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votre gloire à constitutione mundi', et il ne faisoit alors que vous préparer votre royaume Venite, benedicti Patris mei. Il me semble, Messieurs, qu'il y a là de quoi inciter les ames les moins généreuses. Que jugez-vous de cet honneur? Est-ce peu de chose à votre avis d'être l'accomplissement des ouvrages de Dieu, le dernier sujet sur lequel il emploiera sa toute-puissance, et qu'il se repose après toute l'éternité? Il y aura de quoi contenter cette nature infinie. Lui qui a jugé que la production de cet univers n'étoit pas une entreprise digne de lui, se contentera après avoir consommé le nombre de ses élus. Toute l'éternité il ne fera que leur dire Voilà ce que j'ai fait; voyez, n'ai-je pas bien réussi dans mes desseins? Pouvois-je me proposer une fin plus excellente?

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Vous me direz peut-être : Comment se peut-il faire que tous les desseins de Dieu aboutissent aux bienheureux? Jésus-Christ n'estil pas le premier-né de toutes les créatures? N'est-ce pas en lui qu'a été créé tout ce qu'il y a de visible et d'invisible? Il est la consommation de tous les ouvrages de Dieu. Et sans aller plus loin, les paroles de mon texte nous font assez voir que les saints ne sont pas la fin que Dieu s'est proposée dans tous ses ouvrages, puisqu'eux-mêmes ne sont que pour Jésus-Christ: Vos autem Christi3. Tout cela est très-véritable; Messieurs; mais il n'y a rien à mon avis qui établisse plus ce que je viens de dire. Le même Apôtre qui a dit que tout est pour Notre-Seigneur, a dit aussi que tout est pour les élus. Et non-seulement il l'a dit; il nous a donné de plus une doctrine admirable pour le comprendre. Il nous apprend que Dieu, afin de pouvoir donner cette prérogative à son Fils sans rien déroger à ce qu'il préparoit à ses saints, a trouvé le moyen d'unir leurs intérêts avec tant d'adresse, que tous leurs avantages et tous leurs biens sont communs. C'est ce qui me reste à expliquer en peu de mots. Que si Dieu me fait la grace de pouvoir dire quelque chose qui approche de ces hautes vérités, il y aura de quoi nous étonner de l'affection qu'il a pour les saints et des grandeurs où il les appelle.

1 Matth., XXV, 34.- 2 Ibid.- 31 Cor., III, 23.- Rom., VIII, 28.

SECOND POINT.

Le Père éternel ayant rempli son Fils de toutes les richesses de la divinité, a voulu qu'en lui toutes les nations fussent bénies. Et comme il lui a donné les plus pures de ses lumières, il a établi cette loi universelle, qu'il n'y eût point de grace qui ne fût un écoulement de la sienne. De là vient que le Fils de Dieu dit à son Père qu'il a donné aux justes la même clarté qu'il avoit reçue de lui Ego claritatem quam dedisti mihi, dedi eis'. Où, comme vous voyez, il compare la sainteté à la lumière, pour nous faire voir qu'elle est une et indivisible, et que tout de même que les rayons du soleil venant à tomber sur quelque corps, lui donnent véritablement un éclat nouveau et une beauté nouvelle, mais qui n'est qu'une impression de la beauté du soleil et une effusion de cette lumière originelle qui réside en lui; ainsi la justice des élus n'est autre chose que la justice de Notre-Seigneur, qui s'étend sur eux sans se séparer de sa source, parce qu'elle est infinie; de sorte qu'ils n'ont de splendeur que celle du Fils de Dieu, ils sont environnés de sa gloire, ils sont tout couverts, pour parler avec l'Apôtre, et tout revêtus de Jésus-Christ. L'esprit de Dieu, Messieurs, « cet esprit immense qui comprend en soi toutes choses, »> hoc quod continet omnia, se repose sur eux pour leur donner une vie commune. Il va pénétrant le fond de leur ame; et là, d'une manière ineffable, il ne cesse de les travailler jusqu'à tant qu'il y ait imprimé Jésus-Christ. Et comme il a une force invincible, il les attache à lui par une union incomparablement plus étroite que celle que peuvent faire en nos corps des nerfs et des cartilages, qui au moindre effort se rompent ou se détendent.

C'est cette liaison miraculeuse qui fait que « Jésus-Christ est toute leur vie : » Christus vita vestra3. Ils sont « son corps et sa plénitude, » corpus ejus et plenitudo, comme parle l'apôtre saint Paul; comme s'il disoit qu'il manqueroit quelque perfection au Fils de Dieu, qu'il seroit mutilé, si l'on séparoit de lui les élus. C'est pourquoi notre bon maître, dans cette oraison admirable qu'il fait pour ses saints, en saint Jean, xvII, les recommande à 1 Joan., XVII, 22. 2 Sap., I, 7. - 3 Coloss., III, 4. - Ephes., 1, 23.

son Père non plus comme les siens, mais comme lui-même. « J'entends, dit-il, que partout où je serai, mes amis y soient avec moi : » Volo, Pater, ut ubi sum ego, et illi sint mecum'. Vous diriez qu'il ne sauroit se passer d'eux, et que son royaume ne lui plairoit pas, s'il ne le possédoit en leur compagnie et s'il ne leur en faisoit part. Il ne veut pas même que son Père les divise de lui dans son affection. Il ne cesse de lui représenter continuellement qu'il est en eux et eux en lui, qu'il faut qu'ils soient mêlés et confondus avec lui, comme il fait lui-même avec son Père une parfaite unité. Il semble qu'il ait peur qu'il n'y mette quelque différence : Ego in eis et tu in me, ut sint consummati in unum, ut sciat mundus quia dilexisti eos sicut et me dilexisti. Et un peu après : Dilectio quâ dilexisti me in ipsis sit, et ego in eis3. Je suis en eux et vous en moi, afin que tout se réduise à l'unité, et que le monde sache que vous ne faites point de distinction entre nous, que vous les aimez et que vous en avez soin comme de moi-même.

A ces paroles, Messieurs, qui seroit l'insensible qui ne se laisseroit émouvoir? Certes elles sont si avantageuses pour nous, que je les croirois injurieuses à notre Maître, si lui-même ne les avoit prononcées. Mais qui peut douter de ce prodige? Et quoique d'abord cela nous semble incroyable, est-ce trop peu de sa parole pour nous en assurer? Tenons-nous hardiment à cette promesse, et laissons ménager au Père éternel les intérêts de son Fils; il saura bien lui donner le rang qui est dû à sa qualité et à son mérite, sans violer cette unité que lui-même lui a si instamment demandée. Comme une bonne mère qui tient son cher enfant entre ses bras, porte différemment ses caresses sur diverses parties de son corps, selon que son affection la pousse; il y en a quelques-unes qu'elle orne avec plus de soin, qu'elle conserve avec plus d'empressement; ce n'est toutefois que le même amour qui l'anime de même le Père éternel, sans diviser cet amour qu'il doit en commun à son Fils et à ses membres, saura bien lui donner la prééminence du chef. Et s'il y a quelque différence en cet exemple, c'est, Messieurs, que l'union des saints avec Jésus-Christ est bien plus étroite, parce qu'il emploiera pour la faire et sa main 1 Joan., XVII, 24. Ibid., 23. Ibid., 26.

toute-puissante, et cet esprit unissant que les Pères ont appelé le lien de la Trinité.

Dites-moi tout ce qu'il vous plaira de la grandeur, des victoires, du sacrifice de notre Maître; j'avouerai tout cela, Messieurs, et j'en avouerai beaucoup davantage : car que pourrions-nous dire qui approchât de sa gloire? Mais je ne laisserai pas de soutenir que celui qui n'aspire pas au même royaume, qui ne porte pas son ambition jusqu'aux mêmes honneurs, qui n'espère pas la même félicité, n'est pas digne de porter le nom de chrétien, ni d'être lavé de son sang, ni d'être animé de son esprit. Pour. qui a-t-il vaincu, si ce n'est pour nous? N'est-ce pas pour nous qu'il s'est immolé? Sa gloire lui appartenoit par le droit de sa naissance; et s'il avoit quelque chose à acquérir, c'étoit les fidèles qu'il appelle le peuple d'acquisition. Pensons-nous pas qu'il sache ce qui est dû à ses victoires? Et cependant écoutons comme il parle dans l'Apocalypse: « J'ai vaincu, dit-il ; je suis assis comme un triomphateur à la droite de mon Père, et je veux que ceux qui surmonteront en mon nom soient mis dans le même trône que moi : >> Qui vicerit, dabo ei ut sedeat in throno meo'. Figurez-vous, si vous pouvez, une plus parfaite unité. Ce n'est pas assez de nous transporter au même royaume, ni de nous associer à l'empire; il veut que nous soyons placés dans son trône, non pas qu'il le quitte pour nous le donner (les saints n'en voudroient pas à cette condition), mais il veut que nous y régnions éternellement avec lui. Et comment cela se peut-il expliquer, qu'en disant que nous sommes le même corps, et qu'il ne faut point mettre de différence entre lui et nous?

Après de si grands desseins de la Providence sur les bienheureux, après que Dieu s'est intéressé lui-même à leur grandeur, et s'y est intéressé par ce qu'il aime le plus, prenez garde, chrétiens, lorsqu'on vous parlera du royaume céleste, de ne vous le pas représenter à la façon de ces choses basses qui frappent nos sens, ou de ces plaisirs périssables qui trompent plutôt notre imagination qu'ils ne la contentent. Tout nous y semblera nouveau, nous n'aurons jamais rien vu de semblable: Nova facio omnia2. Comme Dieu, 1 Apoc., III, 21. — 2 Isa., XLIII, 19; Apoc., XXI, 5.

sans avoir égard à ce qu'il a fait des choses, ne considérera plus que ce qu'il en peut faire; comme il ne suivra plus leur disposition naturelle et ne prendra loi que de sa puissance et de son amour, ce ne seroit pas une moindre témérité de prétendre concevoir ce qu'il fait dans les bienheureux, que si nous voulions comprendre sa toute-puissance. Mettre les choses dans cet état naturel où nous les voyons, cela étoit bon pour commencer les ouvrages de Dieu. Mais s'il veut faire des saints quelque chose digne de lui, il faut qu'il travaille in manu potenti et brachio extento1; il faut, dis-je, qu'il étende son bras; il faut qu'il les tourne de tous côtés pour les façonner entièrement à sa mode, et qu'il n'ait égard à leur disposition naturelle qu'autant qu'il faudra pour ne leur point faire de violence. Ce sera pour lors qu'il donnera ce grand coup de maître qui rendra les saints à jamais étonnés de leur propre gloire. Ils seront tellement embellis (a) des présens de Dieu, qu'à peine l'éternité leur suffira-t-elle pour se reconnoître. Est-ce là ce corps autrefois sujet à tant d'infirmités? est-ce là cette ame qui avait ses facultés si bornées? Ils ne pourront comprendre comment elle étoit capable de tant de merveilles. La joie y entrera avec trop d'abondance, pour y passer par les canaux ordinaires. Il faudra que la main de Dieu ouvre les entrées et qu'il leur prête pour ainsi dire son esprit, comme il les fera jouir de sa félicité. Je vous prie de considérer un moment avec moi ce que c'est que cette béatitude.

Notre ame dans cette chair mortelle ne peut rien rencontrer qui la satisfasse; elle est d'une humeur difficile, elle trouve à redire partout. Quelle joie d'avoir trouvé un bien infini, une beauté accomplie, un objet qui s'empare si doucement de sa liberté, qui arrête à jamais toutes ses affections, sans que son bonheur (b) puisse être troublé ou interrompu par le moindre désir! Mais que peut-elle concevoir de plus grand que de posséder celui qui la possède, et que cet objet qui la maîtrise soit à elle? Car il n'y a rien qui soit plus à elle que ce qui est sa récompense, d'autant que la récompense est attachée à une action de laquelle le domaine lui appartient. Comme elle loue Dieu de l'avoir si bien conduite, 1 Deut., v, 15.

(a) Var. Enrichis. (b) Ravissement.

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