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monde, puisqu'il y vient en pleurant, et que la nature ne lui inspire point d'autres pressentimens dans cet état que celui qu'il a de ses misères ? Entrons donc dans de profonds sentimens de notre bassesse, et descendons avec Jésus-Christ, si nous voulons monter avec lui. « Il est monté, dit saint Paul 1, au plus haut des cieux, parce qu'il est auparavant descendu au plus profond des abîmes. >> Ne descendons pas seulement avec lui dans une humble recon, noissance des infirmités et des bassesses de notre nature; descendons jusqu'aux enfers, en confessant que c'est de là qu'il nous a tirés et non-seulement des enfers où étoient les ames pieuses avant sa venue, ou des prisons souterraines où étoient les ames imparfaites qui avoient autrefois été incrédules; mais du fond même des enfers où les impies, où Caïn, où le mauvais riche étoient tourmentés avec les démons. C'est jusque-là qu'il nous faut descendre, jusque dans ces brasiers ardens, jusque dans ce chaos horrible et dans ces ténèbres éternelles, puisque c'est là que nous serions sans sa grace. Anéantissons à son exemple tout ce que nous sommes. Car considérons, mes bien-aimés, qu'est-ce qu'il a anéanti en lui-même. «Comme il étoit, dit saint Paul, dans la forme et la nature de Dieu, il n'a pas cru que ce fût à lui un attentat de se porter pour égal à Dieu; mais il s'est anéanti luimême en prenant la forme d'esclave, ayant été fait semblable aux hommes. » Ce n'est donc pas seulement la forme d'esclave qu'il a comme anéantie en lui-même; mais il a anéanti autant qu'il a pu jusqu'à la forme de Dieu, en la cachant sous la forme d'esclave et suspendant pour ainsi parler son action toute-puissante et l'effusion de sa gloire; poussant l'obéissance jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix 3; la poussant jusqu'au tombeau, et ne commençant à se relever que lorsqu'il fut parvenu à la dernière extrémité de la bassesse. Ne songeons donc à nous relever non plus que lui, que lorsque nous aurons goûté son ignominie dans toute son étendue, et que nous aurons bu tout le calice de ses humiliations. Alors il ne nous sera pas en ruine, mais en résurrection, en consolation et en joie.

1 Ephes., IV, 9, 10. -2 Philip., II, 6, 7.

- 3 Ibid., 8.

SECOND POINT.

Mais pour nous jeter dans ces profondeurs, laissons-nous confondre par la vérité de sa doctrine. C'est la seconde source des contradictions qu'il a eu à essuyer sur la terre. Il n'a eu à y trouver que des pécheurs, et il sembloit que des pécheurs ne devoient non plus s'opposer à un Sauveur que des malades à un médecin. Mais c'est qu'ils étoient pécheurs, et cependant qu'ils n'étoient pas humbles. Toutefois qu'y avoit-il de plus convenable à un pécheur que l'humilité et l'humble aveu de ses fautes ? C'est ce que JésusChrist n'a pu trouver parmi les hommes. Il a trouvé des pharisiens pleins de rapines, d'impuretés et de corruption; il a trouvé des docteurs de la loi, qui sous prétexte d'observer les plus petits commandemens avec une exactitude surprenante, violoient les plus grands. Et ce qui les a soulevés contre le Fils de Dieu, c'est ce qu'il a dit lui-même en un mot : « Je suis venu au monde comme la lumière; et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étoient mauvaises 1. >>

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C'est pourquoi Jésus a été plus que Moïse, plus que Jérémie, plus que tous les autres prophètes, un objet de contradiction, de murmure et de scandale à tout le peuple. « C'est un prophète, ce n'en est pas un : c'est le Christ; le Christ peut-il venir de Nazareth? peut-il venir quelque chose de bon de Galilée ? Quand le Christ viendra, on ne saura d'où il vient 3; mais nous savons d'où vient celui-ci. C'est un blasphémateur et un impie qui se fait égal à Dieu, qui enseigne à violer le jour du sabbat. C'est un Samaritain et un schismatique'; c'est un rebelle et un séditieux, qui empêche de payer le tribut à César ; c'est un homme de plaisir et de bonne chère, qui aime les grands repas des publicains et des pécheurs ; il est possédé du malin esprit, et c'est en son nom qu'il délivre les possédés 10. » En un mot, c'est un trompeur, c'est un imposteur; ce qui enfermoit le comble de tous les

1 Joan., III, 19.

X, 33.6 Ibid., IX, 16. 10 Ibid., XII, 24.

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5 Ibid.,

Ibid., VII, 40, 41. — 3 Ibid., 27. — Ibid., IX, 29.
7 Ibid., VIII, 48.8 Luc., XXIII, 2.—9 Matth., XI, 19.

outrages, et ce qui fait aussi qu'on lui préfère un voleur de grand chemin et un assassin. Lequel des prophètes a été en butte à de plus étranges contradictions? Il le falloit ainsi, puisque portant aux hommes plus près que n'avoit fait aucun des prophètes, et avec un éclat plus vif, la vérité qui les condamnoit, il falloit qu'il soulevât contre lui tous les esprits jusqu'aux derniers excès : c'est pourquoi la rébellion n'a jamais été portée plus loin. Il fait des miracles que jamais personne n'avoit faits, et il ne laissoit aucune excuse à l'infidélité des hommes. Mais plus la conviction étoit manifeste, plus le soulèvement devoit être brutal et insensé. Car voyez jusqu'où ils portent leur fureur: il avoit ressuscité un mort de quatre jours en présence de tout le peuple; et non-seulement c'est ce qui les détermine à le faire mourir, mais ils veulent faire mourir avec lui celui qu'il avoit ressuscité, afin d'ensevelir dans un même oubli et le miracle et celui qui en étoit l'auteur et celui qui en étoit le sujet, parce qu'encore qu'ils sussent bien que Dieu, qui avoit fait un si grand miracle, pouvoit bien le réitérer quand il voudroit, ils osoient bien espérer qu'il ne le voudroit pas faire, ni renverser si souvent les lois de la nature. Voilà jusqu'où ils poussent leurs complots; et jamais la vérité n'avoit été plus en butte aux contradictions, parce que jamais elle n'avoit été plus claire ni plus convaincante, ni pour ainsi parler plus souveraine. C'est donc alors que les pensées que plusieurs tenoient cachées dans leurs cœurs furent découvertes. Et quelle fut la noire pensée qui fut alors découverte? Que l'homme ne peut souffrir la vérité; qu'il aime mieux ne pas voir son péché pour avoir occasion d'y demeurer, que de le voir et le reconnoître pour être guéri; et en un mot que le plus grand ennemi qu'ait l'homme, c'est l'homme même. Voilà cette secrète et profonde pensée du genre humain, qui devoit être révélée à la présence de Jésus-Christ et à sa lumière : Ut revelentur ex multis cordibus cogitationes.

Prenez donc garde, mes frères, de ne pas imiter ces furieux. Tu t'enfonces dans le crime, malheureux pécheur; et à mesure que tu t'y enfonces les lumières de ta conscience s'éteignent; et cette parole de Jésus-Christ s'accomplit encore: « Vous voulez me

faire mourir, parce que ma parole ne prend point en vous 1. » Les lumières de ta conscience et cette secrète persécution qu'elle te fait dans ton cœur, ne t'émeuvent pas; pour cela tu les veux éteindre les vérités de l'Evangile te sont un scandale; tu commences à les combattre, non point par raison, car tu n'en as point, et « les témoignages de Dieu sont trop croyables,» mais par paresse, par aveuglement, par fureur. Il n'y a plus devant tes yeux et dans le fond de ton cœur qu'une petite lumière; et sa foiblesse fait voir qu'elle n'est plus en toi que pour un peu de temps: Adhuc modicum lumen in vobis est3 : « La lumière est encore en vous pour un peu de temps. » Au reste, mon cher frère, c'est Jésus-Christ qui te luit encore, qui te parle encore par ce foible sentiment: marche donc à la faveur de cette lumière, de peur que les ténèbres ne t'enveloppent; et celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va *; il choppe à chaque pas, à chaque pas il se heurte contre la pierre, et tous les chemins sont pour lui des précipices.

TROISIÈME POINT.

Mais ce qu'il y a ici de plus étrange, c'est que le dernier sujet du scandale qui a soulevé le monde contre Jésus-Christ, c'est sa bonté. Si dans le temps de sa passion et dans tout le cours de sa vie, on a poussé les outrages jusqu'à la dernière extrémité, c'est à cause « qu'il se livroit à l'injustice, » comme dit l'apôtre saint Pierre ; qu'il se laissoit frapper impunément comme un agneau innocent se laisse tondre, et se laisse même mener à l'autel pour y être égorgé comme une victime; c'est que s'il fait des miracles, c'est pour faire du bien à ses ennemis, et non pas pour empêcher le mal qu'ils lui vouloient faire. C'est de là qu'est venu le grand scandale que le monde a vu arriver dans Israël, à l'occasion de Jésus-Christ. Mais voici, dans le vrai Israël et dans l'Eglise de Dieu, le grand scandale. Parce que dans l'institution de ses sacremens Jésus-Christ n'a point voulu donner de bornes à ses bontés, les chrétiens n'en donnent point à leurs crimes. On a -reproché au Sauveur l'efficace toute-puissante de son baptême, où tous les crimes étoient également expiés; et Julien l'Apostat

Joan., VIII, 37.-2 Psal. XCII, 5.- 3 Joan., XII, 35 — Ibid. — 5 I Petr., 11, 23.

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TROISIÈME SERMON POUR LE JOUR DE NOEL.

a bien osé dire que c'étoit inviter le monde à faire mal1. Mais la clémence du Sauveur ne s'en tient pas là. Novatien et ses sectateurs en ont eu honte : ils ont tâché de renfermer la miséricorde du Sauveur dans le baptême, ôtant tout remède à ceux qui n'avoient pas profité de celui-là. L'Eglise les a condamnés, et la miséricorde qu'elle prêche est si grande, qu'elle ouvre encore une entrée pour le salut à ceux qui ont violé la sainteté du baptême et souillé le temple de Dieu en eux-mêmes. Restreignons-nous donc du moins, et ne donnons qu'une seule fois la pénitence, comme on faisoit dans les premiers temps. Non, mes frères, la miséricorde de Jésus-Christ va encore plus loin: il n'a point mis de bornes à la rémission des péchés. Il a dit sans restriction : «Tout ce que vous remettrez, tout ce que vous délierez2. » Il a dit à tous ses ministres en la personne de saint Pierre : « Vous pardonnerez non-seulement sept fois, mais jusqu'à sept fois septante fois. » C'est que le prix de son sang est infini : c'est que l'efficace de sa mort n'a point de bornes et c'est là aussi le grand scandale qui paroît tous les jours dans Israël; on dit : Je pécherai encore, parce que j'espère faire pénitence. Que ce discours est insensé ! Sans doute faire pénitence, ce n'est autre chose que se repentir. Quand on croit qu'on se repentira de quelque action, c'est une raison pour ne la pas faire. Si vous faites cela, dit-on tous les jours, vous vous en repentirez. Mais à l'égard de Dieu le repentir devient l'objet de notre espérance; et on ne craint point de pécher, parce qu'on espère de se repentir un jour. Il falloit donc encore que cette absurde pensée fût révélée à la venue de JésusChrist Ut revelentur cogitationes. Mais, chrétien, tu n'y penses pas quand tu dis que tu feras pénitence et que tu te repentiras, et que tu fais servir ce repentir futur à ta licence: tu renverses la nature, tu introduis un prodige dans le monde. C'est en effet que ton repentir ne sera pas un repentir véritable, mais une erreur dont tu te flatteras dans ton crime.

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Tremblez donc, tremblez, mes frères, et craignez qu'en abusant de l'esprit de la pénitence pour vous autoriser dans vos pé

23.

1 Apud S. Cyrill. Alex., lib. VII Contra Julian.—2 Matth., XVIII, 18; Joan. XX, 3 Matth., XVIII, 22.

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