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espérances; c'est pourquoi tout le monde désire tous ceux qui désirent sont pauvres et dans le besoin. Aimons cette partie de la pauvreté qui nous est échue en partage, pour nous rendre semblables à Jésus-Christ. Chrétiens, au nom de Celui « qui étant si riche par sa nature, s'est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté 1,» détrompons-nous des faux biens du monde; comprenons que la crèche de notre Sauveur a rendu pour jamais toutes nos vanités ridicules. Oui certes, ô mon Sauveur JésusChrist, tant que je concevrai bien votre crèche et vos saintes humiliations, les apparences du monde ne me surprendront point par leurs charmes, elles ne m'éblouiront pas par leur vain éclat; et mon cœur ne sera touché que de ces richesses inestimables que votre glorieuse pauvreté nous a préparées dans la félicité éternelle.

TROISIÈME SERMON

POUR

LE JOUR DE NOEL (a).

Celui-ci, cet enfant qui vient de naître, dont les anges célèbrent la naissance, que les bergers viennent adorer dans sa crèche, que les Mages viendront bientôt rechercher des extrémités de l'Orient, que vous verrez dans quarante jours présenté au temple et mis entre les mains du saint vieillard Siméon : « Cet enfant, dis-je, est établi pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs dans 1 II Cor., VIII, 9.

(a) Prêché dans la cathédrale de Meaux, le jour de Noël 1691.

Un de ces rares sermons que Bossuet désignoit par ces mots : « Ecrit après avoir dit, » c'est-à-dire tracé sur le papier après avoir été prêché.

Le manuscrit n'offre qu'un abrégé du discours: «Cette copie faite de ma main, dit l'abbé Ledieu, est l'original même du sermon dont l'auteur n'avoit rien écrit, et qu'il me dicta depuis à Versailles en deux ou trois soirées, pour Jouarre, où il l'avoit promis. Il l'y envoya en effet à Mme de Lusancy Sainte-Hélène, religieuse, avec la lettre qu'il lui écrivit de Versailles le 8 janvier 1692, la chargeant de renvoyer cet original fait pour elle, quand elle en auroit pris copie. »>

Israël',» non-seulement parmi les gentils, mais encore dans le peuple de Dieu et dans l'Eglise qui est le vrai Israël, « et pour être en butte aux contradictions; et votre ame sera percée d'une épée, » et tout cela se fera, « afin que les pensées que plusieurs tiennent cachées dans leurs cœurs soient découvertes. >>

La religion est un sentiment composé de crainte et de joie : elle inspire de la terreur à l'homme, parce qu'il est pécheur; elle lui inspire de la joie, parce qu'il espère la rémission de ses péchés; elle lui inspire de la terreur, parce que Dieu est juste; et de la joie, parce qu'il est bon. Il faut que l'homme tremble et qu'il soit saisi de frayeur lorsqu'il sent en lui-même tant de mauvaises inclinations; mais il faut qu'il se réjouisse et qu'il se console quand il voit venir un Sauveur et un médecin pour le guérir. C'est pourquoi le Psalmiste chantoit : « Réjouissez-vous devant Dieu avec tremblement : » réjouissez-vous par rapport à lui, mais tremblez par rapport à vous, parce qu'encore que par lui-même il ne vous apporte que du bien, vos crimes et votre malice pourront peut-être l'obliger à vous faire du mal. C'est donc pour cette raison que Jésus-Christ est établi non-seulement pour la résurrection, mais encore pour la ruine de plusieurs en Israël. Et vous ne trouverez pas mauvais que j'anticipe ce discours prophétique du saint vieillard Siméon, pour vous donner une idée parfaite du mystère de Jésus-Christ qui naît aujourd'hui.

C'étoit un des caractères du Messie promis à nos pères d'être tout ensemble et un sujet de consolation et un sujet de contradiction, une pierre fondamentale sur laquelle on doit s'appuyer, et une pierre d'achoppement et de scandale contre laquelle on se heurte et on se brise. Les deux princes des apôtres nous ont appris unanimement cette vérité. Saint Paul, dans l'Epitre aux Romains: « Cette pierre sera pour vous une pierre de scandale, et quiconque croit en lui ne sera point confondu 3. » Le voilà donc tout ensemble et le fondement de l'espérance et le sujet des contradictions du genre humain. Mais il faut encore écouter le prince des apôtres : « C'est ici, dit-il, la pierre de l'angle, la pierre qui soutient et qui unit tout l'édifice; et quiconque croit en celui qui es

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figuré par cette pierre, ne sera point confondu. » Mais c'est aussi une pierre d'achoppement et de scandale, qui fait tomber ou qui met en pièces tout ce qui se heurte contre elle. Mais il faut que les disciples se taisent quand le Maître parle lui-même. C'est JésusChrist qui répond aux disciples de saint Jean-Baptiste : «Bienheureux sont ceux, dit-il, à qui je ne suis pas une occasion de scandale 1 !» Quoique je fasse tant de miracles, qui font voir au genre humain que je suis le fondement de son espérance, on est cependant trop heureux quand on ne trouve point en moi une occasion de se scandaliser; tant le genre humain est corrompu, tant les yeux sont foibles pour soutenir la lumière, tant les cœurs sont rebelles à la vérité. Et pour porter cette vérité jusqu'au premier principe, c'est Dieu même qui est primitivement en ruine et en résurrection au genre humain; car s'il est le sujet des plus grandes louanges, il est aussi en butte aux plus grands blasphèmes. Et cela c'est un effet comme naturel de sa grandeur, parce qu'il faut nécessairement que la lumière qui éclaire les yeux sains éblouisse et confonde les yeux malades. Et Dieu permet que le genre humain se partage sur son sujet, afin que ceux qui le servent, en voyant ceux qui le blasphèment, reconnoissent la grace qui les discerne et lui aient l'obligation de leur soumission. C'étoit donc en JésusChrist un caractère de divinité d'être en butte aux contradictions des hommes, d'être en ruine aux uns et en résurrection aux autres. Et pour entrer plus profondément dans un si grand mystère, je trouve que Jésus-Christ est une occasion de contradiction et de scandale dans les trois principaux endroits par lesquels il s'est déclaré notre Sauveur dans l'état de sa personne, dans la prédication de sa doctrine, dans l'institution de ses sacremens. Qu'est-ce qui choque dans l'état de sa personne? Sa profond ehumiliation. Qu'est-ce qui choque dans sa prédication et dans sa doctrine? Sa sévère et inexorable vérité. Qu'est-ce qui choque dans l'institution de ses sacremens? Je le dirai pour notre confusion, c'est sa bonté et sa miséricorde même.

1 Matth., XI, 6.

PREMIER POINT.

« Au commencement le Verbe étoit ; et le Verbe étoit en Dieu, et le Verbe étoit Dieu. Toutes choses ont été faites par lui 1. » Ce n'est pas là ce qui scandalise les sages du monde : ils se persuadent facilement que Dieu fait tout par son Verbe, par sa parole, par sa raison. Les philosophes platoniciens, dit saint Augustin, admiroient cette parole et ils y trouvoient de la grandeur, que le Verbe fût la lumière qui éclairoit tous les hommes qui venoient au monde; que la vie fût en lui comme dans sa source, d'où elle se répandoit sur tout l'univers, et principalement sur toutes les créatures raisonnables. Ils étoient prêts à écrire en caractères d'or ces beaux commencemens de l'Evangile de saint Jean. (a) Si le christianisme n'eût eu à prêcher que ces grandes et augustes vérités, quelque inaccessible qu'en fùt la hauteur, ces esprits qui se piquoient d'être sublimes se seroient fait un honneur de les croire et de les établir; mais ce qui les a scandalisés, c'est la suite de cet Evangile : « Le Verbe a été fait homme; » et, ce qui paroît encore plus foible : « Le Verbe a été fait chair;» ils n'ont pu souffrir que ce Verbe, dont on leur donnoit une si grande idée, fùt descendu si bas. La parole de la croix leur a été une folie encore plus grande. Le Verbe né d'une femme, le Verbe né dans une crèche, pour en venir enfin à la dernière humiliation du Verbe expirant sur une croix : c'est ce qui à révolté ces esprits superbes. Car ils ne vouloient point comprendre que la première vérité qu'il y eùt à apprendre à l'homme, que son orgueil avoit perdu, étoit de s'humilier. Il falloit donc qu'un Dieu qui venoit pour être le docteur du genre humain, nous apprît à nous abaisser, et que le premier pas qu'il falloit faire pour être chrétien, c'étoit d'être humble. Mais

1 Joan., 1, 1. - 2 Ibid., 14.

(a) Note marg. Quod initium sancti Evangelii, cui nomen est secundùm Joannem, quidam Platonicus, sicut à sancto sene Simpliciano, qui postea Mediolanensi ecclesiæ præsedit episcopus, solebamus audire, aureis litteris conscribendum et per omnes ecclesias in locis eminentissimis proponendum esse dicebat. Sed ideo viluit superbis Deus ille magister, quia Verbum caro factum est, et habitavit in nobis: ut parum sit miseris quòd ægrotant, nisi se in ipsà etiam ægritudine extollant, et de medicinà quà sanari poterant erubescant. Non enim hoc faciunt ut erigantur, sed ut cadendo graviùs affligantur. S. August., De Civit. Dei, lib. X, cap. ΧΧΙΧ.

les hommes enflés de leur vaine science, n'étoient pas capables de faire un pas si nécessaire. « Autant qu'ils s'approchoient de Dieu par leur intelligence, autant s'en éloignoient-ils par leur orgueil : » Quantùm propinquaverunt intelligentià, tantùm superbià recesserunt, dit excellemment saint Augustin '.

Mais, direz-vous, on leur prèchoit la résurrection de Jésus-Christ et son ascension triomphante dans les cieux : ils devoient donc entendre que ce Verbe, que cette Parole, que cette Sagesse incarnée étoit quelque chose de grand. Il est vrai; mais tout le fond de ces grands mystères étoit toujours un Dieu fait homme, c'étoit un homme qu'on élevoit si haut, c'étoit une chair humaine et un corps humain qu'on plaçoit au plus haut des cieux. C'est ce qui leur paroissoit indigne de Dieu; et quelque haut qu'il montât après s'ètre si fort abaissé, ils ne trouvoient pas que ce fut un remède à la dégradation qu'ils s'imaginoient dans la personne du Verbe fait chair. C'est par là que cette personne adorable leur devint méprisable et odieuse : méprisable, parce qu'elle s'étoit abaissée ; odieuse, parce qu'elle les obligeoit de s'abaisser à son exemple. C'est ainsi qu'il a été établi pour la ruine de plusieurs : Positus in ruinam. Mais en même temps il est aussi la résurrection de plusieurs, parce que pourvu qu'on veuille imiter ses humiliations, on apprendra de lui à s'élever de la poussière. Humiliez-vous donc, ames chrétiennes, si vous voulez vous relever avec Jésus-Christ.

Mais, ô malheur ! les chrétiens ont autant de peine à apprendre cette humble leçon qu'en ont eu les sages et les grands du monde, Loin d'imiter Jésus-Christ, dont la naissance a été si humble, chacun oublie la bassesse de la sienne. Cet homme qui s'est élevé par son industrie, et peut-être par ses crimes, ne veut pas se souvenir dans quelle pauvreté il étoit né. Mais ceux qui sont nés quelque chose dans l'ordre du monde, songent-ils bien quel est le fond de leur naissance, combien elle a été foible, combien impuissante et destituée par elle-même de tout secours? Se souviennent-ils de ce que disoit, en la personne d'un roi, le divin auteur du livre de la Sagesse? « Je suis venu au monde en gémissant comme les autres. » De quoi. donc se peut vanter l'homme qui vient au 1 Contra Julian., lib. IV, cap. III. 2 Sap., VII, 3.

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