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Il n'y a que le roi Jésus à qui la douceur et les largesses ne servent de rien. Il a beau nous ouvrir ses bras pour nous embrasser; il a beau nous obliger, non par de vaines caresses, mais par des bienfaits effectifs; nous sommes de glace pour lui, nous aimons mieux nous repaître des frivoles apparences du monde que de l'amitié solide qu'il nous promet. Ah! pourrai-je bien vous dire avec combien de soin il a recherché notre amour? Il est notre roi par naissance, il l'est de droit naturel; il a voulu l'être par amour et par bienfaits. Il faut, dit-il, que je les délivre, ces misérables captifs. Je pourrois bien le faire autrement; mais je veux les sauver en mourant pour eux, afin de les obliger à m'aimer. J'irai au péril de ma vie, j'irai avec la perte de tout mon sang les arracher de la mort éternelle. N'importe, je le ferai volontiers; pourvu seulement qu'ils m'aiment, je ne leur demande point d'autre récompense. Je les ferai régner avec moi.

Eh! mes frères, dites-moi, je vous prie, que nous a fait Jésus, le meilleur des princes, qu'avec une telle bonté il ne peut gagner nos affections, il ne peut amollir la dureté de nos cœurs? Certes, peuple de Metz, je vous donnerai cet éloge, que vous êtes fidèle à nos rois. On ne vous a jamais vu entrer, non pas même d'affection, dans les divers partis qui se sont formés contre leur service. Votre obéissance n'est pas douteuse, ni votre fidélité chancelante. Quand on parloit ces jours passés de ces lâches qui avoient vendu aux ennemis de l'Etat les places que le roi leur a confiées, on vous a vu frémir d'une juste indignation. Vous les nommiez des traîtres, indignes de voir le jour, pour avoir ainsi lâchement trompé la confiance du prince et manqué de foi à leur roi. Fidèles aux rois de la terre, pourquoi ne sommes-nous traîtres qu'au Roi des rois ? Pourquoi est-ce qu'il n'y a qu'envers lui que le nom de perfides ne nous déplaît pas, qui seroit le plus sensible reproche que l'on nous pût faire en toute autre rencontre ?

Mes frères, le roi Jésus nous a confié à tous une place qui lui est de telle importance, qu'il l'a voulu acheter par son sang; cette place, c'est notre ame, qu'il a commise à notre fidélité. Nous sommes obligés de la lui garder par un serment inviolable que nous lui avons prêté au baptême. Il l'a munie de tout ce qui est

nécessaire, au dedans par ses graces et son Saint-Esprit, au dehors par la protection angélique. Rien n'y manque, elle est imprenable, elle ne peut être prise que par trahison. Traîtres et perfides que nous sommes, nous la livrons à Satan, nous vendons à Satan le prix du sang de Jésus; à Satan son ennemi capital, qui a voulu envahir son trône, qui n'ayant pas pu réussir au ciel dans son audacieuse entreprise, est venu sur la terre lui disputer son royaume et se faire adorer en sa place. O perfidie! ô indignité! c'est pour servir Satan que nous trahissons notre prince crucifié pour nous, notre unique libérateur.

Figurez-vous, chrétiens, qu'aujourd'hui au milieu de cette assemblée paroît tout à coup un ange de Dieu qui fait retentir à nos oreilles ce que disoit autrefois Elie aux Samaritains : « Peuples, jusqu'à quand chancellerez-vous entre deux partis? » Quousque claudicatis in duas partes 1? Si le Dieu d'Israël est le vrai Dieu, il faut l'adorer; si Baal est Dieu, il faut l'adorer. Chers frères, les prédicateurs sont les anges du Dieu des armées. Je vous dis donc aujourd'hui à tous, et Dieu veuille que je me le dise à moi-même comme il faut : Quousque claudicatis? « Jusqu'à quand serez-vous chancelans?» Si Jésus est votre roi, rendez-lui vos obéissances; si Satan est votre roi, rangez-vous du côté de Satan. Il faut prendre parti aujourd'hui. Ah! mes frères, vous frémissez à cette horrible proposition. A Jésus, à Jésus! dites-vous; il n'y a pas ici lieu de délibérer. Et moi, nonobstant ce que vous me dites, je réitère encore la même demande : Quousque claudicatis in duas partes? Eh! serez-vous à jamais chancelans, sans prendre parti comme il faut? « Si je suis votre maître, dit le Seigneur par la bouche de son prophète, où est l'honneur que vous me devez 2? » « Et pourquoi m'appelez-vous Seigneur, et ne faites pas ce que je vous dis, »> dit Notre-Seigneur en son Evangile ? Que voulez-vous que l'on croie, ou nos paroles, ou nos actions?

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Le Fils de Dieu nous ordonne que nous approchions de son Père en toute pureté et en tempérance. Et pourquoi donc tant d'infàmes désirs? Pourquoi tant d'excessives débauches? Il nous ordonne d'être charitables; et, fidèles, la charité pourra-t-elle jamais 1 III Reg., XVIII, 21. Malach., 1, 6. 3 Matth., VII, 21.

s'accorder avec nos secrètes envies, avec nos médisances continuelles, avec nos inimitiés irréconciliables? Le Fils de Dieu nous ordonne de soulager les pauvres autant que nous le pourrons; et nous ne craignons pas de consumer la substance du pauvre ou par de cruelles rapines, ou par des usures plus que judaïques : Quousque claudicatis? Mes frères, il ne faut plus chanceler; il faut être tout un ou tout autre. Si Jésus est notre roi, donnons -lui nos œuvres comme nous lui donnons nos paroles. Si Satan est notre roi, ô chose abominable! mais la dureté de nos cœurs nous contraint de parler de la sorte; si Satan est notre roi, ne lui refusons pas nos paroles après lui avoir donné nos actions. Mais à Dieu ne plaise, mes frères, que jamais nous fassions un tel choix ! Et comment pourrions-nous supporter les regards de cet Agneau sans tache, meurtri pour l'amour de nous ? Dans cette terrible journée, où ce roi descendra en sa majesté juger les vivans et les morts, comment soutiendrions-nous l'aspect de ses plaies qui nous reprocheroient notre ingratitude? Où trouverions-nous des antres assez obscurs et des abîmes assez profonds, pour cacher une si noire perfidie? Et comment souffririons-nous les reproches de cette tendre amitié si indignement méprisée, et la voix effroyable du sang de l'Agneau qui a crié pour nous sur la croix pardon et miséricorde, et dans ce jour de colère criera vengeance contre notre foi mal gardée et contre nos sermens infidèles?

O Dieu éternel! combien dur, combien insupportable sera ce règne que Jésus commencera en ces jours d'exercer sur ses ennemis ! Car enfin, fidèles, il est nécessaire qu'il règne sur nous. L'empire des nations lui est promis par les prophéties. S'il ne règne sur nos ames par miséricorde, il y régnera par justice; s'il n'y règne par amour et par grace, il y régnera par la sévérité de ses jugemens et par la rigueur de ses ordonnances. Et que diront les méchans, quand ils sentiront, malgré qu'ils en aient, leur roi en eux-mêmes appesantir sur eux son bras tout-puissant; lorsque Dieu frappant d'une main, soutenant de l'autre, les brisera éternellement de ses coups sans les consumer? Et ainsi toujours vivans et toujours mourans, immortels pour leur peine, trop forts pour mourir, trop foibles pour supporter, ils gémiront à jamais sur des lits de

flammes, outrés de furieuses et irrémédiables douleurs; et poussant parmi des blasphèmes exécrables mille plaintes désespérées, ils confesseront par une pénitence tardive qu'il n'y avoit rien de si raisonnable que de laisser régner Jésus sur leurs ames. Dignes certes des plus horribles supplices, pour avoir préféré la tyrannie de l'usurpateur à la douce et légitime domination du prince naturel. O Dieu et Père de miséricorde, détournez ces malheurs de dessus nos têtes.

Mes frères, ne voulez-vous pas bien que je renouvelle aujourd'hui le serment de fidélité que nous devons tous à notre grand roi ? O roi Jésus, à qui nous appartenons à si juste titre, qui nous avez rachetés par un prix d'amour et de charité infinie, je vous reconnois pour mon souverain. C'est à vous seul que je me dévoue. Votre amour sera ma vie, votre loi sera la loi de mon cœur. Je chanterai vos louanges, jamais je ne cesserai de publier vos miséricordes. Je veux vous être fidèle, je veux être à vous sans réserve, je veux vous consacrer tous mes soins, je veux vivre et mourir à votre service. Amen.

SECOND SERMON

POUR

LA FÊTE DE LA CIRCONCISION (a).

Deus autem rex noster ante sæcula, operatus est salutem in medio terræ. Dieu, qui est notre roi avant tous les siècles, a opéré notre salut au milieu de la terre. Psal. LXXIII, 12.

Quoique nous apprenions par les saintes Lettres que Dieu se considère dans tous ses ouvrages, et que ne voyant rien dans le

(a) On verra dans ce sermon quelques traductions triviales et quelques notes; mais on n'y trouvera ni division ni parties distinctes, pour ainsi dire ni commencement ni fin. C'est que la main de dom Déforis a passé par là: « Neus avons, dit-il dans une première note, supprimé de ce sermon plusieurs morceaux

monde qui ne soit infiniment au-dessous de lui, il ne voit aussi que lui-même qui mérite d'être la fin de ses actions; toutefois il est assuré qu'il n'augmente pas pour cela ses propres richesses, parce qu'elles sont infinies. Quelques beaux ouvrages que produise sa toute-puissance, il n'en retire aucun bien que celui d'en faire aux autres, il n'y peut rien acquérir que le titre de bienfaiteur; et l'intérêt de ses créatures se trouve si heureusement conjoint avec le sien, que comme il ne leur donne que pour l'avancement de sa gloire, aussi ne peut-il avoir de plus grande gloire que de leur donner. C'est pourquoi l'Eglise inspirée de Dieu nous apprend, dans le sacrifice, à lui rendre graces pour sa grande gloire Gratias agimus tibi propter magnam gloriam tuam, afin que nous comprenions par cette prière que la grande gloire de Dieu c'est d'être libéral à sa créature. C'est pour cette raison que le Fils de Dieu prend aujourd'hui le nom de Jésus et la qualité de Sauveur. Ce n'est pas assez que l'on nous enseigne que ce petit enfant est né pour les hommes, il faut que son nom nous le fasse entendre; et il en revient à notre nature ce grand et glorieux avantage, qu'on ne peut honorer le nom de Jésus sans célébrer aussi notre délivrance, et ainsi que le salut des mortels est devenu si considérable qu'il fait non-seulement le bonheur des hommes et le sujet des hymnes des anges, mais encore le triomphe du Fils de Dieu même.

Sainte Mère de mon Sauveur, dont le Saint-Esprit s'est servi pour lui donner un nom si aimable, obtenez-nous de Dieu cette grace, que nous en sentions les douceurs que l'ange commença de vous expliquer, après qu'il vous eut ainsi saluée: Ave, Maria.

tirés mot à mot du précédent, qui pouvoient être retranchés sans interrompre l'ordre et la suite du discours. » Pardon, tout cela est interrompu; mais on n'a pu dans cette édition rétablir le plan de l'auteur, parce qu'on a vainement cherché le manuscrit original.

Cependant on peut dire avec la plus grande probabilité que notre sermon a été prêché à Metz vers 1656. Malgré les suppressions du premier éditeur, il renferme encore plusieurs passages qui se trouvent littéralement dans le sermon précédent, et Bossuet n'auroit pas fait dans la grande époque de sa mission apostolique des emprunts pareils à ses compositions de Metz. On y remarque aussi certaines expressions qu'il a bannies plus tard, par exemple : « Le prince Jésus, rien ne se derobe de son empire, il lui plaît établir; ce qu'il daigne régner sur nous, c'est miséricorde, » etc.

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