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cette sentence : << Ils ont reçu leur consolation; » et encore : « Vous avez reçu vos biens1. » C'est ce que Jésus-Christ a toujours prêché en public et en particulier, au peuple comme à ses disciples, dans toutes ses conversations et dans toutes ses paraboles. Quoi! n'y aura-t-il que des excès dans son Evangile? N'aura-t-il jamais parlé qu'en exagérant, ou faudra-t-il forcer toutes ses paroles en faveur de nos passions et pour y trouver des excuses?

Mais sans raisonner davantage, j'appelle ici votre conscience (a): voulez-vous achever vos jours parmi ces plaisirs et dans ce continuel empressement? Répondez-moi, gens du monde, si vous n'avez pas encore oublié le christianisme. Je ne vous parlerai pas de ces commerces dangereux, ni de ces intrigues qui se mènent parmi les ténèbres. Je ne vous parlerai pas de ces rapines cachées, de ces concussions, ni de tout ce négoce d'iniquité. Mais voulez-vous que la mort survienne, pendant qu'appesantis par les soins du siècle (b) ou dissipés par ses divertissemens 2; pendant qu'incapables de vous occuper ni du siècle à venir, ni de la prière, ni des œuvres de charité, ni d'aucune pensée sérieuse, vous ne songez qu'à remplir un temps qui vous pèse, ou d'un jeu qui vous occupe (c) les jours et les nuits, ou de ces conversations dans lesquelles, pour ne point parler des médisances dont on les réveille, ce qu'il y a de plus innocent c'est après tout d'agréables inutilités, dont l'Evangile nous apprend qu'il faudra un jour rendre compte? Voulez-vous passer dans ces vanités la dernière année de votre vie, qui est peut-être celle que vous commencez aujourd'hui ? Car quel caractère particulier aura cette année fatale où vous serez comptés parmi les morts? Egalement trompeuses, toutes les années se ressemblent ; et c'est à nous à y mettre de la différence.

Mais je languis jusqu'à mourir, dans ces exercices de piété, dans ces oraisons, dans ces lectures. Que vous dirai-je ? Ce dégoût, c'est un reste de la maladie le goût vous reviendra avec la santé; tâchez seulement de vous guérir. Le temps des 1 Luc., XVI, 25. 2 Ibid., XXI, 34. Matth., XII, 36.

:

(a) Var. : Je ne veux plus faire parler que votre propre conscience. Répondez-moi, gens du monde, etc. - (b) Pendant que vous avez le cœur appesanti des affaires, des soucis du monde, de la bonne chère, des plaisirs.- (c) Travaille, consume.

épreuves est long. Le monde nous le prêche assez par ses amertumes: nous n'en sommes que trop dégoûtés. Mais vous, en attendant le moment des consolations, portez votre pénitence: portez la peine de la mollesse où vous languissez depuis si longtemps, et n'espérez pas, comme un nouveau Paul, être d'abord ravi au troisième ciel. Souvenez-vous de Jésus qui, avant ses grandes douleurs et le supplice de la croix, a voulu souffrir pour votre salut des abattemens, des ennuis, des détresses extrêmes, laissez-moi dire ce mot, et une tristesse jusqu'à la mort. Prenez ce remède nécessaire, et buvez le calice de sa passion; la joie vous reviendra avec la santé. Mais puisque les joies de la terre sont si mortelles à l'ame (a), ne cessons de réveiller sur ce sujet le genre humain endormi; répandons dans les saints discours le baume de la piété, et au lieu de ces finesses dont le monde est las, la vive et majestueuse simplicité, les douces promesses et l'onction céleste de l'Evangile.

Et vous, célèbre compagnie, qui ne portez pas en vain le nom de Jésus, à qui la grace a inspiré ce grand dessein de conduire les enfans de Dieu dès leur plus bas âge jusqu'à la maturité de l'homme parfait en Jésus-Christ; à qui Dieu a donné vers la fin des temps (b) des docteurs, des apôtres, des évangélistes, afin de faire éclater par tout l'univers et jusque dans les terres les plus inconnues la gloire de l'Evangile, ne cessez d'y faire servir selon votre sainte institution tous les talens de l'esprit, de l'éloquence, la politesse, la littérature; et afin de mieux accomplir un si grand ouvrage, recevez avec toute cette assemblée, en témoignage d'une éternelle charité, la sainte bénédiction du Père, etc.

(a) Var. Nous sont si mortelles. (b) Dans ces derniers temps.

QUATRIÈME SERMON

POUR

LA FÊTE DE LA CIRCONCISION (a).

Vocabis nomen ejus Jesum ipse enim salvum faciet populum suum à peccatis eorum.

Vous donnerez à l'enfant le nom de Jésus, c'est-à-dire Sauveur; car c'est lui qui sauvera et délivrera son peuple de ses péchés. Matth., 1, 21.

Celui dont il est écrit que son nom est le Seigneur et le ToutPuissant, semble avoir quitté ces noms magnifiques, lorsqu'après avoir pris la forme d'esclave, il a encore subi aujourd'hui une loi servile et porté imprimée en son propre corps la marque de la servitude. En effet quand le Fils de Dieu « se fait circoncire, il s'oblige et s'assujettit, dit le saint Apôtre ', à toute la loi de Moïse; » et ainsi se chargeant volontairement du joug que Dieu impose aux serviteurs, non-seulement il se dépouille en quelque façon de sa toute-puissante souveraineté, mais il semble qu'il se dégrade jusqu'à renoncer à la liberté et à la franchise. C'est dans ce temps mystérieux, c'est dans cette conjoncture surprenante que Dieu qui 1 Galat., V, 3.

(a) Prêché le 1er janvier 1668, à Dijon, dans la chapelle des anciens ducs de Bourgogne, en présence du prince de Condé.

C'est à ce grand capitaine que Bossuet s'adresse à la fin du discours. Il lui dit dans son allocution: « Quoique votre Altesse sérénissime aille être rejetée plus que jamais dans ce glorieux exercice, dans ces illustres fatigues, dans ce noble tumulte de la guerre, je ne crains pas, » etc. Le héros de Rocroi préparoit alors en Bourgogne, dont il étoit gouverneur, l'expédition de Franche-Comté, qui commença dans le mois de février. L'orateur reprend : « Votre Altesse a pris des pensées qui seront dignes de son rang, de sa naissance et de son courage, quand elle s'est fidèlement attachée au plus grand monarque du monde, et que cherchant son honneur dans sa soumission, elle n'a médité que de grands desseins pour sa gloire et pour son service. » Le prince de Condé s'étoit révolté contre le roi en prenant le parti de la Fronde; il fit sa soumission après la paix des Pyrénées, et fut reçu en grace en 1660.- Bossuet venoit de perdre sa mère; le deuil et des affaires de famille l'avoient amené dans sa ville natale, à Dijon. Le premier éditeur avoit doublé ce sermon d'un autre sermon, et flanqué le tout d'un morceau détaché; si bien qu'il avoit trois péroraisons, sans compter l'allocution au prince de Condé

sait rehausser (a) magnifiquement les humiliations de son Fils, lui donne le nom de Jésus et la qualité de Sauveur du monde. Il lui rend par ce moyen tout ce qu'il semble avoir perdu. Pendant que le Fils de Dieu se range parmi les captifs, il en est fait le libérateur, et rentre sous un autre nom dans les droits de sa royauté et de son empire, parce qu'il devient par un nouveau titre le Seigneur de tous ceux qu'il sauve, et s'acquiert autant de sujets qu'il rachète de pécheurs et qu'il affranchit d'esclaves.

La grace du jubilé se trouve enfermée si heureusement dans le saint nom de Jésus et dans le texte de mon évangile, que je ne puis rien traiter (b) de plus convenable à ce concours de solennités. Mais saint Paul ayant prononcé que « nul ne peut même nommer le Seigneur Jésus sans la grace du Saint-Esprit ',» moi, qui dois vous expliquer le mystère de ce nom aimable et en faire tout le sujet de mon discours, combien ai-je donc besoin de l'assistance divine! Je la demande humblement par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.

Combien grande, combien illustre, combien nécessaire est la grace que nous apporte le Sauveur Jésus en nous délivrant de nos péchés! On le peut aisément comprendre par la qualité du mal dont elle nous tire. Car le péché n'étant autre chose que la dépravation de l'homme en lui-même et dans sa partie principale, il est clair que les maux qui nous attaquent dans notre fortune, ou même dans l'état de notre santé et dans notre vie, n'égalent pas celui-ci en malignité; et que c'est le plus grand de tous les maux, puisque c'est celui qui nous fait perdre le bon usage de la raison, l'emploi légitime de la liberté, la pureté de la conscience, c'està-dire tout le bien et tout l'ornement de la créature raisonnable. Mais, mes frères, ce n'est pas assez, et voici ce qu'il y a de plus déplorable. Le comble de tous les malheurs, c'est que cette volontaire dépravation ne corrompt pas seulement en nous ce qu'il y a de meilleur, mais encore nous rend ennemis de Dieu, contraires à sa droiture, injurieux à sa sainteté, ingrats envers sa miséricorde, 1 I Cor., XII, 3.

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odieux à sa justice, et par conséquent soumis à la loi de ses vengeances. Tellement qu'il n'y a nul doute que le plus grand mal de l'homme ne soit le péché; et si jusqu'à présent il y a eu plusieurs Jésus et plusieurs Sauveurs, maintenant il n'est plus permis d'en connoître d'autres que celui que nous adorons, qui nous sauvant du péché comme du plus grand de tous les malheurs, mérite d'être nommé le véritable Jésus, l'unique Libérateur et le Sauveur par excellence.

La grace du jubilé qui nous a été accordée durant ces saints jours, enfermant la réception (a) des saints sacremens et les pieuses pratiques qui nous ont été ordonnées, fait en nous une entière (b) application de ce beau nom de Sauveur (c) que le Fils de Dieu reçoit aujourd'hui, et le concours de ces choses m'oblige à traiter à fond de quelle manière ce divin Sauveur nous délivre de tous nos péchés.

Or, Messieurs, pour expliquer ce mystère (d), je ne trouve rien de plus convenable que de vous proposer aussi nettement que mes forces le pourront permettre, une excellente doctrine de saint Augustin dans le second livre du second ouvrage Contre Julien, où ce grand homme remarque que cette délivrance de tous nos péchés a trois parties principales et essentielles. Car expliquant ces paroles de saint Jean-Baptiste : « Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde 1,» il enseigne que le Fils de Dieu ôte en effet les péchés, « et parce qu'il remet ceux qu'on a commis, et parce qu'il nous aide pour n'en plus commettre, et parce que par plusieurs périls et par plusieurs exercices il nous mène enfin à la vie heureuse où nous ne pouvons plus en commettre aucun (e) : » Tollit autem, et dimittendo quæ facta sunt..., et adjuvando ne fiant, et perducendo ad vitam ubi fieri omnino non possint'. Oper. imperf. Cont. Julian., lib. II, n. 84.

1 Joan., I, 29.

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(a) Var. Jointe à la réception... (b) Une totale. (c) De Jésus. (d) Or, dans le dessein que je me propose de vous expliquer le mystère du nom de Jésus et le salut qui nous est donné en Notre-Seigneur, je ne trouve, etc. Or, pour expliquer à fond le mystère de ce salut qui nous est donné en Jésus-Christ, je ne trouve, etc.- Au jour de la naissance du Sauveur, j'entreprends de vous faire voir quelle est la cause de son arrivée, quel est le mal dont il nous sauve, et quel est le salut qu'il nous apporte. (On voit que, par cette dernière variante, Bossuet approprie son discours au jour de Noël.) — (e) Tomber dans ses piéges, - tomber dans sa tyrannie.

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