens vitium, nec sub quo jaceat, nec cui cedat, nec cum quo saltem laudabiliter dimicet. Rien ne pourra nous agréer que la vérité, rien ne pourra nous plaire ni nous attirer que la justice éternelle, parce que «nous serons pleinement entrés dans la joie de Notre-Seigneur,» selon la promesse de son Evangile Intra in gaudium Domini tui3. Je terminerai ce discours en vous expliquant cette parole.

C'est autre chose, mes frères, que cette joie entre en nous, autre chose que nous entrions en cette joie. Notre ame est comme un vaisseau, (c) et la joie y est versée comme une liqueur. Cette liqueur a été comme répandue dans tous les objets qui nous environnent, et l'action de nos sens va l'exprimer de tous ces objets pour la faire couler dans nos cœurs ainsi qu'un suc agréable. Que de dan1 Rom., VI, 9, 10. - 2 S. August., De Civit. Dei, lib. XXII, cap. XXIV. 3 Matth., XXV, 21.

(a) Var. Participation. (b) Les appas. capacité.

(c) Note marg. Elle a plus de

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